Alors celle-là, je ne l'avais pas vue venir ! J'avais bien écrit dans ma conclusion de la chronique du dernier album
From Beyond : "ils n'ont qu'à sortir des albums pourris et j'oublierai mes superlatifs et autres dithyrambes !". Mais les gars, c'était de l'ironie hein, fallait pas le prendre au pied de la lettre !? Bon, j'exagère, ce
Zenith n'est pas pourri. Il est juste en partie raté, maladroit, opportuniste, frustrant et donc décevant. Surtout, il dévoile un nouveau Enforcer qui nous prend par surprise, et pas comme on aime.
Malgré mon pessimisme légendaire et l'adage "tous les groupes finissent par décevoir", j'avoue que je plaçais Enforcer en tellement haute estime que je n'attendais pas autre chose des Suédois qu'une nouvelle pépite de heavy/speed ras la gueule de riffs jouissifs, de mélodies exquises, de rythmiques enlevées, de solos endiablés et de lignes de chant catchy mémorables. C'est donc avec une grande joie que j'accueille la sortie d'un nouvel opus en avril dernier sur Nuclear Blast. La pochette est jolie en plus, ils ont vraiment fait des efforts là-dessus. Je télécharge en toute confiance le promo pour l'uploader sur mon iPod (ouais je suis devenu super moderne ...) et l'écouter religieusement. Bim, un grand coup derrière la nuque ! Qu'est-ce que c'est que ce bordel ?! Pourquoi ça joue au ralenti ?! Je me suis gouré de promo ?! Ah bah non. L' iPod déconne ?! Pas possible voyons, c'est Apple ! Il a bien fallu se rendre à l'évidence, ce n'est pas un problème technique. Non, le problème, c'est Enforcer ! Enforcer qui a dû se dire que Mötley Crüe et Def Leppard, c'était quand même ultra cool, ils se tapaient plein de nanas, et que Ghost, ça marche vachement bien, ils doivent se faire un paquet de thunes !
Je caricature certes, mais je me demande quel cheminement de pensée les a conduits à écrire
Zenith. Bon, après tout, un groupe a le droit de faire évoluer son style, d'essayer des trucs, de prendre des risques, surtout après quinze ans de carrière et quatre albums. Et donc Enforcer a changé, oui. Avant, ses albums se composaient en majeure partie de morceaux heavy/speed fougueux et mélodiques, avec quelques titres plus mid-tempo. Sur ce
Zenith, la balance s'inverse. Place désormais à un heavy metal toujours old-school mais plutôt orienté hard rock voire FM sur ses élans les plus guimauves. Fini ou presque le speed hormis sur deux morceaux, le salvateur "Searching for You" (après deux morceaux à attendre un pic sur l'électrocardiogramme, on lui pardonnera ses "searching for you" assez niais sur le refrain) et l'ultra efficace "Thunder and Hell", la meilleure piste de l'opus. L'excellent
From Beyond présentait déjà une vitesse de jeu plus modérée par rapport à
Death by Fire mais c'est sans commune mesure ici.
La direction plus easy-listening et radio-friendly fait-elle pour autant de
Zenith un mauvais album ? Oui et non. Ça dépend. La réponse est plus compliquée que ça en fait. Car il y a à boire et à manger ici. Commençons par les choses qui fâchent. De la nette baisse de rythme en découle logiquement un manque de punch et de dynamisme assez dommageable. Trop de mollesse, voilà un reproche qu'on ne pensait pas faire un jour aux Scandinaves ! On lève le pied et on simplifie aussi la musique qui s'avère moins riche en riffs et en mélodie. Le fait qu'il n'y ait plus le traditionnel instrumental en sixième position avec son enchaînement de riffs inspirés en est un bon exemple. Les passages vraiment marquants, auparavant nombreux sur les œuvres précédentes, se comptent ici sur les doigts d'une main. Le départ du guitariste de longue date Joseph Tholl, remplacé par Jonathan Nordwall (ex-Lethal Steel) pourrait être un début d'explication au manque d'inspiration mais Enforcer restant le bébé du chanteur guitariste Olof Wikstrand, cela n'aurait probablement rien changé s'il avait toujours fait partie du groupe. Wikstrand se révèle donc un coupable tout désigné. D'autant qu'outre ces guitares en berne, le chant fait parfois aussi défaut. On lui a connu des lignes et des mélodies vocales plus inspirées au père Olof ! Et ses "oh oh oh ", "wouhou hou" et autres "wohoho wohoho" à tout bout de champ deviennent des gimmicks assez insupportables. Ça plus les vocaux doucereux, murmurés ou les chœurs niais, ça minaude beaucoup trop ! Cela va de paire avec l'utilisation heureusement parcimonieuse de keyboards (oui, du clavier, sans doute la pire invention de l'Humanité avec la télé-réalité, les perches à selfies et le socialisme), en particulier sur "One Thousand Years of Darkness" où, même s'il n'apparaît pas en continu, gâche presque à lui-seul le morceau. À 0'27 sur "Zenith of the Black Sun", c'est bien kitsch aussi ! Ah et sinon Jack Starr a appelé, il voudrait récupérer sa mélodie sur "Forever We Worship the Dark" (2'34 et 4'05). On n'est pas loin non plus de "For Whom the Bell Tolls" à partir de 0'37 sur "The End of a Universe". Le poussif "Zenith of the Black Sun", l'inoffensif "Sail On", "One Thousand Years of Darkness" avec son clavier incongru et "Ode to Death" qui conclut l'opus sur quasiment sept minutes d'ennui : foutez-moi tout ça au peloton d'exécution !
