Alors que Qrixkuor s’apprête à sortir un nouveau EP intitulé
Zoetrope, je pensais naïvement être en mesure de "rattraper" mon retard dans l’espoir que le premier album des Anglais puisse figurer en bonne place au bilan de fin d’année. Sauf que cela ne va pas être possible car contrairement à ce que je croyais dur comme fer,
Poison Palinospia n’est pas sorti cette année mais en aout 2021... Un retard un poil embarrassant qui ne m’empêchera pas cependant de revenir sur l’une des sorties majeures de l’année dernière malheureusement entachée depuis par la révélation d’un fait-divers particulièrement sordide sur lequel il n’est pas utile de se pencher ici (je vous laisse effectuer une recherche Internet sur ce gros porc de Phillip Matthew Kusabs...).
Paru en collaboration sur les labels Dark Descent Records et Invictus Productions,
Poison Palinospia est illustré une fois de plus par l’artiste chilien Daniel Corcuera (chanteur et bassiste des excellents Slaughtbbath à qui l’on doit tout un tas d’artworks particulièrement réussis pour des groupes tels qu’Atomicide, Beheaded, Craven Idol, Diocletian, Embrace Of Thorns, Necrowretch, Unaussprechlichen Kulten...) qui livre ici une espèce de relecture infernale évoquant les travaux d’Alex Grey pour Tool. Ce premier album paru après cinq ans d’absence (la faute à de grandes réorganisations internes avec les départs en 2016 de trois des quatre membres du groupe) fait suite à l’excellent
Three Devils Dance, un EP trois titres qui après deux démos prometteuses mais encore mal dégrossies (réunies depuis sur une compilation intitulée
Incantations From The Abyss) avait permis de révéler les ambitions de grandeur du groupe londonien.
Alors oui, vu de loin, ces ambitions de grandeurs peuvent paraître bien ridicules avec seulement deux titres proposés après une demi-décennie de silence radio. Seulement voilà, Qrixkuor a vu les choses en grand puisque chacune de ces deux compositions culmine ici à plus de vingt-quatre minutes. Le genre de durée à faire fuir des gens comme Keyser mais qui néanmoins traduisent une envie de sortir des sentiers battus et d’offrir à l’auditeur qui oserait s’y risquer une expérience dont on ressort difficilement indemne.
Le plus gros risque lorsque l’on accouche de ce genre de compositions fleuves est de perdre l’attention de l’auditeur en cours de route. Le fait est que les Anglais ont particulièrement bien travaillé puisque ces deux fois vingt-quatre minutes ne paraissent jamais subies et même souvent plus concises qu’elles ne le sont réellement. Bien entendu, cela est rendu possible car "Serpentine Susurrus - Mother's Abomination" et "Recrudescent Malevolence - Mother's Illumination" sont deux compositions en perpétuelle progression qui jamais ne se fixent et jamais ne se répètent. Cela n'empêche pas le groupe de prendre tout son temps pour développer ces diverses séquences et leurs transitions. Il faut ainsi plus de six minutes pour que Qrixkuor laisse enfin parler la poudre sur "Serpentine Susurrus - Mother's Abomination". Pourtant, cette première partie effectivement étirée n’ennuie jamais et va très justement poser les bases de ces ambiances particulièrement pesantes et délétères sur lesquelles reposent ce premier album. Des "instants" menaçants et en tension comme celui-là, on en trouve également entre 12:00 et 15:39 et encore un peu plus loin par bribes ainsi que sur "Recrudescent Malevolence - Mother's Illumination" dès ces premières secondes au piano et aux cuivres et ce pendant ces premières quinze minutes néanmoins entrecoupées par quelques coups de boutoirs salvateurs entre 5:31 et 6:02, 10:11 et 11:28 et 11:56 et 12:40. Un quart d’heure exigeant mené par un riffing Black / Death inquiétant et possédé rappelant celui d’un Teitanblood ou d’un Dead Congregation dans cette capacité qu’à Qrixkuor à faire naître le même genre de tensions insoutenables.
A l’inverse, lorsque les Londoniens s’énervent, ces derniers ne font pas semblants. Les moments les plus pesants décrits ci-dessus sont ainsi habilement contrastés par des passages explosifs laissant éclater une fureur sombre et toujours aussi menaçante. Blasts et autres accélérations soutenues pleuvent ainsi de manière quasi-interrompue (parfois quelques brefs appels d’air viennent s’y greffer avant que le groupe ne reparte finalement à l’assaut) avec en toile de fond ce même riffing Black / Death infernal et dissonant qui prend un malin plaisir à entrainer l’auditeur dans les profondeurs brulantes et indescriptibles de la Terre. Une succession de déferlantes intenses et particulièrement jouissives qui après ces moments plus pernicieux font office de véritables défouloirs.
S’il peut paraître de prime abord particulièrement intimidant à cause d’un format peu consensuel (deux titres de vingt-quatre minutes chacun),
Poison Palinospia s’aborde finalement avec une relative aisance, révélant en effet l’essentiel de ses atouts dès les premières écoutes et cela sans avoir à batailler pour espérer s’y immerger. Alors non, on ne parlera pas pour autant d’un disque "facile" tant il y a de choses à découvrir et tant ses écoutes se révèlent tout de même intenses et douloureuses mais une chose est sure, Qrixkuor a fait les choses de manière à rendre l’immersion relativement aisée grâce à de nombreuses variations, développements et autres progressions constantes. Album dense, sombre mais néanmoins varié et dynamique, ce premier longue-durée vient rappeler à ceux qui l’auraient oublié que les Anglais sont parmi ces groupes sur lesquels il faut compter pour, comme on dit de l’autre côté de l’Atlantique, délivrer. Et comme je vous le disais en début de chronique, Qrixkuor n’entend pas en rester là puisque le groupe est déjà près à nous remettre les pendules à l’heure avec un nouveau EP dont je vous parlerai très bientôt.
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