Amon Amarth - The Great Heathen Army
Chronique
Amon Amarth The Great Heathen Army
"On ne peut pas être et avoir été", cette fameuse citation semble être parfaitement adaptée au combo qui depuis plusieurs disques navigue entre deux eaux en essayant de conserver son glorieux passé tout en voulant jouer sur la carte moderne pour rameuter de nouveaux fans… mais sans perdre les anciens. Cette équation souvent difficile à tenir sur la durée est marquante pour Johan Hegg et ses acolytes qui ont depuis des années beaucoup de mal à trouver cet équilibre, tant leurs derniers opus sont d’un ennui total en ne proposant que du recyclage permanent… mais de façon bien moins réussie et inspirée qu’au début de leur carrière. Etant devenu aujourd’hui une tête de gondole incontournable en matière de Viking Metal il souffre cependant d’être désormais surtout une attraction scénique qui en a oublié ses fondamentaux, se contentant d’enchaîner les concerts en roue-libre et de sortir des albums à la production dopée à la testostérone mais d’où aucune aspérité ni chaleur ne ressort. Fêtant cette année ses trente ans d’existence le quintet revient ici avec son douzième chapitre, dont beaucoup espéraient qu’il soit celui du nouveau souffle tant ses prédécesseurs n’ont cessé progressivement de s’enfoncer dans le pilotage-automatique et le manque d’idées criant. Car il faut bien avouer que depuis
« With Oden On Our Side » en 2006 la qualité n’a cessé de diminuer jusqu’à atteindre son paroxysme sur les poussifs et linéaires « Jomsviking » et « Berserker », dont au final on n’a rien retenu ou presque… et malheureusement le constat va être le même pour ce « The Great Heathen Army » qui va souffrir des mêmes maux entendus sur ces récentes sorties.
Pourtant on y a cru durant quelques minutes… le temps d’écouter le très bon « Get In The Ring » qui est carrément la meilleure plage de ce cru 2022, où l’on retrouve ce qui fait le charme de l’entité à savoir une grosse alternance entre mid-tempo à la double-pédale et passages enlevés épiques. Si tout cela n’est qu’une redite généralisée l’entrain contagieux et la sobriété de l’écriture font mouche et se voit taillée pour la scène où l’ensemble fera mal et servira de parfaite entrée en matière, donnant autant envie de headbanguer que d’accompagner le peuple du nord vers le combat et le valhalla. Cela sera le moment de gloire de cet enregistrement vu qu’après ce début réussi les sourires et les espoirs vont s’envoler de suite, tout ça à cause du redondant et balourd morceau-titre qui ne décolle jamais et donne trop rapidement la sensation de se répéter à l’infini… un constat partagé sur « Oden Owns You All » hyper planplan et poussif qui use et abuse d’un tempo lent trop proéminent. Si l’on n’aura pas grand-chose à reprocher au basique « Find A Way Or Make One » les raisons de s’enthousiasmer seront néanmoins trop rares tant il manque truc pour vraiment accrocher et adhérer totalement, mais au moins ça reste cohérent à l’inverse des ratés « Heidrun » et « Dawn Of Norsemen ». Pourtant le premier avait des arguments vu que ses créateurs avaient joué sur un côté festif et joyeux presque sautillant, nous renvoyant vers les grandes tablées de l’époque autour du feu où l’on chantait et dansait…le tout aidé par des relents tribaux sympathiques. Malheureusement le rendu tombe franchement à côté tant ça sonne beaucoup trop déséquilibré et de fait on a du mal à aller jusqu’au bout de l’écoute, comme pour la seconde composition qui voit l’ajout de mélodie et un break acoustique tout doux mais qui là-encore n’arrivent pas à s’intégrer au sein des passages plus énervés et lourds.
Cependant alors qu’on avait presque perdu tout espoir « Saxons And Vikings » va débouler en force et redonner de l’attrait en voyant l’opposition entre Britanniques et Suédois sur un plan strictement musical. Si l’on sait que le Royaume-Uni a eu à subir les assauts des guerriers du nord ils font ici cause commune vu que sur des paroles historiques Bill Byford vient pousser la chansonnette pour un rendu furieux impeccable au dynamisme constant où la vitesse est majoritaire, de par un entrain généralisé qui donne la sensation d’être au milieu du champ de bataille. D’ailleurs la voix de l’Anglais se mêle parfaitement aux riffs des Scandinaves et nul doute que là-encore en concert ça risque de faire très mal, et l’on regrette que ceux-ci ne lâchent pas plus les chevaux régulièrement vu que c’est là qu’ils sont les meilleurs. Au lieu de ça ils continuent à jouer sur leur côté massif et des rythmiques lentes qui s’épuisent beaucoup trop tôt, et cela de manière là-encore nettement visibles sur le trop long et mollasson « The Serpent’s Trail » et ce sans compter les nappes aériennes très moches de l’inutile « Skagul Rides With Me », qui sert juste de remplissage en n’amenant rien d’autre qu’un bâillement.
Avec en supplément une pochette très moche (et limite ridicule) qui fait plus penser à une série Netflix ou un bon gros blockbuster typiquement Américain qu’a un disque de Metal, on aura donc compris que ce nouvel essai et aussi dispensable que ceux qui l’ont précédé depuis une bonne décennie, et que ça n’est pas avec que les gars vont retrouver de l’intérêt auprès des puristes. Si les fans récents se contenteront facilement de cela avec sa production ultra-synthétique et goinfrée aux amphétamines les plus anciens retourneront rapidement vers les débuts, largement plus convaincants et hargneux. Du coup on trouve ici comme d’habitude un peu de bon (seulement deux compos sur neuf), mais surtout beaucoup de faiblard et du quelconque, trop peu pour que le navire arrête de prendre l’eau de toutes parts… même s’il est évident qu’en festival ou en tête d’affiche ça maintiendra une certaine force de frappe à défaut de mieux tant AMON AMARTH est devenu à l’heure actuelle une vraie institution et machinerie bien rodée (sans doute de façon excessive), mais qui à vouloir devenir trop gros y a perdu son âme et c’est vraiment regrettable.
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