L'anti-
Elder ? Ne croyez pas que je critique ici la formation créatrice du très bon
Dead Roots Stirring ! Simplement que je m'évertue à espérer la voir embrasser ces pointes de post hardcore aérien, onirique, qu'elle laisse envisager derrière ses longues mélodies – et qu'à chaque fois j'en sors pareillement frustré, certes plus ou moins admiratif de ses joliesses, mais toujours un peu embêté qu'elles ne soient que cela.
Mais heureusement, il y a StoneBirds. On pouvait légitimement craindre que
Into the Fog... and the Filthy Air doive sa fraîcheur en grande partie à son statut de premier album – qui signe la découverte de pas mal de choses quand il est bien fait : d'une musique, d'une identité, d'émotions... Ce second essai montre que, non, les Français n'ont pas eu un coup de chance, se posent comme maîtres de la rêverie entre stoner et post hardcore. C'est que, malgré quelques similitudes avec le stoner progressif à long développement des Ricains, les oiseaux, eux, ne s'envolent pas dans l'accumulation ; ils s'élèvent dans le sentiment, peignent avec des pinceaux classiques (jusqu'à une production cristalline où la puissance est délaissée au profit de la profondeur) des tableaux généreux, forme au service du fond, beauté de l'exécution au-delà du talent de composition. Raison pour laquelle, bien qu'averti,
Time demande au temps de faire son œuvre avant de s'apprécier pleinement, sa timidité de surface cachant une personnalité hors-norme en matière de voyage intérieur.
Point d'esbroufe. Point d'épat'. StoneBirds est simple, naïf dans son mélange entre stoner et post hardcore où le second prend encore plus de place, se permet de grogner, d'alourdir, sans quitter cette « soul » qui habite son magicien. Certes toujours définissable pour qui veut se faire une idée avant écoute (stupidité : arrêtez de lire et allez profiter !) par des noms comme
Bloodiest,
Yob ou encore
Pombagira – mais aussi Moab, dont les Bretons se rapprochent probablement le plus –, la bande tisse une musique qui ne paraît venir que d'elle, tant elle transpire d'évidence, d'une connaissance qui ne vient pas de l'extérieur. Incroyable :
Time, une fois les barrières rompues, ne donne pas l'impression de « jouer » un style ou un autre, mais de le créer devant soi, les oreilles ennuyées par tant de décalques stoner ou post hardcore retrouvant la poésie dont ils sont capables. Comme une musique pure, virginale, qui nous transforme à son image.
Cet enchantement-ci ne vient pourtant pas de nulle part.
Time présente des qualités palpables, à commencer par ce chant plein de rocailles blues, qui semble arracher ses montées au prix de quelques cordes vocales, contrastant merveilleusement avec ces guitares satinées, à la douceur et lourdeur irréelles. De quoi donner envie de poser ce disque aux côtés d'un certain
Never Forever (dont je finirai bien par oser parler) sans y trouver à rougir, tant les instants de grâce sont légion : « Only Time », « Blackened Sky » et « Animals » en proue, ces interludes formant un fleuve où se laisser bercer... Et surtout cette manière de faire, qui dépasse les notions de riffs et rapport qualité / prix, cet enfantin plaisir qu'elle transmet de se rouler dans la boue et tutoyer l'air sans avoir à choisir de camp. Libéré de toute envie d'être original, d'être novateur, d'être de ce temps où l'on affiche comme substance un style prétendument « jamais entendu », StoneBirds, lui, y trouve à s'imaginer libre.
Il y a cependant encore ces petites maladresse ici ou là, ces moments de flottement où l'attention décroche, sans aucun doute faisant partie du charme, mais dont je vois bien le groupe se débarrasser à l'avenir. Car si
Into the Fog... and the Filthy Air était une bonne surprise d'un trio inconnu au bataillon (chez moi, du moins),
Time le pose comme incontournable, durablement marquant dans une année déjà excellente. Il ne lui reste plus qu'à poser son empreinte définitivement.
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