Electric Wizard - We Live
Chronique
Electric Wizard We Live
Il y a des albums qui vous laissent une marque indélébile à la première écoute. Je me rappellerai sans doute longtemps de la première fois où j’ai écouté ce monstrueux pavé. C’était un des ces après-midi d’été brûlant, le genre de journée qui vous fait suer par tout les pores comme c’en est pas permis. Je connaissais déjà Electric Wizard avec l’excellent Dopethrone. Je remarque que quelque chose a changé, le groupe s’appelle maintenant The Electric Wizard, le line-up n’a plus l’air d’être le même et la pochette est très suggestive quant au contenu du cd. Ni une, ni deux je craque et je prend l’objet pour l’écouter dans la voiture sur le chemin (heureusement pour moi, je n’avais pas encore le permis et je pouvais me vautrer à l’arrière tout en écoutant le cd). Et là, c’est LA baffe, je ne saurai jamais si c’est la chaleur insoutenable régnant dans la voiture (garée en plein soleil durant tout l’après-midi) ou si c’est cet immonde bouillie visqueuse qui se déverse dans mes oreilles pendant presque une heure. Anéanti, c’est l’état dans lequel je ressors après m’être enfilé ce bol de plomb.
Après vous avoir raconté ma vie, pendant quelques lignes, venons-en au fait. Comme précisé plus haut, le magicien electrique a subi quelques mutations. En effet le line-up est complètement remanié. 2 ans après la sortie de Let Us Pray, c’est le temps de voir partir le bassiste Tim Bagshaw ainsi que le batteur Mark Greening. On parle alors de split mais il n’en est rien est c’est le 28 juin 2004 que sort le cinquième album de The Electric Wizard (oui avec The c’est encore mieux qu’avant). Le groupe officie donc sous la forme d’un quatuor avec l’indéboulonnable leader chanteur/guitariste Jus Oborn et le bassiste Rob Al-Issa, accompagné par la guitariste Liz Buckingham (13, Sourvein) et de Justin Greaves (Teeth Of Lions Rules The Divine, Iron Monkey) à la batterie. Le groupe est signé sur Rise Above, label fondé par le chanteur de Cathedral, Lee Dorrian. Les présentations étant faites, il est temps d’attaquer les choses sérieuses.
Le début, fait de grincements et suivi d’un larsen affreux laisse présager la pire des scénarios. On sent déjà quelque chose de louche et d’assez 70’s. Louche, assurément. 70’s, loin de là. Dès le premier riff on est cloué au sol, une guitare impériale et gavée de plomb appuyée par une basse ronde et aussi grasse que ma chevelure après un concert de grindcore. La production est impeccable, tous les instruments sont parfaitement audibles. Changement de taille, ceux qui ont apprécié le chant sursaturé de Dopethrone vont être surpris, la voix est clair, désespérée et haineuse. Le chant est en décalage avec la puissance dégagée par la tribu des 4 sorciers anglais ce qui donne une aura impressionnante à chaque titre. Le premier titre suinte l’occultisme. Découpé en deux parties, une « invocation » et un « rituel », cette chanson sent la crasse, le marais visqueux entouré de têtes de boucs ricanants. Le morceau vous laisse ramper dans la vase, chaque coup de toms vous enfonçant un peu plus.
L’écoute au casque permet de savourer le travail de la seconde guitare, pas si audible que ça avec une écoute classique. Les grincements et autres effets hallucinogènes ou tout droit sortis du train fantôme sont réellement excellents et rendent les riffs encore plus noirs. Ça pour être noir, c’est noir. Pire que du pétrole, plus sale qu’un homme des cavernes, plus lourd qu’un 35 tonnes lancé à pleine vitesse, la musique de The Electric Wizard se ressent, et prend le temps de se déverser le long de vos conduits auditifs comme le plus infect des liquides visqueux. La machine à brouiller ne laisse que peu de répit, le temps d’un sample de vieux film (techniques souvent utilisées auparavant par la formation) et on enchaîne avec le titre éponyme. On sent l’influence du Cathedral époque Forest Of Equilibrium mais avec ce je ne sais quoi de plus malsain et suffocant (oui, oui, c’est possible). Le refrain est hypnotique, plaintif appuyé par cette guitare déversant ses notes grasses et poussiéreuses. Un break, comme si ce n’était pas déjà assez écrasant pour arriver sur une fin apocalyptique, anéantissant toute forme quelconque de sentiment de joie ou de plénitude (rien que ça). La fin grince, craque et laisse un épais nuage de poussière derrière elle.
