Un nouvel album d'Incantation. Voilà qui aurait dû me réjouir. Sauf que depuis
Vanquish in Vengeance (2012), les Américains enchaînent les albums "sympas sans plus", loin du lustre d'antan. Si
Vanquish in Vengeance et le suivant
Dirges of Elysium (2014) restaient néanmoins très corrects, le dernier en date,
Profane Nexus (2017), marquait le pas. L'œuvre la plus faible de la discographie de ce mastodonte du death metal US. En considérant donc que la bande de John McEntee n'a pas sorti un vrai bon album depuis
Primordial Domination (2006) et une putain de tuerie depuis le trop sous-estimé
Blasphemy (2002), il y avait peu de chance que ce
Sect of Vile Divinities sorti en août sur Relapse Records ravive la flamme qui m'anime quand j'écoute
Onward to Golgotha (1992),
Mortal Throne of Nazarene (1994) et
Diabolical Conquest (1998), le tryptique infernal du combo d'outre-Atlantique.
Ce n'est même pas ce que je leur demande, de toute façon. Des albums comme
Vanquish in Vengeance et
Dirges of Elysium suffisent à perpétuer la tradition du death metal blasphématoire et doomy de la formation de Pennsylvanie. Mais
Profane Nexus était franchement trop léger. Il ne faudrait pas non plus ternir la réputation d'un des groupes les plus respectables et respectés de la scène. C'est ce qui me faisait peur avec
Sect of Vile Divinities. Que le groupe continue d'enchaîner les albums sans saveur jusqu'à ce que l'on oublie ce dont il était capable, alors que la vague de nouveaux jeunes loups fortement inspirés de ces vétérans continue de déferler avec souvent davantage de talent.
Mon manque d'enthousiasme et mes appréhensions ont malheureusement trouvé un écho dans ce onzième album d'Incantation.
Sect of Vile Divinities ne relève pas le niveau de
Profane Nexus. Il ne fait pas non plus pire, c'est déjà ça ! On reste donc sur un disque honorable pour un groupe lambda, faiblard au regard de la discographie des Américains en mode pilotage automatique qui confirment leur manque d'inspiration. On y retrouve à peu près les mêmes défauts que sur
Profane Nexus. Les mêmes qualités aussi, car il y en a quand même encore quelques unes, ne tombons pas dans un défaitisme absolu. Ce qui saute aux oreilles, c'est déjà cette production certes puissante mais trop lisse et propre pour un style de death qui se veut evil et sombre. Dan Swanö s'est à nouveau chargé du mix et du mastering et si techniquement on ne peut rien lui reprocher, son approche ne colle pas avec ce qu'est censée dégager la musique du combo. Un peu comme le solo sur "Guardians from the Primeval" de Sonny Lombardozzi, officiellement intégré au groupe pour cet opus et depuis remplacé par Luke Shively qui aidait le groupe en live au poste de bassiste depuis 2015. Trop mélodique et léché. On veut du moche, du torturé, du Satan, bordel ! Les autres solos, plus chaotiques, s'avèrent toutefois inintéressants excepté celui de "Unborn Ambrosia". Eliran Kantor, illustrateur des deux offrandes précédentes, a lui par contre encore sorti le grand jeu sur cette pochette superbe où il invoque de nouveau les monstres marins de
Dirges of Elysium dans un vert pâle et décadent somptueux. Il n'aura jamais l'impact des œuvres de Miran Kim des débuts légendaires de la formation mais ce qu'il fait reste remarquable, confirmant qu'il s'impose comme un des meilleurs dessinateurs de la scène actuelle.
