Vous vous êtes probablement déjà faits la réflexion sans pour autant oser me le faire remarquer mais cela fait effectivement belle lurette que j’aurais dû revoir l’étiquette stylistique apposée aux dernières chroniques de Necrowretch. Si les premiers moments de ce qui n’était alors qu’un duo se sont faits au son d’un Death Metal particulièrement intense rappelant notamment des formations telles que Grotesque et Liers In Wait, il est vrai que l’entité à géométrie variable a su au fil du temps peaufiner sa formule pour verser petit à petit et cela depuis quelques années déjà dans la pratique d’un Black / Death qui à défaut de briller par son originalité a tout de même su gagner en personnalité.
Mené par un Vlad dont la passion et la dévotion sont restées intactes tout au long de ces quinze années d’existence, Necrowretch dans sa version 2024 embarque avec lui deux "nouveaux" aspirants. Tout d’abord Romain Gibet (Venefixion, Repugnizer, ex-Cadaveric Fumes, ex-Sépulcre) qui va ici prendre possession de la basse puis Nicolas Ferrero (Catacomb, ex-Fhoi Myore...) que l’on va quant à lui retrouver derrière les fûts. Un line-up une fois de plus revu et corrigé mais qui finalement n’est pas de toute première fraîcheur puisque le premier a rejoint les rangs de la formation en 2021 alors que le second accompagne Necrowretch un peu partout dans le monde (notamment en Europe et en Asie) depuis déjà 2018...
Intitulé
Swords Of Dajjal, ce cinquième album va puiser l’essentiel de son inspiration dans le Coran et la religion musulmane en s’intéressant notamment au personnage de Dajjal dont voici l’une des définitions trouvées sur Wikipedia :
"Dans l'islam, diverses traditions prophétiques (hadiths) mettent en scène al-Dajjâl ("l’Imposteur") - l'équivalent de l'Antéchrist - dont la venue est un point déterminant de l’eschatologie musulmane. Il apparaît à la fin des temps et doit être éliminé par le prophète Îsâ (Jésus) lors de son retour". Si on imagine bien que Necrowretch n’est pas le premier groupe à s’intéresser à de tels sujets, il n’en reste pas moins que ces thématiques moyen-orientales vont amener avec elles un parfum de fraîcheur qui en plus de pousser l’auditeur curieux vers de nouveaux horizons vont également permettre à Necrowretch de cultiver un pan de son identité et donc de sortir encore un petit peu plus des sentiers-battus (c’était déjà le cas sur son excellent prédécesseur). D’ailleurs c’est ce que vont faire les Français avec en premier lieu cette illustration pour le moins surprenante (notamment par son côté très stylisé et ses couleurs chaudes et plutôt vives) très éloignée des visions tentaculaires et infernales exprimées sur la grande majorité de ses précédents travaux. Pour y parvenir, le groupe a fait appel une fois de plus aux talents de l’artiste Stéfan Thanneur (ex-Chaos Echœs) qui signe une oeuvre détonnante mais néanmoins réussie puisque passée sa découverte qui en a probablement laissé plus d’un circonspect, celle-ci a su néanmoins s’imposer (en tout cas chez moi) par sa composition simple et le caractère à la fois tranquille et menaçant de cet "orc" du désert.
Annoncé par Vlad comme l’album de Necrowretch aux sonorités Black Metal les plus évidentes (
"our most black metal record, with splashes of death metal here and there. Whereas on the previous album all tempos were pushed to the extreme, there’s far more variety here to be found. It also gave us free reins to reach a more mystical, Biblical if you will vibe"),
Swords Of Dajjal n’est pourtant pas hyper différent de ses prédécesseurs. D’un point de vue dynamique, celui-ci est en effet mené une fois de plus le couteau entre les dents. Un rythme globalement très soutenu puisque les salves de blasts et autres attaques frontales sont toujours légion tout au long de ces trente-sept minutes (de "Ksar Al-Kufar" à 0:23 aux entames en fanfare de "The Fifth Door", "Dii Mauri" et "Vae Victis" en passant par "Swords Of Dajjal" à 0:15 et "Total Obliteration" à 3:05 (mazette, cette séquence !) on ne peut pas dire que les Français fassent particulièrement preuve d’une quelconque retenue). De la même manière, le chant malveillant, hargneux et toujours aussi cadencé de Vlad participe à renforcer ce sentiment d’intensité qui se dégage indiscutablement de ces huit nouvelles compositions.
Pour autant et comme le précise très bien le principal intéressé, il est également vrai de dire que ce cinquième album fait preuve à la manière de son prédécesseur de davantage de relief puisqu’il n’est pas rare de voir Necrowretch lever le pied. Des instants plus modérés qui vont comme toujours permettre d’aérer le propos des Français et de varier les plaisirs au moins d’un point de vue dynamique ("Ksar Al-Kufar" à 0:48 et 2:38, "The Fifth Door" à 1:38, "Dii Mauri" à 0:23 et 3:12, "Swords Of Dajjal" à cette ligue séquence centrale entamée dès 1:16, "Numidian Knowledge" tout en mid-tempo, "Vae Victis" à 1:32, l’instrumental "Daeva"...). On notera également la présence de quelques arrangements fort à propos (ces guitares acoustiques ou ces percussions entendues par exemple sur "Ksar Al-Kufar", "The Fifth Door", "Numidian Knowledge" et "Total Obliteration") puisqu’ils vont participer à entretenir ces ambiances moyen-orientales dans lesquelles trempent ces quelques compositions.
Mais si
Swords Of Dajjal partage en effet bien des points communs avec ses prédécesseurs et notamment avec l’excellent
The Ones From Hell qui montrait déjà un autre visage de Necrowretch, ce n’est pas moi qui irait contredire Vlad quant à l’orientation plus Black Metal évoquée plus haut. Il suffit pour s’en rendre compte de prêter attention au riffing tout en trémolo (ou presque) qui personnellement n’est pas sans me rappeler de manière plus flagrante qu’auparavant celui de groupes comme Necrophobic et Watain (et même Merciless dans une moindre mesure) dans ses attaques vicieuses et intenses et ses mélodies pleines de ferveur. Un parallèle qui me semble assez évident surtout à l’écoute de titres comme "Ksar Al-Kufar", "The Fifth Door", "Dii Mauri", "Swords Of Dajjal", "Vae Victis" et "Total Obliteration" qui en plus d’être les plus agressifs de l’album sont également les plus variés.
Bref, sans véritablement se détacher de tout ce qu’a pu faire Necrowretch par le passé,
Swords Of Dajjal se distingue néanmoins de ses plus anciens prédécesseurs (je trouve que c’est tout de même moins vrai en ce qui concerne
The Ones From Hell qui pointait déjà très largement dans la même direction) par une approche effectivement moins orientée Death Metal. En se faisant, le groupe ne perd pourtant rien de son identité qu’il réussit même à développer encore davantage grâce à ces nouvelles thématiques abordées tout au long de ces trente-sept minutes et à ces sonorités moyen-orientales qui, on ne va pas se mentir, nous font bel et bien voyager. Adepte dans ses premières années d’un Death Metal aux accointances Black évidentes à la fois hyper efficace mais néanmoins relativement scolaire, Necrowretch a su mettre à profit son histoire, ses voyages et ses nombreux changements de line-up pour accoucher aujourd’hui d’un Black / Death racé et personnel capable de créer toujours énormément de chaos tout en faisant preuve de relief et d’intelligence à travers des séquences plus mesurées. Après un prédécesseur particulièrement engageant, Necrowretch confirme donc cette année ses envies d’émancipations qui, il faut bien l’avouer, lui vont carrément bien.
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