Peut-être connaissez-vous les speedruns, cette pratique consistant à terminer un jeu vidéo le plus rapidement possible. Il y a une époque où les vidéos de ce type de performance rythmées mes dimanches matins (via le site
Nesblog notamment), appréciant regarder des joueurs user de leur talent limite obsessionnel de façon frénétique. Seulement, je me suis rapidement rendu compte qu'il y avait deux types de speedruns : ceux où le spectacle avait son importance derrière l'exploit, cherchant toujours à capter l'attention du spectateur par des acrobaties insolentes usant des possibilités laissées souvent accidentellement par les développeurs, et ceux qui... terminent simplement vite un jeu, tout en respectant son déroulé linéaire, acharnés à rester dans les clous.
Vous devriez voir où je veux en venir concernant ce nouvel album de Mutoid Man. Si
Bleeder était comme vivre une course n'hésitant pas à quitter le décor ou utiliser les temps de chargement pour atteindre directement le boss final,
War Moans, lui, donne le sentiment de suivre les codes, valoriser la démonstration de force au détriment du spectacle. Certes, l'on est au départ charmé de retrouver le trio Nick Cageao / Ben Koller / Steve Brodsky et ses mélodies qui donnent envie de regarder sa pile de jeux Super NES pour retrouver d'où elles proviennent. Mais l'on déchante vite, pris dans le sentiment étrange que tout ce déballage manque de « quelque chose », qu'avait son illustre prédécesseur et qu'on recherche le long de ces trente-neuf minutes sans parvenir tout à fait à mettre le doigt dessus.
Une frustration constante que j'ai mis quelque temps à expliquer. Pourquoi fais-je autant la moue à la fin d'un disque marqué par la détente, le plaisir de bouger la tête, les guitares en feu ? Pourquoi le chant de Steve Brodsky me laisse une sale mine alors qu'il m'avait mis sur les genoux auparavant ? Après quelques tours et retours, la raison finit par se deviner : d'hyperactif charmeur, où la virulence de ses compositions entre stoner, hardcore, glam et heavy metal s'habillaient d'atours pop pour mieux emmener dans un monde vénéneux, Josh Homme régnant en maître, Mutoid Man est devenu beauf. Indéniablement doué, encore capable d'époustoufler du début à la fin (signalons tout de suite que les critiques ci-présentes ne s'appliquent pas à « Irons in the Fire », beauté heavy metal poussant à punir les hérétiques sur son fidèle skateboard), mais étonnamment beauf. Beauf comme un joueur fier de lui-même, terminant en un temps record un jeu en difficulté maximale assis sur son trône en cuir, des restes de chips sur le T-shirt, un double-menton à peine caché par un hideux collier de barbe. Il faut l'entendre pour le croire : que ce soit lors du refrain de « Melt Your Mind » (gâchant à lui seul de sa bêtise un démarrage parfait), le southern bedonnant de « Bone Chain », les vocalises simplistes de « Kiss of Death » ou encore le déroulé aussi vigoureux que rectiligne de « Micro Agression » (oui, ça va vite et fort... mais en ligne droite, comme sur une autoroute ennuyeuse), les Ricains donnent l'impression de gâcher leurs incroyables atouts dans un exercice qui remplace cette classe particulière qu'avait
Bleeder (aucun « Bridgeburner » à l'horizon ici, vous voilà prévenus) d'un « #swag » moderne, superficiel et horripilant.
Vous trouvez que j'y vais un peu fort ? Il est vrai que le groupe parvient encore à caser quelques lignes jouissives au sein de ses morceaux (« Open Flame », « Headrush » ou encore « Date with the Devil » par exemple), assez pour que l'envie de couper le disque avant sa fin ne se fasse pas trop ressentir. Mais un album qui n'est que « pas dérangeant », au mieux agréable, de la part de ceux qu'on avait placés sur un piédestal après
Bleeder (et ce fantastique concert donné au Black Sheep à Montpellier) ne peut être que décevant voire horriblement frimeur, à la manière de « Bandages » et son guest de Chelsea Wolfe relayé à foison sur les réseaux sociaux alors que son apparition oblige à tendre l'oreille pour s'apprécier (« Hé, vous avez entendu qui on a amené sur notre album ? Comment ça, « pas vraiment » ? »). De sa production tellement fat qu'elle fait mal aux oreilles à son tracklisting trop incohérent enchaînant passages rapides et moments plus posés sans transmettre la sensation de fluidité de son grand frère,
War Moans fait croire qu'il est l'enfant boiteux de
Axe to Fall, longue-durée de Converge sortant aussi les gros bras et les mélodies faciles, mais sachant offrir de vraies belles mandales du début à la fin derrière ses velléités de « guitar hero ».
Un disque indigne de Mutoid Man en somme, ce groupe aussi tête brûlée qu'entêtant, aussi incisif que corrosif, aussi je-m’en-foutiste qu'appliqué. Dommage, j'attendais vraiment de
War Moans qu'il me fasse narguer le soleil pour dépoussiérer ma manette Xbox One. À la place,
Bleeder continuera de ponctuer mes parties de Metal Slug, tout en gardant l'espoir que cette dream team me fera oublier à l'avenir l'expression « feu de paille » que je suis prêt à lui coller. Game Over.
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