Marduk - Panzer Division Marduk
Chronique
Marduk Panzer Division Marduk
Aussi surprenant que cela puisse paraître, personne ici chez Thrashocore n’avait encore rédigé la chronique du Panzer Division Marduk. Difficile d’imaginer qu’un tel album puisse être absent de nos colonnes alors qu’on y trouve tout de même quelques saloperies bien moins recommandables que je ne citerais pas ici par simple respect pour mes chers camarades (allez, ça va, on a le droit de rigoler). Alors c’est vrai, personne aujourd’hui n’a besoin qu’on lui souffle dans les oreilles les qualités évidentes de cet album qui a célébré cette année ses vingt ans. Et si c’est le cas, j’espère pour vous que vous n’êtes âgés que d’une dizaine d’années afin de pouvoir justifier un tel affront. Mais au final peu importe car me voilà quoi qu’il arrive lancé dans la rédaction de cette chronique qui, si elle n’apprendra probablement rien à personne, nous permettra au moins à tous d’alimenter notre Thrashothèque avec un album digne de ce nom.
Sorti en juin 1999 sur Osmose Productions pour une dernière collaboration des plus remarquées, Panzer Division Marduk est déjà à l’époque le sixième album des Suédois et fût, si ma mémoire est bonne, sujet à de vives critiques pour ses références non-feintes à l’Allemagne nazie. Il faut dire que Marduk, en bon provocateur, avait tendu le bâton pour se faire battre. Outre ce titre et cet artwork (sur lequel ne figure pas un Panzer de l’armée allemande mais un Centurion Mk5 dans sa version suédoise) qui ne laissent planer aucun doute sur les intentions belliqueuses des Suédois, l’album est également truffé d’enregistrements captés lors de la seconde guerre mondiale (bombardements, tirs d’obus, ordres militaires menaçants, chars d’assaut en mouvement, attaques aériennes...). Marduk n’hésite pas non plus à évoquer explicitement les exploits de certains bataillions allemands allant jusqu’à reprendre dans "502" (en référence à la Schwere Panzer-Abteilung 502) certaines paroles scandées fièrement par la Wehrmacht. De quoi rendre évidemment nerveux tous les antifas de la planète même si, selon Marduk, la visée de ces références a toujours été purement historique. A cela s’ajoute de la part d’Osmose Productions un plan de communication plutôt couillu consistant à présenter ce sixième album de Marduk comme la version Black Metal de Reign In Blood, rien que ça...
La comparaison, si elle est clairement osée, suggère cependant à tous les acheteurs potentiels de l’époque que ce Panzer Division Marduk est, du haut de ses trente petites minutes, l’album le plus radical de la formation suédoise. Et, clairement, on ne peut pas dire qu’il y ait eu ici tromperie sur la marchandise. Un coup marketing bien ficelé qui permettra à Marduk de quitter les sphères obscures de la scène Black Metal pour exploser notamment dans les pages de magazines comme Hard n’Heavy et compagnie bien décidés d’ailleurs à profiter de la montée en puissance de ce phénomène. Pourtant, et contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce dernier est loin d’avoir fait l’unanimité et cela pour des raisons qui, personnellement, m’échappent complètement : "cruelle absence d’atmosphères", "parti pris du "qui jouera le plus vite et le plus fort" à mille lieux de ce que doit être le Black Metal", "une production froide et complètement aseptisée"...
Si je ne prétends pas détenir la Sainte parole, je me situe à l’opposé de ces déclarations, parmi les conquis de la première heure. Et vingt ans plus tard, rien n’a changé tant je trouve Panzer Division Marduk absolument infernal. Mené le couteau entre les dents du début à la fin, ce disque est une démonstration de force à la fois brutale et impitoyable. Dénué de finesse et de nuance, le groupe fait montre d’une puissance de feu particulièrement redoutable, imposant à l’auditeur une cadence quasi-insoutenable. Alors oui, les pisse-froid trouveront que l’ensemble manque de relief et que Marduk y déploie de titre en titre la même sempiternelle recette au nom d’une sacro-sainte quête d’ultra-violence. Je ne peux évidemment pas tout à fait leur donner tort sur la forme même si pour moi c’est ce qui fait bien évidemment tout le charme de ce Panzer Division Marduk exécuté pied au plancher et que l’on prend en pleine face sans jamais pouvoir espérer reprendre son souffle. Un disque frontal, sans aucun compromis ayant pour seul objectif la destruction et l’annihilation de toutes choses connues. Peter Tägtgren l’a d’ailleurs très bien compris puisque quoi que l’on en dise, sa production clinique, froide et décharnée, sert justement à la perfection la vision nihiliste de fin du monde d’un Marduk des plus menaçants. Certes les riffs dispensés par Patrik Niclas Morgan Håkansson peuvent sembler simples et répétitifs mais ils sont aussi terriblement efficaces dans cette approche jusqu’au-boutiste ("Panzer Division Marduk", "Baptism By Fire", "Christraping Black Metal", "502", "Fistfucking God’s Planet", ces quelques solos diaboliques proposés ici et là). Même constat pour cette batterie incendiaire qui, derrière ses atours un brin linéaires, révèle néanmoins un jeu particulièrement tendu et coriace de la part d’un Fredrik Andersson impressionnant. Alors oui, le Suédois ne passe le plus clair de son temps qu’à blaster et à cavaler mais il en faut du souffle et de la technique pour tenir un tel rythme. Enfin, évoquons également cette basse beaucoup plus discrète mais aux quelques rondeurs particulièrement sympathiques comme l'atteste cet excellent passage à 1:32 sur "502".
Véritable opération blitzkrieg menée aux commandes d’un char d’assaut lancé à pleine allure que rien ne pourrait arrêter, Panzer Division Marduk est et restera le disque le plus agressif et intransigeant de Marduk mais aussi l’un des albums les plus redoutables de sa génération (peu à l’époque ont été capables de délivrer un tel niveau de violence concentrée). Si nombreux sont ceux à ne pas avoir appréciés cette posture particulièrement radicale empruntée ici par les Suédois (posture qui ne sera d’ailleurs pas réitérée par la suite puisque les albums suivants seront bien davantage marqués par la présence de séquences mid-tempo), notamment après des albums aux atmosphères et aux compositions effectivement un poil plus développées (on pense bien entendu à l’excellent Nightwing), je reste encore aujourd’hui abasourdi par cette démonstration de force absolument incroyable. Trente minutes particulièrement jouissives qui, en dépit d’une linéarité évidente et d’une certaine simplicité d’idées, laisse exploser une certaine violence dans ce qu’elle a de plus primitif et de destructeur. Un sacré exutoire/défouloir qui, malgré ce qu’en diront les mauvaises langues, figure assurément parmi les pierres angulaires du Black Metal.
| AxGxB 7 Octobre 2019 - 4587 lectures |
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