Skid Row - Slave To The Grind
Chronique
Skid Row Slave To The Grind
Fort du succès aussi gigantesque qu’inattendu de son premier album éponyme sorti en 1989 et qui grâce à des tubes comme « Youth Gone Wild », « 18 and Life » et « I Remember You » sera certifié cinq fois disque de platine, Skid Row entreprend un an plus tard l’enregistrement de son successeur. Toujours épaulé de Michael Wagener (qui a brièvement tenu la six-cordes chez le pré-Accept avant de produire et/ou mixer un paquet de groupes tels que Mötley Crüe, W.A.S.P., Overkill, Great White, Stryper, Alice Cooper, Extreme, Megadeth, Testament, Ozzy Osbourne, Dokken, Metallica, White Lion…) l’enregistrement se passera entre la Floride et la Californie et aboutira en juin 1991 à ce qui reste pour moi l’apogée du groupe et tout simplement un incontournable absolu du metal du début des années 90.
Si l’album éponyme, bien que bourré de qualités, peinait quelque peu à trouver son style entre relents hard rock, influences glam (les gus étant grands fans de Kiss) et heavy metal (les gus étant grands fans de Judas Priest), « Slave To The Grind » parvient à affûter la musique des Américains et à lui donner une envergure toute autre. Son bien plus puissant, riffing bien plus massif (on n’est parfois pas loin d’un power metal), rythmiques bien plus soutenues… ce second effort est une version ultra-testostéronée de son prédécesseur (le groupe n’a-t-il d’ailleurs pas invité Pantera en guise de première partie sur la tournée qui a suivi ?). La paire Sabo/Hill enchainent les riffs tous plus incroyablement accrocheurs les uns que les autres (impossible d’en citer un en particulier), c’est une véritable orgie à laquelle il est tout bonnement impossible de résister, que ce soit sur des titres au groovy mordant («Monkey Business », « The Threat », « Living On A Chain Gang ») ou des offensives au rythme plus débridé (« Slave To The Grind », « Get The Fuck Out », la très punk « Riot Act »). Le travail de composition est estomaquant de justesse, le groupe semblant empiler les plans tous plus jouissifs les uns que les autres avec une arrogante facilité, arrosés des leads absolument bluffants de touché et de sensibilité de Scott Hill et Dave Sabo, deux grands oubliés lorsque l’on évoque les meilleurs six-cordistes de l’époque (tout comme Klaus Eichstadt et Dave Fortman). Boostés par une production exemplaire des années 90 (miam ce grain de guitare !), la section rythmique monte elle aussi d’un cran en terme d’impact, le jeu de Rob Affuso se montrant bien plus percutant et audacieux tandis que la basse de Rachel Bolan ne rate pas un moment pour venir vous chiquer les mollets (le début de « Psycho Love ») et se permet même quelques acrobaties solistiques (le break de « Monkey Business »).
Bon les guitares, le riffing exceptionnel, la basse, la batterie, des compos divines ok… mais que serait un album de Skid Row sans son charismatique frontman Sebastien Bach ?? Un groupe sans intérêt comme sur ses derniers albums… S’il est évident que le Canadien a souvent divisé, il n’en reste pas moins que sa prestation sur « Slave To The Grind » est juste exceptionnelle. Même si je comprends bien que son style si démonstratif et théâtral puisse en agacer certains, que ces montées dans les aigus puissent en irriter beaucoup, son timbre de voix unique, son aisance vocale et d’une amplitude hallucinante (jusqu’à aller chercher des notes dont on ne soupçonnait même pas l’existence) reste l’un des atouts principaux de cet album et du groupe plus globalement. A l’aise aussi bien dans un registre ultra mélodique que dans une veine plus agressive, accouchant de refrains imparables à reprendre à tue-tête au volant vitre ouverte, personnellement je n’y peux rien les lignes vocales de cet album me filent immanquablement la chair de poule. Un vrai frontman comme on en faisait à l’époque, une vraie rock star aussi (attitude de diva et tous les excès qui vont avec…), charismatique et agaçant mais en tout cas toujours irréprochable et envoutant derrière son micro. L'un des meilleurs de son époque tout simplement.
Enfin, comment ne pas évoquer ce sans quoi cet album ne serait pas un album de Skid Row : les ballades ! Si à l’époque la pratique était un quasi incontournable du style, beaucoup s’y sont cassé les dents tant l’exercice est loin d’être aisé (même les plus grands, hein Rob ?). C’est bien simple, le quintette nous livre ici trois parachèvements en la matière. Alors oui chers amis brutes épaisses, il est temps de faire ressortir votre petit cœur enclin aux chagrins d’amour inévitables de l’adolescence. Encore une fois certains n’auront que « mièvrerie », « cul-cul » ou « gnan-gnan » à la bouche, je peux le comprendre. Néanmoins, toute personne sensible à ce genre de ‘’power ballads’’ ne peut décemment que s’incliner devant tant de justesse, d’émotions mises en musique. Si la dernière d’entre elles, « Wasted Time », qui conclue l’album, est pour moi la moins réussie des trois, que dire de « Quicksand Jesus » et « In A Darkened Room » ? Deux purs petits bijoux de sensibilité brute, aux mélodies envoutantes, sublimées par des envolées solistes célestes et qui se rangent tout droit aux côtés des plus grandes offrandes du style (*insérez ici vos power-ballads préférées*). De l’émotion à l’état pur, moi j’avoue verser une petite larme à chaque écoute.
Nul besoin de tortiller, vous l’avez compris pour moi « Slave to The Grind » fait indubitablement partie de ces incontournables du début des années 90, de ces monuments qui ne souffrent d’aucun défaut et traverseront l’épreuve du temps, témoignage d’une époque révolue et d’un groupe, à ce moment précis, touché par la grâce. De « Monkey Business » et sa petite intro groovy à « Wasted Time », de riffs imparables en leads aux petits oignons, en passant par des refrains tous plus mémorables les uns que les autres (« Monkey Business », « Slave To The Grind », « The Threat », « Get The Fuck Out », « Living On A Chain Gang », « Riot Act ») , Skid Row enchaine les hymnes avec une facilité ahurissante, évitant tout faux pas (allez s’il fallait me forcer je pourrais peut-être sous la torture reconnaitre que « Creepshow » est un poil en-dessous du reste), chaque musicien portant au firmament des compos tout simplement géniales. Personne ne s’y trompa d’ailleurs puisque l’album fut encensé à sa sortie et grimpa bien rapidement à la première place du Billboard. Presque trente ans après sa sortie, « Slave To The Grind » n’a pour moi pris aucune ride et c’est avec un plaisir toujours intact que je le ressors régulièrement. Intouchable.
PS : il est à noter que l’album est sorti en deux versions, différant l’une de l’autre par leur sixième piste. En effet sur la version originale, cette dernière est le titre « Get The Fuck Out », qui a été remplacé sur la version ‘’censurée’’ par « Beggar’s Day ». Les deux sont de toutes façons tellement bonnes qu’on aurait aimé les voir figurer côte à côte au tracklisting, dommage...
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