Moins d’un an et demi après des débuts prometteurs, les Canadiens de Gorguts faisaient en janvier 1993 leur retour avec la sortie, cette fois-ci sur Roadrunner Records, de leur deuxième album intitulé
The Erosion Of Sanity. Comme pour son prédécesseur, l’artwork a été confié à l’inévitable (du moins pour l’époque) et talentueux Dan Seagrave. Un travail une fois de plus remarquable dont l’atmosphère qui s’en dégage n’a jamais aussi bien collé qu’à ce Death Metal du début des années 90. Il y a dans ces décors ciselés et ces paysages sombres et agressifs une ambiance de mort et de désolation perpétuelle capable, toujours en accord avec la musique, de nourrir l’imaginaire de l’auditeur le temps d’un voyage tourmenté et irréel. Se plonger dans les moindre détails de ces peintures en écoutant des albums tels que
Left Hand Path,
Effigy Of The Forgotten,
Transcend The Rubicon,
Like An Ever Flowing Stream,
Gateway's To Annihilation ou bien encore
Testimony Of The Ancient reste à mon humble avis le meilleur moyen de s’y immerger complètement. Ces deux premiers albums de Gorguts n’échappent pas à ce constat.
Au-delà de cette symbiose artistique qui mêle ici deux de nos cinq sens et surtout d’un schéma qui semble se répéter (même label, même illustrateur...), ce nouvel album marque cependant un pas en avant dans la carrière des Canadiens. En effet, bien qu’il soit en parti produit par Scott Burns,
The Erosion Of Sanity à cette fois-ci été enregistré à Montréal. Un détail qui a tout son importance puisque celui-ci ne souffre pas des mêmes défauts de production que son aîné. A vrai dire, si elle est tout de même le reflet d’une certaine époque (nous sommes en 1993, rappelons-le), elle ne souffre d’aucun défaut particulier et permet cette fois-ci aux compositions des Canadiens de véritablement respirer, laissant ainsi à chaque instrument l’opportunité de trouver sa place (ah, cette basse!). Un choix salutaire qui, compte tenu de la complexité et de la densité de chaque morceau, va notamment permettre à Gorguts de gagner en précision, en efficacité ainsi qu’en puissance là où l’auditeur aura quant à lui bien plus de facilité à s’approprier un contenu devenu moins hermétique (mais certainement pas plus facile). Débarrassé de ce fardeau encombrant, celui-ci va alors pouvoir se concentrer sur l’essentiel : décortiquer l’ensemble de ces riffs tordus et tenter d’assimiler ces titres aux constructions rythmiques alambiquées et peu orthodoxes. Un vrai travail à temps plein.
D’autant plus qu’au-delà de ces progrès en matière de production, la musique de Gorguts a également gagné en maturité. Ainsi, là où son prédécesseur manquait parfois de personnalité à cause de riffs quelque peu anecdotiques,
The Erosion Of Sanity se montre beaucoup plus abouti, marquant ainsi davantage les esprits que le pourtant très bon
Considered Dead. D’une plus grande richesse, on y trouve tout au long de ces trente-six minutes un groupe bien plus à l’aise avec ce Death Metal qu’il a lui-même aidé à façonner quelques années auparavant. Ainsi, les riffs de Luc Lemay et Sylvain Marcoux, s’ils conservent leurs caractéristiques d’antan (vitesse d’exécution, construction rythmique relativement marquée, multiplicité d’idées et changements impromptus de pattern/séquences...), sont tout simplement bien mieux ficelés qu’autrefois et poussés encore un peu plus loin en avant (plus rapides, plus marqués, plus d'idées...). Pourtant, le duo de guitaristes n’a pas cherché à changer quoi que ce soit à sa formule, seulement à la rendre plus fluide et plus naturelle. Et pour le coup, bien qu’il soit toujours assez compliqué de se laisser attraper par la musique des Canadiens, le résultat final se veut effectivement bien plus convaincant. Construit sur la base de passages mid-tempo sombres et écrasants et de séquences bourre-pif à base de blasts soutenus et de riffs vicieux et torturés, le Death Metal de Gorguts ne laisse absolument aucune chance à l’auditeur qui va très vite se retrouver malmené par ces changements de caps inattendus et ces riffs imprévisibles.
Pour autant, ce deuxième album reste encore relativement éloigné d’un
Obscura plus personnel et inventif. Aussi,
The Erosion Of Sanity ne diffère pas énormément de son prédécesseur et s’inscrit encore une fois dans la démarche des groupes de Death Metal (technique et/ou brutal) de l’époque. Le parallèle avec les New-Yorkais de Suffocation est ainsi toujours aussi vrai même si le groove et la brutalité du second seront toujours un cran au-dessus (surtout en ce qui concerne cette notion de groove si caractéristique à Suffocation). N’en déplaise à certains,
The Erosion Of Sanity est donc un album encore relativement "classique" (en comparaison de la suite) qui, en dépit de ses qualités (technique, maitrise, qualité d’écriture...) et de ses compositions rendues plus efficaces et plus personnelles, n’aura malheureusement jamais réussi à détrôner les grands noms de l’époque dans l’esprits des gens qui auront préféré retenir en premier lieu des groupes tels que Cannibal Corpse, Immolation, Morbid Angel et bien évidement Suffocation.
Sorti un tout petit peu plus d’un an après
Considered Dead,
The Erosion Of Sanity ne marque pas encore une réelle fracture dans l’approche qu’à pu avoir Gorguts de son Death Metal. Il faudra attendre 1998 pour voir revenir les Canadiens avec un disque à l’identité vraiment marquée et pour le coup beaucoup plus personnel et audacieux. Néanmoins, cet album phare intitulé
Obscura et le fait que ces deux premiers essais soient parfaitement ancrés dans leur époque ne doit pas occulter le fait que
The Erosion Of Sanity reste à ce jour un album absolument incroyable qui n’a certainement pas à rougir face à la concurrence de ces années folles. Quand j’entends ces morceaux exécutés à une telle vitesse et où viennent entrer en collision un nombre incalculable de riffs, de soli et d’idées originales (ce break sorti de nul sur "A Path Beyond Premonition" avec cette basse pincée), il me semble évident que Gorguts était pourtant déjà en 1993 l’un des grands nom du Death Metal technique. Vous pouvez évidemment ne pas être d’accord avec ce constat mais sachez néanmoins que j'ai quand même raison.
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