Negură Bunget - Om
Chronique
Negură Bunget Om
Les Roumains de Negura Bunget arrivent tout droit de la profonde Transylvanie, là où Dracula et ses comparses ont terrorisé la population. Mais, de là à dire que nos Roumains sont des vampires, il n'y a qu'un pas que je n'oserai franchir : rien de comparable avec Cradle of Filth. Nos comparses se trouvent juste être des adorateurs de Dame Nature, et s'efforcent à lui rendre hommage à travers plusieurs albums, dont Om se trouve être le quatrième. Bon, je ne suis pas Dame Nature, loin s'en faut, mais il est certain que si l'on me consacrait un album de cette trempe, j'irai tout de suite forniquer avec mes apôtres (moyennant le fait qu'ils appartiennent à la race des canards, attention, je ne couche pas avec n'importe quoi).
Trêve de plaisanteries ridicules, et concentrons-nous un tant soi peu sur ce qui nous intéresse ici, c'est-à-dire, non pas une équipe française de football, mais un disque homonyme. Le disque en lui-même, je peux pas vous en dire grand-chose, si ce n'est qu'il est blanc avec écrit sobrement « OM ». Par contre, ce que je peux faire, et ce en quoi je suis qualifié (enfin, pas tant que ça), c'est parler de la musique en elle-même. Enfin, ça restera superflu, tant la musique de Negura Bunget est riche et complexe. Alors, cessons de tourner autour du pot de chambre, et superfluons !
Passée l'introduction sombre et oppressante, on entre directement dans la musique des Roumains par le morceau Tesarul De Lumini, et on se retrouve par ailleurs tout aussi directement transporté dans des contrées lointaines. Le clavier impressionne, développant une ambiance assez triste qui s'allie à merveille avec la mélodie imparable de l'album : rarement un groupe, en à peine deux minutes de musique, aura réussi à me retourner à ce point. On ne fait plus qu'un avec la Nature, on la pénètre au plus profond de son intimité. La musique s'accélère parfois avec une fougue salvatrice, mais non haineuse : ce sont juste les ténèbres de la forêt qui gagnent du terrain. Car si on peut illustrer la musique de Om, c'est bien uniquement à l'aide de l'image d'une traversée champêtre, qui d'ailleurs se retrouve dans les clips du groupe. Douze minutes plus tard, on se retrouve dans un autre monde, explorant des lieux inquiétant où tout semble être l'œuvre d'une terre où l'homme ne s'est jamais aventuré.
Les plages atmosphériques succèdent aux parties clairement Black, comme Primul Om le morceau suivant. C'est par ailleurs dans ces passages que l'on ressent toute l'ampleur du travail des Roumains, par la grande richesse musicale liée à l'utilisation de multiples instruments : clavier, xylophone, percussions, diverses instruments à vents (flûtes et cors par exemple)… Et ce en plus de la traditionnelle combinaison voix/guitare/basse/batterie. Ce qui se trouve par ailleurs être un réel atout est la présence de ces passages ambiancés également en plein cœur des morceaux Black, comme Cunoasterea Tacuta ou Cel Din Urma Vis, et non nécessairement dans des plages spécifiquement atmosphériques. Et même au cœur des passages les plus violents et les plus basiques en apparence, c'est plus d'une dizaine d'écoutes attentives qui est nécessitée, tant les instruments possèdent chacun leur propre personnalité. J'entend par là non le loup, le renard et la belette, mais le fait que chaque instrument semble jouer une mélodie différente dans son coin, sans volonté de cohérence, et qu'au final le résultat soit paradoxalement un tout d'un seul tenant, un monolithe d'une cohésion et d'une densité difficilement égalable.
D'ailleurs, il ne faut pas oublier de qualifier le jeu des instruments dont l'originalité déconcerte. Les riffs de guitare semblent pour la plus grande majorité écrit contre toute logique, totalement décousus et aux antipodes de ce qu'on est en droit d'attendre d'un groupe de Black Metal : contre-temps, syncopes, dissonances et autre joyeusetés sont de la partie, il suffit d'écouter des morceaux comme Inarborat ou Hora Soarelui pour s'en rendre compte. La batterie dispose également d'un jeu intéressant et original, à moitié agressif, mais collant superbement à l'ambiance. Pour la seconder, j'appelle la basse, qui se fait vrombissante : il suffit de tendre l'oreille, elle est présente à tout moment, vibrant intensément, servant de guide et rassurant par la chaleur de ses sons. Tout ceci se cristallise parfois en des morceaux à l'allure cacophonique, alors qu'il n'en est rien, comme Dedesuptul, où les sonorités les plus étranges côtoient les riffs les plus fous.
Le côté « voyage voyage » du disque ressort énormément dans les passages les moins Black, qui font légion par ailleurs, et qui possèdent un fort côté postrock/postcore, tant la versatilité musicale est grande et les atmosphères dégagées rappellent des noms comme Shora, Cult of Luna, Magyar Posse, Microfilm, et j'en passe. Si l'on veut grossir le trait, mais de manière bien grossière, limite vulgaire et outrageante, on peut dire que Negura Bunget, c'est un groupe qui a mélangé Drudkh pour le côté dépressif et « j'aime la nature », Enslaved pour le côté « je m'amuse à écrire de la musique complexe, et plusieurs groupes de post-machins pour « je rajoute des petits détails par milliers dans tous les sens ». Le travail effectué sur ce disque est énorme, par la diversité musicale (écoutez Norilor, morceau instrumental à l'ambiance « tambours de guerres contre les fourmis »), l'utilisation de toute la palette des sons disponibles auprès du groupe (les chants clairs notamment, de toute beauté), les paroles incompréhensibles en roumain…
Ah, si on m'avait prévenu… Je pensais avoir acheté un disque de chants de supporters d'une équipe de foot douteuse, et voilà que je me retrouve avec un voyage tous frais payés dans les Carpates. Plutôt agréable la surprise, notamment lorsque le périple est d'aussi bonne qualité. En plus, je n'osais parlé plus tôt du somptueux digipack à l'artwork chiadé et tout autant fouillé que la musique de Negura Bunget, accompagné d'un DVD très loin d'être dispensable, avec clips, live et interview, le tout en très haute qualité. Alors, achetez ce disque, et mangez chinois (proverbe roumain).
| Krow 5 Février 2007 - 4275 lectures |
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