« Peut-être est-il temps de prendre With the Dead pour ce qu'il est vraiment : un super-groupe décevant de plus. »
Voilà comment j'ai songé un temps commencer cette chronique. Il faut dire que je n'étais pas dans les dispositions les plus avenantes envers la bande à Lee Dorian, une réécoute de son premier album (avec qui j'avais été bien gentil à l'époque) ainsi que des événements en pagaille (comme la séparation avec Mark Greening, parti se venger avec
le « succès » que l'on sait) m'ayant définitivement mis en tête une intention, semi-consciente, de dézinguer d'avance
Love from with the Dead. Honnêteté, quand tu nous tiens.
Et franchement, je n'ai pas perçu lors de mes premières tentatives de quoi me faire changer d'avis.
Love from with the Dead paraît être un cas classique de second album à première vue, plus gros, plus lourd, plus long (beaucoup plus long), plus agressif, « definitely heavier than the last one » comme aiment dire les formations doom à chaque fois qu'elles vendent leur nouveau bébé. De quoi, malveillant, me faire bailler aux corneilles, surtout quand Tonton Lee semble s'époumoner derrière des riffs marqués du sceau du passé jusqu'à évoquer Celtic Frost ainsi que
Forest of Equilibrium dans leur doom extrême.
Le mot est lâché : extrême. On se débat dans un son affreusement lourd et granuleux, malgré qu'on en ait pris l'habitude ? C'est parce que
Love from with the Dead est extrême. Tout hurle jusqu'à donner l'impression que chacun va s'éteindre d'épuisement dans la seconde ? C'est parce que
Love from with the Dead est extrême. Tout s'enfonce, tout souffre, tout veut faire mal d'une manière tout ce qu'il y a de plus généreusement doom ? C'est parce que
Love from with the Dead est extrême, encore, toujours, non pas en partie mais partout. Un extrême que j'avais un peu oublié, qui n'existe plus vraiment : celui des débuts du metal extrême justement, où le mot ne désignait pas une vitesse d'exécution, une voix inhumaine, une imagerie gore ou glauque, mais une radicalité présente à chaque instant.
Autant dire qu'une fois l'idée faisant son chemin, couplée à quelques lancées de plus en plus enfiévrées, j'ai été conquis. D'une durée éprouvante, de riffs aussi simples que ternes, With the Dead fait ici son manifeste, celui qui aurait dû être son premier album (ce qu'il devient vite à l'esprit, tant « l'autre » est transparent jusqu'à être inexistant, en comparaison). Certes, l'amateur trouvera des rappels ici ou là aux anciens groupes de ses membres (l'ombre de
Possessed By the Rise of Magik plane sur « Egyptian Tomb » ou « Watching the Ward Go By » par exemple) mais l'ambiance générale, pour si connue qu'elle soit dans ses coups de pinceau étalant du gris et noir, finit par avoir un fumet particulier, un vernis d'un autre âge. C'est simple, je ne m'attendais pas à réentendre de sitôt Lee Dorian s'essayer à un chant aussi haché, sarcastique et morne, définitivement anglais ! Que ce soit durant les vénéneuses « Anemia » ou encore « Cocaine Phantoms », il devient vite le chef d'orchestre qu'on aime voir en lui, réalisant enfin les envies de jusqu’au-boutisme à l'ancienne qui n'étaient qu'à-moitié comblées sur
The Last Spire (dernier album de Cathedral).
Peut-être est-il temps de prendre With the Dead pour ce qu'il est vraiment : un groupe qui aura mis du temps à en être un, avec ce que cela suggère d'alchimie, de volonté, de réalisation commune... Mais qui en est devenu un, et pas n'importe lequel. Un groupe loin d'être parfait – bon courage pour ne pas avoir envie de crier grâce lors de « CV1 » – mais parvenu à s'asseoir en tant que tel malgré un historique des plus handicapants. Car la dernière réussite d'un disque qui en compte de nombreuses est bien de ne donner à aucun moment la tentation d'écouter à sa place Cathedral, Electric Wizard, Ramesses... Juste de n'écouter que lui, encore et encore. Les morts, enfin, ont pris vie.
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