Pour que quelqu’un qui goûte peu ce genre d’exercice, à savoir les live albums, ces retranscriptions qui ne se vivent qu’en face-à-face ou pas du tout – question de goût et d’immersion, d’autres n’hésitant pas à faire du karaté dans leur chambre, les retransmissions du Hellfest par Arte sur leur écran –, que quelqu'un comme ça saute le pas, il faut bien un groupe le rendant bêta sans possibilité de remise en question pour le pousser à commettre l’irréparable. Et mes chroniques des derniers albums de la troupe de Dorset le montrent : il n’y a qu’elle pour me faire faire ce genre d’idiotie.
Tant pis pour mon portefeuille et mes neurones,
Black Magic Rituals & Perversions: Vol 1 capitalisant sur une fanbase peu encline à chercher la petite bête, davantage celle lovecraftienne qui se terre derrière le voile de la réalité. Aucune nouveauté, aucune originalité dans une setlist qui retrace une carrière à grands traits – on notera juste « Scorpio Curse », relativement rare sur scène –, Electric Wizard joue pour lui car il ne pouvait alors jouer pour personne d’autre, cet enregistrement à quatre dans le studio personnel de la formation datant de la période incertaine du COVID ayant succédé à une tournée de trois ans pour la sortie de
Wizard Bloody Wizard.
La seule curiosité qui peut ici émoustiller autant que l’artwork – une franche réussite, aussi obscur que sulfureux, rappelant que le sorcier est un geek, certes, mais un particulièrement glauque et scandaleux, roi rock n’roll et morbide – est celle de découvrir si ce jam aura pour lui le petit frisson qui naît du rituel, le « truc » qui rend l’expérience sur planche toujours à-part de celle sur disque. Le son fait rapidement la lumière sur ce point :
Black Magic Rituals & Perversions: Vol 1, pour aussi cheap qu’il peut paraître – et je m’y suis laissé avoir lors des premières écoutes –, est un indispensable pour le fanatique, Electric Wizard y trouvant une certaine perfection dans l’interprétation, liant et transcendant une matière première extrêmement variée.
Dopethrone,
Witchcult Today,
Black Masses (peut-être l’album auquel on pense le plus en terme de rendu),
Time to Die… Des œuvres qui ont chacune leurs particularités, plus ou moins lourdes, enfumées, mélodiques ou radicales et qui, sous la baguette magique d’une transe non-feinte – Jus Oborn y étant à son plus emporté, cf. les hurlements black metal de « Black Mass » –, deviennent les étapes d’une seule et même dévotion, brute et essentielle.
Pour aussi secondaire qu’il peut être en lui-même de par sa qualité de concert privé permettant de patienter,
Black Magic Rituals & Perversions: Vol 1 va un peu plus loin qu’escompté et corrige plusieurs choses. D’abord cette insatisfaction personnelle de n’avoir jamais vu Electric Wizard à son meilleur, la seule rencontre en 2009 lors de la tournée avec Blood Ceremony ayant été gâchée par un mauvais rendu sonore et une prestation froide, jeu de scène statique et scène aux dimensions trop grandes. A l’écoute de cet enregistrement, je me prends à imaginer la bande dans ma tête, jouant serré et enfiévré, les rais de lumière dépassant de fenêtres condamnées laissant suffisamment voir la prestation, un bunker comme décor, les Anglais plus-que-jamais isolationnistes dans ce monde condamné où il vaut mieux être damné et con, volontairement, jusqu’à s’en exploser la tête après la dernière prière (ce doublet final « The Chosen Few » / « Funeralopolis », recueilli puis destructeur, justifiant à lui seul l’achat de ce disque).
Black Magic Rituals & Perversions: Vol 1 corrige aussi le premier album, avec lequel on peut faire ici des ponts dans cette simplicité d’apparat qui confine à un certain traditionalisme. Mais là où l’album sans-titre était une œuvre de jeunesse encore peu experte de ses mains, tâtonnantes bien que déjà pleinement jointes dans leur supplication envers le doom metal, Electric Wizard offre ici le même dépouillement si charmant, les années d’expérience en plus.
Black Magic Rituals & Perversions: Vol 1 brille en effet par l’équilibre qu’il possède le long de ses soixante-quatorze minutes, montrant un groupe totalement possédé aussi bien qu’en pleine possession de ses moyens. Certes, on peut regretter le choix majoritaire de jouer des classiques sortant rarement des clous, retravaillés –
« Witchcult Today » et ses leads plus enflammées que sur la version studio – et appropriés pour un ensemble plus fluide, mais sans prises de risque majeures (on est loin de ses anecdotes d’époque où les Anglais pouvaient jouer un set dédié dans sa moitié à une réinterprétation de « Supercoven » ou « Funeralopolis »). Mais l’aura développée fait passer outre cette absence de surprise, particulièrement quand tout s’enchaîne avec cohérence et naturel autant qu’ici.
En somme, un live qui rappelle qu’Electric Wizard est bien vivant, avant un dernier album annoncé comme tel qu’il me tarde d’écouter.
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