Tous les ans, je tombe amoureux d'un album de heavy metal qui squatte le top de mon bilan. Ces derniers temps, j'ai été encore plus gâté puisque j'avais eu deux coups de cœur en 2017 avec Attic et Trial qui avaient presque atteint la note maximale. 2018 a commencé très fort grâce à Visigoth. Je m'attendais donc à ce qu'au moins un autre disque accompagne
The Conqueror's Oath. Surtout lors d'une année où Riot et Satan, deux de mes combos heavy favoris, sortent quelque chose. Ce ne sera finalement ni l'un ni l'autre. Judas Priest non plus malgré un retour en force sur un
Firepower qui porte bien son nom. Non, j'ai jeté mon dévolu sur ce nouveau White Wizzard qui me caresse tendrement les oreilles depuis janvier. Plutôt une surprise car j'émettais de gros doutes sur la capacité de Jon Leon à rebondir après le fiasco ayant suivi le pourtant excellent
The Devil's Cut (2013). Tous les membres avaient claqué la porte et Earache Records avait lui aussi lâché l'Américain dans la foulée, le laissant seul face à son destin. Sa première réaction aura été de dissoudre complètement le groupe avant de se raviser et de continuer tout seul en prenant aussi en charge le chant. Puis il a su faire revenir deux anciens coéquipiers. Le guitariste originel James J. LaRue présent sur les deux premiers EP
White Wizzard (2008) et
High Speed GTO (2009) de la formation californienne ainsi que le chanteur Wyatt "Screaming Demon" Anderson, au micro sur les deux premiers full-length
Over The Top (2010) et
Flying Tigers (2011). Pour la batterie, Leon, qui se charge aussi de la basse, a fait appel à deux musiciens. Dylan Marks sur les deux premiers titres et German Moura pour le reste. Leon n'arrivera cependant pas à trouver de label plus important que M-Theory Audio pour la sortie de
Infernal Overdrive à la pochette moins kitschouille que d'habitude.
Au final, les obstacles sur la route de ce quatrième longue-durée n'ont fait que rendre encore plus fort un Jon Leon qui en sort grandi en signant là le meilleur album de White Wizzard. Le plus personnel aussi, peu importe que les premières lignes de chant du remarquable morceau-titre "Infernal Overdrive" en ouverture renvoient directement au "Painkiller" de Judas Priest, que Iron Maiden ne soit pas non plus très loin sur la très épique "Voyage Of The Wolf Raiders", en particulier le superbe break à la mélodie orientalisante à 3'53, que les vocaux à partir de 2'18 sur ce même morceau fassent penser très fort au Cloven Hoof de
A Sultan's Ransom ou encore qu'un léger parfum
Operation: Mindcrime de Queensrÿche nous titille les narines. Difficile de se montrer 100% original quand on fait du heavy metal mais le Sorcier Blanc y arrive bien mieux que la plupart. Jon Leon ne s'est d'ailleurs jamais caché de ses influences. Il suffit juste de bien les digérer et d'y apporter sa propre patte, ce que le Californien réussit fort bien. La recette reste donc globalement identique à
The Devil's Cut, du heavy metal qui prend sa source dans les années 1980, sans sonner trop rétro ou scolaire comme nombre de combos revival. La production très dynamique, claire et puissante, fait sonner le tout de façon moderne. Et ça rend très bien aussi. Le mix est un modèle du genre en donnant leur place à tous les instruments. Même la basse, et il y eût été dommage de s'en priver tant ses lignes qui s'affranchissent de celles des guitares (l'école Harris sans doute) enrichissent les compositions et apportent encore davantage de groove dont White Wizzard ne manque pas (nom d'un foutre ce break à 3'16 sur "Cocoon", des frissons!). Le groupe ne manque pas de grand chose de toute façon. Le riffing se veut impeccable, varié, travaillé et efficace, majoritairement mid-tempo. Les Américains s'autorisent bien des accélérations mais ils ne sont pas du genre à balancer d'un coup toute la sauce, préférant combiner les éléments de façon intelligente, naturelle pour créer de vrais morceaux, de vraies chansons, dégageant de vraies émotions. Là ça serre le poing, là ça s'énerve, là ça se calme, là ça contemple, là ça pleure, là ça se tourmente, là ça critique, là ça réfléchit... Toute une palette de sens, de jeu savamment combinée et orchestrée. Eh oui, le magicien dose!
Si la science du riff et de la composition prouve déjà bien le talent du combo, il y a toutefois deux choses où White Wizzard excelle carrément et qui font de
Infernal Overdrive une source de jouissance sonore à profusion. Commençons par les solos. On le sait, un album de heavy metal sans solo c'est un peu comme Chewbacca sans Solo, c'est triste. L'un ne va pas sans l'autre. Combinant niveau technique impressionnant, feeling mélodique incroyable et toucher admirable, les guitaristes (enfin James J. LaRue surtout) se livrent à une démonstration spectaculaire de leur savoir-faire. Ça shredde à en mettre plein les oreilles parfois jusqu'à rappeler ce cher Yngwie sans le côté néoclassique, mais ce n'est pas que de la branlette de manche. Il y a un vrai feeling, un vrai groove et une vraie ligne mélodique conductrice. Et quand tout ceci se trouve en osmose, je peux vous dire que c'est un pur régal à écouter. Une putain d'orgie devant laquelle tous les amateurs de solos devraient se prosterner. On a même le droit à quelques sonorités un peu orientales, Leon nous sortant carrément le bouzouki et le sitar sur la fin de "Cocoon"!
