Bon. J'ai longtemps réfléchi à comment j'allais tourner les choses, si je devais rendre l'occasion spéciale par une chronique à la con ou autres billets potentiellement amusants et certainement idiots ou alors « faire mon devoir », détailler les pour et les contre comme d'autres l'ont fait, disséquer, développer, conclure et noter. Mais impossible de me lancer sérieusement dans tout cela : c'est Electric Wizard et Electric Wizard,
Time to Die m'en a bien apporté la preuve, est peut-être bien le seul groupe aujourd'hui à éteindre toutes critiques potentielles à son encontre quand je l'écoute, tant il est dans le même temps madeleine de Proust et définition du genre, étrange et canonique, unique et comme le rock se doit d'être dans mon esprit.
Electric Wizard est mon Motörhead à moi, c'est-à-dire une institution du rock à laquelle je crois dur comme fer. Aussi ne vais-je pas m'évertuer à mettre des habits de critique qui m'iront mal, étant donné que, depuis
Black Masses, les Anglais arrivent visiblement à me faire avaler toutes les couleuvres qu'ils mettent dans leurs disques. Simplement, je vais appuyer ceci : sans doute ce disque a-t-il tous les défauts qu'on pourra lui trouver et bien plus encore, sans doute Electric Wizard n'y est que lui-même et rabâche – seulement, on pourrait digresser et se demander depuis quand les gens attendent d'une musique qu'elle soit comme un journal, apportant son lot de nouvelles fraîches... –, il a quelque chose que je lui trouve de particulier et qui, par sa seule présence, me rend gaga aussi bien que les minutes gargantuesques dont aimait user auparavant la formation pour nous abrutir. C'est qu'on a eu beau jeu de discuter des disputes entre Mark Greening et Jus Oborn, beau jeu de s'interroger sur ces rappels à
Dopethrone, beau jeu de se demander, entre « amateurs éclairés », si Electric Wizard ne courrait pas trop après sa fanbase en faisant des morceaux plus lourds, lents et longs et si Nabilla avait vraiment poignardé son petit ami ou pas... mais moins de s'appesantir sur ces quelques interviews accordées ici ou là, où Jus raconte à qui veut l'entendre son enfance à Dorset, ses histoires de freaks se réunissant le soir, ses premiers plaisirs d'adolescent fan de doom, provocateur, imbécile et heureux de l'être.
Dommage, car
Time to Die, bien plus que d'autres rappels discographiques, me renvoie cette image-ci de course contre le temps. La régression qu'il possède à tous niveaux (autant sur le plan des guitares, on-ne-peut-plus crétines, que de la voix, puérile et insolente) sonne comme l'envie d'un retour en arrière. Oui, Electric Wizard se fait vieux, vieux comme le genre qu'il a aidé à populariser, vieux comme tous groupes jouant de la musique depuis trop longtemps. Mais il trouve dans cette vieillesse une nouvelle jeunesse, peut-être pas jolie à entendre pour certains, sans doute lui allant bien, lui qui depuis sa nouvelle forme a fait de la ringardise et du bêta sa marque de fabrique.
Et, pour arrêter de tourner autour du pot, je trouve ça beau, voilà. Ces vieux qui se rêvent comme ils étaient avant, petites frappes, petits geeks, petits, petits, petits, me font fondre avec leur pochette enfantine pleine de menace, leurs titres sentencieux et leurs jams enregistrés depuis une tour d'ivoire dont ils sont les seuls propriétaires, cherchant à vibrer comme avant. La relation affective que j'ai pour Jus Oborn et sa bande ne me permet pas de les critiquer ou d'en dire plus (je préfère garder ça caché, voyez-vous) donc, pour finir (il était temps hein ?), contentez-vous de ce constat un peu triste :
Il y en a qui cherchent déjà à enterrer Electric Wizard comme des familles cherchent déjà à enterrer grand-père quand celui-ci décline. Ces personnes ne voient pas que Papy ne fait que dormir et penser à des heures plus insouciantes. Elles ne voient que la crasse et ne sentent que l'odeur de pisse, le pensant bon pour l'hospice. Pour ma part, j'entends ces critiques d'une oreille mais ouvre surtout l'autre, à l'écoute de ses histoires de drogues, d'occultisme, d'ordures, de nuits trop courtes, qu'il aime répéter jusqu'à plus soif. Car je sais qu'il a un amour profond à les répéter. Car cet amour me donne un plaisir fou à les entendre.
Pas de note. On ne note pas ça.
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