Bon, ce n'est pas tout à fait vrai. Je m'emporte, c'est la passion. Même sur ces quatre morceaux, les plus dispensables de l'album, tout n'est pas à jeter. Le riff principal très typé vieux heavy motard du début des années 1980 de "Zenith of the Black Sun", bien que déjà entendu des milliers de fois chez à peu près tous les groupes de heavy metal de la planète, s'avère plutôt cool, tout comme les lignes de chant sur les couplets. Le refrain de "Sail On" a beau être ultra niais, c'est du bon niais. Comme pour le kitsch, il y a du bon et du mauvais niais. La frontière entre les deux reste souvent floue et dépend de l'auditeur. Chez moi, qui mine de rien suis plutôt bon public (j'adore les ballades les plus sucrées de Judas Priest et Satan sait qu'il y a du mielleux de chez mielleux !), ça passe bien et ça reste en tête. "One Thousand Years of Darkness" sans son clavier reste acceptable (refrain et solos sympathiques). Pour "Ode to Death", la belle intro acoustique toute calme, l'ambiance sombre, le chant quand il se fait plus appuyé et la basse plus libre vers la fin sauvent le morceau du naufrage. Et puis quatre morceaux sur dix, ça en laisse six de bons. D'où la note décevante pour un groupe de la trempe d'Enforcer mais pas non plus catastrophique. Malgré les défauts cités, il y a en effet encore pas mal de choses que j'apprécie sur ce
Zenith qui reste assez efficace et dont l'écoute n'est tout de même pas déplaisante. Je suis un peu dur avec Olof Wikstrand, la plupart de ses lignes de chant restent très convenables. Et j'adore toujours autant ses montées aiguës jouissives ! Les solos se révèlent de bon niveau aussi. Le morceau d'ouverture "Die for the Devil' fait le taf avec son gros mid-tempo hard rock headbangant, ses arpèges sur les couplets et ses solos au bon feeling. "The End of a Universe" passe bien aussi. Quant à "Forever We Worship the Dark", on ne passe pas loin de l'hymne malgré le fait qu'il n'y ait pas grand chose de sombre et que l'on y sent dans l'esprit quelques accointances avec Ghost (que je conchie volontiers). Personnellement et malgré des défauts évidents (mais c'est pareil pour tous les morceaux), j'apprécie beaucoup cette compo. Encore plus étonnant, le cas "Regrets". Piano (joué par le batteur et frère d'Olof, Jonas Wikstrand), chant tout mignon, mélodie et lead larmoyantes, il s'agit du titre le plus guimauve de
Zenith qui a en plus le toupet de traîner en longueur. L'ombre de Ghost y rode encore par-ci par-là. Pourtant, là aussi ça marche chez moi (le "bon" niais). La lead bluesy prend aux tripes, les notes de piano sont poignantes, le rythme mid-tempo entraînant et j'y vois un peu de Queen à partir de 3'39 pour le côté opéra dramatique.
Désastreuse lors de ma première rencontre, ma relation avec
Zenith a fini par se complexifier pour devenir du je t'aime moi non plus. Tout n'est pas noir, tout n'est pas blanc. Parfois j'ai envie de les claquer, d'autres fois je voudrais les prendre dans mes bras. Mais à l'heure de faire les comptes et des choix,
Zenith traîne trop de casseroles pour ne pas en garder des traces. On reste néanmoins loin du désastre que certains n'ont pas manqué d'annoncer. Le chant, les solos, l'émotion parfois poignante, les deux seuls morceaux speed, l'ambiance rétro old-school toujours là, l'efficacité toujours présente, tout n'est clairement pas à balancer à la poubelle. Mais la baisse drastique de vélocité, l'évolution hard rock par moment limite FM, la simplification de la musique qui en découle, le manque d'inspiration par rapport à ce à quoi le groupe nous avait habitué, les mièvreries sucrées trop collantes (le "mauvais" niais), tout ça fait que l'on ne peut pas tout pardonner à Enforcer, un groupe que je considérais comme le plus talentueux de toute cette scène heavy revival. Son évolution surprend mais surtout, déçoit. Globalement et au regard de la discographie parfaite des Suédois,
Zenith reste un échec. Leur moins bon album, de loin.
Zenith ne pouvait du coup plus mal porter son nom.
Nadir, qu'il aurait dû s'appeler. À voir comment le quatuor de Stockholm va rebondir par la suite car il a dû faire beaucoup de déçus. Vont-ils continuer dans cette voie ou revenir vers un son plus couillu ? L'avenir nous le dira. En attendant, on préférera toujours s'écouter un
Diamonds pour du Enforcer au sommet de sa forme. Et heureusement, entre les EPs de Visigoth, Sabïre et Galaxy ou les albums de Vulture, Traveler et Riot City, il y a le choix cette année en sélection heavy de grande qualité. Pour la première fois, Enforcer n'en fera pas partie.
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