Witchthroat Serpent - Sang-Dragon
Chronique
Witchthroat Serpent Sang-Dragon
Une écoute. C'est le temps qu'il faut pour se refaire à l'idée que Witchthroat Serpent doit beaucoup à Electric Wizard. Une écoute où on se pose quelques questions comme celle sur l'original et la copie et dont la liste finit sur une du type « Mais comment font-ils pour être, malgré un tel héritage montré à tous avec fierté, aussi bons ? », possiblement avec une insulte de mec surpris, tellement on est soufflé.
Une deuxième écoute, c'est le temps qu'il faut pour avoir une réponse définitive. Une écoute obligatoire suivant la première, tant Witchthroat Serpent parvient à nous faire rejoindre sa cause. Si le premier album des Toulousains finissait par convaincre malgré une filiation trop directe avec la formation de Dorset, Sang-Dragon met fin au jeu des sept différences. En effet, il devient rapidement clair que le trio ne pouvait jouer que cette musique, que la voix de Fredrik Bolzann (membre de Darvulia et Sektarism, pas tout à fait un arriviste quand il s'agit de personnifier le sinistre donc) est SA voix, que sa guitare ne pouvaient pondre des riffs QUE comme ceux ci-présents. Un naturel confondant qui éloigne de toutes notions d'ersatz.
Certes, rien de neuf ici – et rien cherchant à l'être. Il s'agit juste de pouvoir de conviction, à transmettre, à atteindre. Et ils sont forts chez Witchthroat Serpent pour emmener avec eux, que ce soit à renfort de tubes francs du collier et dotés d'un son maous où il s'avère impossible de rester statique (« Lady Sally » en tête) ou bien ces quelques moments enivrants aérant un ensemble autrement dédié à la démonstration implacable, telle que l'entame enfumée de « Siberian mist » et ses notes caressées, vénéneuses et vénérées. Un album où tout a été mis en place pour réaliser un carton-plein, de sa durée montrant à elle seule qu'ils ont décidé de jouer « serré », sans rien laisser au hasard, à cette production parfaite, à la fois concrète et atmosphérique, véritable délice pour amateur de doom au sens large, stoner ou pas.
D'ailleurs, rien de stoner ici d'après mes oreilles. Si le stoner est le désert, le sable brûlant les pieds au point de pousser à danser, Sang-Dragon, lui, sent le cimetière à plein nez malgré son groove apparent. Venimeux, sensuel et giallo (une telle pochette se mérite et il font tout pour être à son niveau), il donne à entendre un doom metal sans pitié derrière son accroche, où l'attention n'est pas tant portée sur la pleine Lune et la beauté des épitaphes que sur le boucher s'y baladant le soir, ami des cadavres et en recherche de proies. Au-delà d'une allure marquée par l'instantané, ses compositions laissent filer une ambiance hypnotisant sur le temps long, où l'élégance du tueur se mélange à l'insolence du voleur, où la beauté d'une nuit fraîche dans un lieu de silence rencontre celle du macabre le plus cru, le moins esthétique possible, où, enfin, le couperet solennel du doom s'habille d'une séduction poussant à aller vers lui volontairement. Inutile de citer les groupes, anglais et autres, ayant déjà tenté de ou réussi à faire résonner cette attraction fatale envers le morbide à l'italienne : Witchthroat Serpent y parvient aussi bien que les meilleurs et ce, à sa façon à lui.
Je regrette d'autant plus que tout cela passe aussi vite. Sang-Dragon est clairement trop court, d'une durée qui exige un sans-faute. Ce n'est pas tout à fait le cas, à cause d'un début de dernier morceau hors-sujet (l'accélération de « Mystical devotee », je n'ai toujours pas compris pourquoi). Reste qu'il est une sortie du label Deadlight comme j'ai appris à les aimer, irrévérencieuse, voire provocatrice dans ses airs premiers de vandale de Electric Wizard, finalement à-part. En cela, Witchthroat Serpent se place sans rougir aux côtés de Cowards et Cult of Occult, tant il finit par persuader de tenir ici un album majoritairement abouti. D'autres, plus réputés, donnent l'impression qu'ils leur manquent peu pour assujettir au fil de leurs tentatives (Satan's Satyrs, je pense à toi), Witchthroat Serpent l'a fait en seulement deux albums. Autre chose ?
| lkea 17 Avril 2016 - 1567 lectures |
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