Arrive une chanson magnifiquement sale (!!). « Flower Of Evil » porte très bien son nom, une fleur c’est beau, mais l’enfer, ça sent le souffre et c’est pas beau. C’est exactement ce qui se passe tout au long de ces presque 8 minutes. Le riff d’entrée, sursaturé, est majestueux et vous fait pénétrer dans ces fameux champs de fleurs du mal. C’est nauséabond, toujours aussi lourd et sale mais c’est une fois de plus très prenant. Une légère accélération pour déboucher sur un blast-beat foudroyant. Non je plaisante, le batteur se déchaîne, et martèle ses toms tandis que la guitare vous fracasse le crâne pour vois plonger dans le plus profond des comas. Jus Oborn est déchirant, son chant fait penser à une âme perdue sans vie. Bref, tout cet assemblage est d’une beauté hypnotique assez redoutable. On enchaîne sur un morceau quasi stoner, très rythmé. C’est le plus « rapide » de l’album et c’est une merveille pour peu que l’on soit sur son chopper, cheveux au vent sur la route 66. Sauf que la suite du morceau est nettement moins réjouissante. Tout n’est pas aussi « perfect » que ça le laissait présager (le point d’interrogation dans la chanson) et le morceau s’achève dans la dévastation et la tristesse, toujours aussi lourde et implacable. Suit « The Sun Has Turned To Black » véritable messe noire, monument de poussière, nauséabond, au rythme lancinant.
Mais tout ceci n’est rien comparé au grand final de We Live. Vous connaissiez déjà le quart d’heure américain, et bien The Electric Wizard a fait son quart d’heure de musique hallucinogène. Un immense pavé du nom de « Saturn’s Children ». L’intro est longue est progressive, les toms écrasants arrivent dans un crescendo très réussi et là c’est la fin. Une ambiance pouvant faire passer Incantation pour un groupe de nonnes en séminaire à Lourdes. Bien entendu c’est encore plus pachydermique mais la ressemblance est assez frappante. Le riff est plus hypnotique, le break (comme si il y avait encore besoin de freiner la machine) est M-O-N-U-M-E-N-T-A-L. Je me souviens encore de moi, suant à grosse goutte à l’arrière de la voiture et me demandant comment 4 personnes pouvaient faire une musique aussi envahissante et crasseuse (cette plante à drôle de feuille peut-être ?). La machine à brouiller les esprits repart toujours plus puissante, la lourdeur est hallucinante et hallucinogène, chaque note est comme un coup de masse entre les deux oreilles. Funèbre, macabre et divinement inspiré le final est redoutable, la seconde guitare se lamente, mâtiné de grincements et autres larsens le tout mené par un chant à coup sur sous une substance peu recommandable. Le morceau se finit, on a tout reçu en plein dans la tronche mais on a rien compris à ce qui nous arrivait. On ressort lessivé, anéanti. Il est temps de se ruer sur la première boite d’aspirine venue.
Même si l’effet n’est pas immédiat chez tout le monde, la musique de ce maléfique quatuor anglais n’est pas recommandée pour la joie de vivre. Je n’ai que rarement entendu une musique dégageant une telle aura. La désolation, la saleté, et tout ce qu’il y a de plus noir et de plus sombre sont incarnés dans ces 55 minutes de doom monstrueusement crasseux. C’est aussi agréable que d’avaler une tartine de goudron encore chaud, de nager dans une mare de gravier mais c’est exactement ça. Ce disque laisse une trace indélébile pour peu que l’on aime cette ambiance enfumée et hallucinogène, parfaitement décrite par la pochette. Si vous n’aimez pas le doom, passez votre chemin, les autres peuvent tenter une écoute, au risque de perdre leur âme au détour d’un riff écrasant. Je n’ose à peine imaginer ce que peut donner un disque tel que We Live dans un état second et je préfère ne pas y penser car cela fait déjà très mal. Un grand disque de l’année 2004. Un grand disque de doom. Un grand disque tout court.
| Scum 24 Octobre 2005 - 3852 lectures |
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