Abbath - Outstrider
Chronique
Abbath Outstrider
Depuis qu’il a quitté ses camarades d’IMMORTAL la carrière du corbeau-chanteur ne cesse de décliner et surtout de s’enfoncer dans la médiocrité, que ça soit en concert comme en studio. Alors que le binôme Demonaz/Horgh a surpris son monde l’année dernière avec un inattendu et excellent opus, l’ancien frontman ne cesse au contraire de devenir une caricature de lui-même au point de finir par ressembler au pathétique Krusty le Clown dans "Les Simpson". Il faut dire qu’entre un album éponyme navrant de facilité qui se contentait d’exploiter et de recycler les ficelles de son ancienne formation (avec une qualité bien moindre), et des prestations scéniques d’un niveau catastrophique où son taux d’alcoolémie atteignait des sommets, il y’a de quoi rire ou pleurer selon comment on se place. A l’instar de nombre de musiciens avant lui le scandinave a fini par devenir un artiste déclinant que l’on va voir plus par voyeurisme et pitié que par soutien et passion, du coup il est normal que ce nouveau volet sous son propre nom ne suscite pas un engouement massif, ni le même effet de curiosité que le précédent (même s’il bénéficie toujours de la promotion massive de son label). De toute manière vu sa situation actuelle il semble presque impossible pour lui de tomber plus bas qu’il ne se trouve actuellement, du coup cela est un motif d’espoir et l’on peut se dire que ce second chapitre ne pourra qu’être supérieur au premier. Du coup pour mettre toutes les chances de son côté celui-ci a renouvelé totalement l’équipe autour de lui, composée désormais à la fois de vieux briscards comme d’un petit jeunot, et dont l’ensemble provient de différents horizons du Metal comme d’autres pays (bassiste italienne et batteur finlandais).
Cependant on sent bien que musicalement Abbath reste le seul maître à bord et qu’il a tout écrit ou presque, car durant presque quarante minutes il va nous balancer des compos qui ne sont pas sans rappeler celles produites auparavant dans son ancienne et mythique formation (tout comme dans la regrettée I), mais avec hélas l’inspiration en moins. Le début du disque va en effet être franchement laborieux avec « Calm In Ire (Of Hurricane) » dont les riffs et plans semblent avoir été piochés allègrement au sein des excellents « At The Heart Of Winter » et « Sons Of The Northern Darkness », l’accroche en moins tant ça a du mal à décoller et ça patauge déjà dans la semoule, un mauvais signe présent de façon très précoce. Si l’ensemble voit les classiques variations entre blasts énergiques et passages mid-tempo bien massifs ceux-ci semblent en revanche joués en pilotage automatique, et le résultat global de ce premier titre est très vite oublié. Rien de totalement mauvais mais c’est trop basique et académique pour captiver sur la durée, à l’instar de « Bridge Of Spasms » qui enchaîne dans la foulée et maintient l’encéphalogramme désespérément plat. Jouant pourtant sur l‘explosivité et la vitesse (qui sont mises ici plus en avant) ça ne décolle là-encore à aucun moment et reste même perpétuellement poussif, à l’instar d’un vieux moteur qui essaie sans succès de démarrer malgré les coups de manivelle comparables ici au rythme globalement élevé.