En fait, il y a à boire et à manger sur ce
Sect of Vile Divinities. Du bon et du moins bon. Et comme sur les réalisations précédentes, Incantation convainc davantage sur les séquences doomies que sur les passages qui bourrent. Les riffs se font en effet bien trop génériques quand la formation fonce dans le tas, même si Kyle Severn y met, comme à son habitude, beaucoup d'entrain. Heureusement, on trouvera des exceptions de ci de là telles "Black Fathom's Fire" à 1'33, "Chant of Formless Dread" l'un des meilleurs titres (et même un peu d'innovation sur la partie avec les différentes couches de chant), le tremolo qui accélère au début de "Shadow-Blade Masters of Tempest and Maelstrom" avant de tomber dans une triste banalité, "Unborn Ambrosia" à 2'22, "Fury’s Manifesto" sur une rythmique old-school entraînante très efficace ou encore le morceau d'ouverture "Ritual Impurity (Seven of the Sky Is One)" plutôt réussi et qui apporte un peu d'espoir quant au reste de l'œuvre. Avant de retomber dans les travers récents dès le morceau suivant "Propitiation". Je disais que Incantation faisait mieux quand il ralentit le tempo, ce n'est pas toujours le cas. Ce titre fait dans le riff plombé avec lead funeste, pourtant il ne dégage pas grand chose de prenant. Trop plat, trop commun. Pareil sur "Ignis Fatuus", un des morceaux les plus faibles du lot juste sauvé de la noyade par une lead sinistre pas trop mal à 1'55 (et une durée brève), sur "Unborn Ambrosia" où ça tourne presque au funeral à partir de 1'12 ou encore sur la deuxième moitié lourdingue de "Entrails of the Hag Queen", qui, après une première partie bourrine peu excitante continue d'ennuyer sur du doomy pas très passionnant si ce n'est un cri arraché plutôt sympa du vénérable McEntee qui au moins signe une bonne performance derrière le micro. Un morceau qui traîne en longueur comme un peu trop souvent sur le disque, à l'instar du titre de clôture "Siege Hive" en manque total d'inspiration et qui semble ne jamais vouloir finir. Dommage de terminer sur une telle note.
Sect of Vile Divinities s'avère de toute façon beaucoup trop long avec ses trois quarts d'heure répartis en douze morceaux. Par chance, les Américains ont quelques éclairs de génie comme ce riff bien lourd à la mélodie orientalisante à 2'49 sur "Black Fathom’s Fire", introduit par la basse sinistre délectable de Chuck Sherwood, un des rares passages de l'album où l'on se dit "ah ouais, là c'est cool" ! Mon moment préféré reste cependant le début de "Scribes of the Stygian" (repris peu avant la deuxième minute) qui nous offre une excellente lead sombre et terrifiante d'abord seule puis accompagnée par une batterie écrasante qui vient nous accabler encore davantage, annonçant la fin du monde. Là au moins ça dégage quelque chose ! Là au moins on est happé par l'ambiance ! Ce sera cela dit gâché par le reste de la composition minée par les tares habituelles du riffing générique et d'un côté funeral doom/death chiant qui fait s'étirer le morceau inutilement.
C'est désormais confirmé, Incantation est sur la pente descendante. Ou du moins il continue de stagner à un niveau moyen puisque
Sect of Vile Divinities n'est pas pire que le décevant
Profane Nexus dont il hérite des principaux défauts. Production trop clinquante et riffing trop souvent lambda, notamment sur les séquences rapides et brutales, l'opus brille un peu plus sur les nombreux ralentissements doomy, encore qu'il ennuie là aussi plus d'une fois quand il se fait trop minimaliste. Ce nouvel opus nous montre certes que les vétérans américains ont toujours la foi mais qu'ils ont aussi perdu l'inspiration qu'ils ne retrouvent qu'en de rares occasions. Assez pour éviter une vraie déroute et limiter les dégâts, faisant de
Sect of Vile Divinities un album pas non plus désagréable, insuffisant pour marquer la discographie d'un groupe que l'on a connu en bien meilleure forme à une époque qui semble désormais bien loin. Une déception, même si personnellement je m'y attendais. Difficile dès lors de comprendre certains commentaires dithyrambiques, à croire que certains disent amen dès que le logo Incantation apparaît. Il est pourtant clair que tout un tas de jeunes formations évoluant dans le même registre du death metal old-school et evil, qui n'existeraient pourtant sans doute pas sans la bande de John McEntee, font bien mieux cette année. Un constat indéniable qui ne m'empêche cependant pas de garder un respect éternel pour le groupe que j'ai hâte de retrouver sur les planches, là où Incantation reste, et restera toujours, le patron.
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