Electric Wizard - Let Us Prey
Chronique
Electric Wizard Let Us Prey
Laissez-nous en proie à la rouille,
celle qui ronge les âmes et les corps et les dissout dans l’éther.
Laissez-nous en proie à la crasse,
celle qui englobe ce monde et qui s’incruste sur chaque lambeau.
Laissez-nous en proie à la noirceur,
celle qui fait qu’il n’y a plus rien d’autre à espérer dans ce monde en perdition.
Laissez-nous en proie à la peur,
celle qui nous tord les boyaux dans de vertigineuses descentes.
Laissez-nous en proie à nos démons,
ceux auxquels l’on ne peut réchapper depuis bien trop longtemps.
Laissez-nous en proie à nos angoisses,
celles qui nous figent sur place et qui nous rendent incapables d’avancer.
Laissez-nous en proie à notre aigreur,
celle que l’on ne peut contenir malgré tant d’années à fuir ce monde.
Laissez-nous en proie à notre colère,
celle que l’on a retenu trop longtemps et que l’on accepte de déverser.
Laissez-nous en proie à notre torpeur,
celle dans laquelle l’on a volontiers préféré s’ébaudir faute de mieux.
Laissez-nous en proie à notre langueur,
celle qui nous réconforte quand l’on n’a plus rien d’autre à espérer.
Laissez-nous en proie à notre alanguissement,
celui qui nous parait le mieux pour témoigner de tout cela.
Laissez-nous en proie à notre pesanteur,
celle à laquelle nous avons voué toutes nos frêles existences.
Laissez-nous en proie au lysergisme,
celui qui demeurera le seul moyen sûr d’échapper à cette triste et vaine réalité.
Laissez-nous en proie au psychédélisme,
celui qui s’alimente d’effets en tout genre pour mieux fondre tout ceci dans l’obscurité.
Laissez-nous en proie à nos chimères,
celles qui nous tiennent encore unies malgré toutes les tensions naissantes.
Laissez-nous en proie au fatalisme,
celui auquel l’on ne peut réchapper et qui laissera toujours un arrière goût d’amertume.
Dernier album de la première mouture d’Electric Wizard, celle avec Tim Bagshaw à la basse et Mark Greening à la batterie, toujours aussi impressionnant, Let Us Prey aurait pu être le parfait chant du cygne de la formation. Bien plus désabusé et bien plus noir que tous les autres albums du groupe, Let Us Prey est encore plus axé sur les riffs et leurs répétitions jusqu’à l’infini, donnant parfois l’impression d’être trois quart d’heure de jams du trio, avec bien évidemment de nombreux épanchements psychédéliques montant en intensité au fur et à mesure que les minutes avancent. Ce quatrième album est une pépite de psychédélisme noir et de descentes vers les abysses, la peur au ventre et l’abattement comme seul dogme. Si "We, the Undead" nous joue la carte de la misanthropie, tout le reste de cet album n’est que nihilisme et effondrement rendant cet album tout aussi particulier qu’indispensable. S’il n’est pas aussi connu et reconnu que ses prédécesseurs, Let Us Prey reste tout de même une perle de noirceur, ce miroir déformé et désabusé de Dopethrone, et qui trouvera écho quelques années plus tard sur un certain Possessed by the Rise of Magik. Plus rien ne sera comme avant après cet album pour le trio, d’ailleurs pouvait-il faire mieux que cela, rien n’en est moins sûr. Dans tous les cas, c’est sur cet album que les Anglais sont redevenus humains ou, pour être plus précis, sont revenus à la réalité, et ça leur a fait tellement mal qu’ils ont préféré cette ultime escapade avant de se disloquer nous laissant en proie face à tout ceci.
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