My Dying Bride - Symphonaire Infernus Et Spera Empyrium
Chronique
My Dying Bride Symphonaire Infernus Et Spera Empyrium (EP)
Revenir près de trente après sa sortie sur ce premier EP de My Dying Bride c’est un peu comme accomplir un pèlerinage auditif aux sources d’une formation séminale, quoi que l’on puisse dire d’elle désormais. Le groupe avait toutefois sorti une démo, Towards the Sinister en février mille neuf cent quatre vingt onze et un single comprenant les deux derniers titres de cet EP, paru en juin de cette même année. C’est également l’occasion de se rendre compte comment cette formation a aussi été marquante pour le développement d’un courant musical, le doom death metal, ou death doom metal si vous préférez l’appellation plus true de la chose, celle que l’on avait à l’époque visiblement. Un courant qui s’est beaucoup diversifié en plus d’une vingtaine d’années, mais l’on se remémorera pourquoi c’est bien dans cette forme qu’on le préfère, notamment celle qui provient de la perfide Albion parce qu’il s’y dégage quelque chose d’assez unique. Bien sûr, l’on ne s’épanchera pas ici sur les géniteurs et/ou précurseurs du doom death metal, quelque soit le coin du globe terrestre que l’on veut prendre dans ces cas-là, que l’on regarde du côté de New York, de Melbourne, d’Oldenzaal, d’Oakland si l’on veut prendre une acception large de la chose, et, bien entendu de Halifax. Pour autant, il est assez indéniable que le quintet de Bradford avait sans doute autre chose à proposer, une autre facette de cette scène balbutiante, jouant moins sur l’étouffement, mais bien plus sur ce côté granitique et décharné de la chose, et qu’il a été aussi important que les autres dans l’évolution de ce style.
Sur ce Symphonaire Et Spera Empyrium, l’on est ici encore loin du groupe qui émerveillera par son misérabilisme et par son spleen dans un futur assez proche. Pour le moment, c’est bien son côté hirsute et un peu mal dégrossi qui prend les devants, faisant assez souvent le va et vient entre death metal et doom death metal, comme bon nombre de ses contemporains, et l’on a forcément cela en tête avec les deux titres que sont God Is Alone et De Sade Soliloquay, purement dans ce premier registre, sans même prendre le temps de ralentir ou quoi que ce soit, ou si peu, mais bien de faire ressentir ce sentiment de mort et de froideur qui aurait du rester inhérent à ce genre, et en tout cas pas tout à fait similaire à ce que pouvait faire Paradise Lost quelques mois auparavant, vu qu’il y a un je ne sais quoi de plus malfaisant dans ces deux titres, comme une forme indistincte planquée dans l’ombre, craintive de retourner à la lumière mais prête à emporter sa victime avec elle à n’importe quel moment. Ce n’est évidemment pas avec ces deux titres, parmi les plus brutaux du groupe que l’on a envie de s’épancher, mais bien avec ce titre éponyme, assez long car excédant les onze minutes, remanié depuis sa version présente sur Towards the Sinister, et qui explosait pas mal de codes à l’époque, bien que ce n’est pas si éloigné que cela de ce qu’avait pu faire Celtic Frost la décennie précédente - il faudra d’ailleurs vous conter un jour l’importance des Helvètes pour tellement de choses.
Et là, l’on ressent bien tout ce que My Dying Bride a pu apporter à ce genre, avec cette ambiance véritablement sinistre, pas dans le côté romantique de la chose, - ce sera pour plus tard -, mais bien dans ce que cela implique en terme de désolation et d’âpreté, et cette touche de réprobation du commun des mortels. L’on est même assez loin du côté mélodique que prendra le groupe par la suite, même si l’on sent poindre quelques élans dans ce sens, que ce soit dans ce riff initial et dans ces ajouts de claviers et de violon, déjà tenu par le musicien de session Martin Powell, et quelques riffs plus mélodiques de temps à autres. Car il domine un côté encore assez sauvage chez les anglais, que ce soit dans ce son de guitares assez gluant, avec peu ou prou la même mélasse assez sale et suffocante du premier album, et des growls assez caverneux de Aaron Stainthorpe, à mille lieux de ses roucoulades ultérieures. Et pourtant, malgré ceci, ce titre fonctionne admirablement bien dans tout ce qu’il peut avoir d’abrupt dans sa construction et ses changements de tempi, dans ses accélérations fulgurantes, tout comme dans ses temporisations qui ne sont pas qu’accessoires, l’on sent poindre ici ce que tout cela va faire éclore tant chez eux que chez une myriade de musiciens.
Il y a évidemment une saveur tout à fait rustique sur ce titre, quelque chose qui sonne à la fois caverneux, et on le ressent dans ce refus, pour le moment, de s’accommoder de toutes lumières; et d’antique, comme quelque chose qui a été enfoui pendant des siècles et que l’on n’a pu empêcher de laisser ressurgir soudainement, et ça vaut pour l’entièreté de cette réalisation. Mais ce que l’on a voulu laisser de côté ne sont que des lambeaux d’une humanité qui a perdu tout espoir, qui a déjà sombré dans le pessimisme et qui ne peut voir que l’avenir en noir, ou, tout au mieux en gris. Et c’est déjà une certaine réussite de la part des Anglais que d’avoir réussi à transmettre ces émotions sur ces trois titres, et plus particulièrement sur ce premier titre splendide, mais d’une splendeur qui fascine autant qu’elle fait peur, car rien n’a été fait pour le moment pour rendre tout cela accessible et encore moins acceptable pour le commun des mortels. Et oui, j’aurais toujours une préférence pour ce doom death metal si Anglais dans sa formulation et dans son ambiance et qui n’a nul autre égal à mon sens, même pour ce premier essai plus que prometteur.
Le My Dying Bride des débuts, c’est un peu comme une bête apeurée, qui cherche à s’enfuir du monde des hommes, qui hurle à la mort, qui tente de s’échapper pour retrouver la sécurité d’une tanière mais dont elle ne puit retrouver le chemin tant elle est aveuglée par la lumière, et qui ne sait vraiment comment s’extirper de tout cela. En tout cas, même si beaucoup aura été accompli depuis cette réalisation, on y trouve toutefois cette forme de sagesse antique, ce sens de l’à propos dont la gaucherie en fait à la fois tout son charme et toute sa pureté originelle. L’on sent que si les musiciens ne maîtrisent pas forcément tous les éléments qu’ils déchainent avec fougue, il s’en dégage pourtant quelque chose de suffisamment vitreux et pénétrant pour marquer les esprits. Dans tous les cas ce Symphonaire Infernus Et Spera Empyrium mérite toujours que l’on s’y attarde quasiment trois décennies après sa sortie, car il fascine toujours autant, et plus particulièrement le titre éponyme, à ranger parmi les classiques de la formation. Même si le groupe fera largement mieux par la suite, il y avait déjà ici les ferments d’une formation un peu atypique et qui ne se fixait pas trop de limites.
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