Le deuxième plus gros atout de White Wizzard, c'est son chanteur. J'appréhendais le limogeage de Joseph Michael, irrésistible sur
The Devil's Cut, remplacé par l'ancien frontman Wyatt "Screaming Demon" Anderson dont je n'avais jamais écouté les collaborations précédentes avec Leon. Le bonhomme m'a vite convaincu. Quel chanteur incroyable! Puissant, technique, versatile, émotionnel, il se livre ici à un véritable récital. Son timbre principal se place dans les médiums mais il maîtrise toutes les hauteurs en nous offrant quelques passages plus graves et surtout quelques sections bien aiguës du plus bel effet comme dès l'intro de "Infernal Overdrive" avec un long cri jouissif tenu longtemps, les couplet géniaux de "Critical Mass" qui rendraient presque jaloux Rob Halford ou la fin de "The Illusion's Tears" histoire de conclure comme l'ouverture. C'est du heavy ou quoi bordel de merde!? Le mec nous propose un large choix de rythmiques et de mélodies vocales inspirées rendant la plupart des couplets efficaces, prenants et entraînants ainsi que certains refrains particulièrement catchy comme ceux entêtants de "Chasing Dragons" et "Critical Mass", les plus réussis et qui vous hanteront un moment. Surtout le premier cité, un bijou!
Ce n'est pas pour rien que "Chasing Dragons" se positionne comme mon morceau favori du disque. Un titre à tiroirs grandiose dont on ne voit pas passer les huit minutes. Comment ça huit minutes?! Ah oui, je ne vous ai pas dit...
Infernal Overdrive dépasse l'heure de jeu sur seulement neuf pistes. Une durée peu appréciée chez moi en temps normal parce que souvent synonyme d'ennui au bout d'un moment. Pas évident en effet de garder l'attention de l'auditeur pendant plus d'une plombe quand on ne s'appelle pas Iron Maiden ou Metallica. Sauf que White Wizzard y arrive très bien aussi en arrivant à conserver un niveau d'exigence, une qualité d'écriture tout au long de l'œuvre. Un bel exploit. En fait,
Infernal Overdrive comporte deux types de morceau et se retrouve divisé en deux par ceux-ci. On a d'abord trois titres directs et efficaces avec "Infernal Overdrive", "Storm The Shores" et "Pretty May" (le tube!). L'opus prend ensuite une tournure plus intriquée, plus fouillée en enchaînant les morceaux longs "Chasing Dragons" (8'15), "Voyage Of The Wolf Raiders" (9'38), "Critical Mass" (8'34) et "Cocoon" (6'16). On revient juste à une longueur plus "radio-friendly" sur "Metamorphosis" (4'35) avant le craquage complet final qu'est "The Illusion's Tears", pièce-maîtresse de onze minutes! White Wizzard a toujours composé quelques morceaux plus épiques mais c'est bien sur
Infernal Overdrive que les Californiens se lâchent le plus. C'est le moment de parler des influences progressives de Leon. Monsieur apprécie le prog rock des années 1970 et il s'est laissé aller à en infuser une dose dans son groupe de heavy. On le ressent sur quelques breaks plus posés ("Cocoon" à 3'16), un groove parfois plus tapissé, certaines ambiances plus atmosphériques, quelques solos plus aériens ("Pretty May" à 1'35, "Chasing Dragons" à 5'25). Et c'est sur "Metamorphosis", l'avant-dernière piste, ainsi que sur le morceau fleuve de tomber de rideau que ces influences prog s'expriment le plus. On y remarque aussi un côté space rock sur ce "The Illusion's Tears" qui s'avère quand même un sacré morceau! D'habitude, le prog et moi, ça fait deux. Pourtant, ces nouvelles influences ne me dérangent pas. Elles apportent même un plus au quatuor d'outre-Atlantique pour se démarquer de la masse du revival heavy. Je l'avoue néanmoins, "Metamorphosis" et "The Illusion's Tears" ne sont pas mes morceaux préféré, je suis bien content quand le tempo accélère sur la dernière partie jubilatoire de "The Illusion's Tears" lorsque White Wizzard se rappelle qu'il reste avant tout un groupe de heavy metal. Les mélodies vocales me font en plus penser à Enforcer! Les saveurs prog restent de toute façon assez éparses, distillées avec modération excepté en fin de parcours plus marqué.
Qui aurait cru que Jon Leon serait capable de sortir un tel album après toutes les mésaventures post-
The Devil's Cut? Pourtant, force est de constater qu'il a réussi son pari en ravivant la flamme avec James J. LaRue et Wyatt Anderson. Si
Infernal Overdrive était sorti à la grande époque, nul doute qu'il aurait terminé au rayon des classiques tant il transpire le talent par tous les pores. Que ce soit les riffs accomplis, les solos de shredder ultra classes, le chant d'une justesse imparable, la basse entreprenante des plus savoureuses, la batterie juste parfaite, le tout travaillant pour un modèle d'efficacité dans une ambiance prenante véhiculant tout un tas d'émotions, White Wizzard se montre impérial sur ce
Infernal Overdrive exceptionnel. Une telle qualité sur plus d'une heure, ce n'est pas donné à tout le monde. Les influences prog bien incorporées et dosées pour qui comme moi n'y goûtent que très peu ne font que pimenter une œuvre déjà très riche que l'on applaudit des deux mains. Une indication sur le visage futur du groupe? On ne le saura jamais car le destin en a décidé autrement. White Wizzard a depuis de nouveau splité! Cette fois pour de bon semble-t-il... Bien dommage quand on voit ce dont le combo est capable. Il a au moins le bon goût de s'en aller au top de sa forme, nous laissant un dernier témoignage que l'on prendra plaisir à écouter encore un moment. Un dernier tour de magie d'un rare panache.
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