Déjà deux compos de passées et franchement rien à se mettre sous la dent, on finit par se demander si le même niveau de platitude de la précédente réalisation va être atteint, et ça n’est pas avec le répétitif « The Artifex » que les choses vont s’arranger, vu que malgré une durée relativement courte on a l’impression d’écouter en boucle la même chose en permanence. Pourtant alors que l’espoir semblait définitivement envolé l’arrivée de l’agréable et inattendu « Harvest Pyre » montre que la tête pensante du quatuor arrive encore à pondre des choses intéressantes (mais pour combien de temps ?). Avec sa base épique et son côté entraînant il contient nombre d’éléments remuants et accrocheurs en mid-tempo que l’on croirait écrits par son ex équipier et beau-frère, à la différence que ça reste cependant un ton en dessous. Mais malgré tout sans avoir envie de sauter au plafond on se surprend à taper du pied et à remuer la tête avec plaisir, tout en ayant l’esprit dans les fjords et les forêts immenses, ce qui s’avère fort agréable. Ce regain d’intérêt est également visible sur « Outstrider » moins brutal que ce qui a été entendu jusque-là mais finalement plus intéressant, car sa lourdeur et ses passages acoustiques (aux deux extrémités) amènent une certaine densité et une plus grande cohérence, vu que le leader et ses acolytes donnent enfin l’impression de s’être foulés dans leur façon de jouer.
Du coup on ne peut que regretter que cela ne soit pas le cas en permanence vu qu’il y’a un encore du potentiel qui ne demande qu’à être exploité, tout juste faudrait-il s’en donner les moyens au lieu de ressasser ce qui a été fait brillamment auparavant et qui a fait la gloire du sieur norvégien. Au lieu de cela après cet intermède réussi et intéressant l’ensemble va retomber comme un soufflet à cause des mêmes défauts cités précédemment, comme sur « Land Of Khem » qui tabasse dans le vide et se montre carrément emmerdant, tout comme le linéaire « Scythewinder » dont le riffing rampant était prometteur au démarrage. Malheureusement il s’essouffle trop rapidement à cause toujours de cette rengaine de facilité, donnant la sensation qu’il a été écrit juste avant d’être enregistré dans la foulée, et que dire alors de « Hecate » ennuyeux et incohérent mais aussi très énervant. Car outre les patterns du marteleur ouvertement pompés (et même plagiés pourrait-on dire) sur ceux de l’actuel frappeur d’HYPOCRISY (on a d’ailleurs régulièrement l’impression que c’est lui qui joue), ce qui finit par agacer au plus haut point c’est cette impression de je-m’en-foutisme généralisé, et cela sans compter ce break inutile et raté qui tombe comme un cheveu sur la soupe. Du coup on est presque soulagé quand intervient la reprise de BATHORY (« Pace Till Death » - publiée initialement en 1988 sur « Blood Fire Death ») car on se dit que vu le pedigree des membres ceux-ci vont savoir quoi en faire, et c’est effectivement le cas où le son froid des guitares et l’expérience commune de chacun des membres rendent grâce à Quorthon, et continuent ainsi de faire vivre sa mémoire comme son héritage.
Sans être encore devenu un excellent cover-band on peut se dire que ce projet "solo" est plus intéressant quand il reprend la musique des autres que quand il fabrique la sienne, ce qui n’est pas encourageant pour la suite de sa carrière. Cependant il faut quand même saluer le boulot effectué par le soliste Ole Andre Farstad sur les nombreux leads qui parsèment cette galette et qui sont franchement réussis, amenant de la lumière au milieu de cette tempête de neige, et permettant aussi de rehausser l’accroche globale qui aurait été encore plus faible sans cela. Heureusement d’ailleurs que les compositions ne traînent pas en longueur (une seule dépasse les cinq minutes) car cela limite encore plus la casse, alors certes il y’a quelques passages intéressants où on se surprend à taper du pied comme remuer de la nuque, mais ils sont beaucoup trop rares et discrets. En effet le reste du temps ce qui est proposé est au mieux trop générique ou au pire carrément insipide, mais dans tous les cas il est vraiment difficile d’en faire ressortir une œuvre plus qu’une autre. Autant dire que malgré les progrès entrevus ça n’est pas encore avec ça que le multi-instrumentiste va pouvoir concurrencer ses anciens acolytes, qui doivent franchement se marrer en entendant ce qu’il créé aujourd’hui confirmant que désormais entre eux il y’a un monde d’écart qui semble irréconciliable et irrattrapable.
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