Ah, le pleutre, l'infâme, le félon ! Oser critiquer
The Apostasy si vertement ! Comment a t-il pu ? Je les voyais déjà, ces chantres de la pensée unique qui auraient pour moi révisé l'abolition de la peine de mort pour crime de lèse-majesté envers un Behemoth qui révolutionna voilà deux ans le death metal. Mon œil oui, là seule chose que le précédent album des Polonais a fait évoluer, c'est la qualité de composition du groupe qui a, il faut le dire, sensiblement baissé. Comment s'enthousiasmer devant un album dont Nergal a oublié de composer décemment les trois quarts des lignes de guitare, préférant la mollesse de quelques accords aux trémolos qui auraient été de circonstance ? Behemoth venait pour la première fois de commettre un album poussif, lassant, répétitif et dont la seule originalité était l'utilisation de samples et d'un orchestre sur quelques compositions franchement ratées. Deux ans plus tard, pas de changement sous le ciel polonais : même line-up, même discours, même envie et même accoutrement rigolo, voilà qui ne me rassurait pas. Heureusement,
Evangelion n'est pas une redite de
The Apostasy, et peut donc se voir a priori accorder ma clémence.
Je me dois le dire, je suis assez surpris par
Evangelion sous certains aspects. Je ne peux que louer le retour des guitares au premier plan sur un titre comme « Daimonos », un morceau avec une véritable énergie et une certaine brutalité, certes contenue mais bien présente. Le constat est tout à fait similaire avec un « Shemhamforash » et son très bon refrain pour le coup tout à fait brutal, ainsi que pour l'agréable « Transmigrating Beyond Realms Ov Amenti ». Voilà le retour du Behemoth version death metal que j'attendais, celui du très bon
Demigod, véloce, dense, incisif. Bref, de qualité. Dommage pour moi tout le reste du nouvel opus des Polonais n'est pas de la même trempe.
Évidemment hormis ces trois réminiscences de son pas si lointain passé, Behemoth fait toujours dans le death metal bien calibré comme il faut, ni trop brutal ni trop calme, histoire de ratisser large. Les compositions paraissent toujours aussi artificielles grâce à une production malhabile totalement gonflée aux stéroïdes et des effets sur le chant qui commencent, et c'est une première, à prendre le pas sur les qualités vocales de Nergal. Inferno demeure le seul à impressionner par sa qualité de jeu vu que les guitares et la basse continuent leur repos dominical sur tout le reste de l'album en assurant le strict minimum. On en oublierait presque qu'avant
Demigod, Behemoth a fait dans le black metal, puis dans le black/death, démontrant un certain effort dans le développement de mélodies plus élaborées qu'un enchaînement de trois accords et d'un trémolo sur deux notes... Mais passons, là n'est plus l'intérêt de Behemoth apparemment.
Le groupe retombe malheureusement dans ses travers avec des « He Who Breeds Pestilence » et « Alas Lord Is Upon Me » anecdotiques qui n'auraient pas fait tache sur le dernier album, des morceaux sans saveur qui, s'ils ont le mérite de ne pas être des purges, n'en sont pas pour autant d'une qualité exceptionnelle. « Defining Morality Ov Black God » est du même tonneau, et retombe précisément dans le travers de
The Apostasy, où la batterie blaste sans discontinuer alors que les guitares se contentent du minimum syndical, faisant passer toute la densité sonore et du même coup une bonne partie de la brutalité du morceau au placard.
Bon tout de même, je me dois le reconnaître, ces morceaux passent pour des merveilles de composition à côté de « Ov Fire And The Void » et « Lucifer », qui sont des mid-tempos totalement miteux. Je passerai rapidement sur le fait que l'intro de « Ov Fire And The Void » (vous savez, ce morceau pour lequel le groupe a tourné un clip et enfilé ses plus beaux atours dans un élan de soutien à Dimmu Borgir) est totalement pompée sur celle de « The Hidden Law », un des titres de l'excellent
Chaostream de Lost Soul, parce que la comparaison s'arrête là : le morceau de Lost Soul a au moins le mérite de se résumer à autre chose qu'une intro répétée en boucle sans la moindre variation, et pense plutôt à accélérer son propos. La même remarque est envisageable pour « Lucifer », composé d'un seul accord de guitare que viennent surplomber de temps à autres quelques solos, et entrecoupé d'un riff horriblement banal. Le pire, c'est que l'ambiance que le groupe essaye d'instaurer par ces lourdeurs démesurées, la multiplication d'éléments sonores atypiques (larsens en particulier) et la pluralité des voix – grâce à un guest dont la voix ne comporte pas huit couches d'effets pour faire la résonance, la profondeur, la puissance et la justesse – l'ambiance donc, ne parvient jamais à faire mouche. On a pu dénoncer lors de la sortie de
The Apostasy un mimétisme flagrant des Polonais avec Nile – à tort à mon avis puisque Karl et Dallas se souviennent que les guitares se doivent d'aller rapidement dans tout album de brutal death décent – mais cette fois-ci Behemoth s'essaye bel et bien à cet exercice rigoureux et difficile du mid-tempo ambiancé que les américains maitrisent si bien, et se plante en beauté. On est loin de la qualité de ce que le groupe a pu proposer de similaire dans le passé avec des titres comme « As Above So Below » ou « Conquer All », qui n'étaient déjà pourtant pas des références du genre !
Ah, mais il est injuste et méchant, pendez-le ! Et oui, encore une fois j'ose critiquer un album de Behemoth à cause d'un parti pris dans le style qui rend à mon oreille certains morceaux de
Evangelion totalement inintéressants, et d'autres à peine moyens. Ceux qui avaient déjà apprécié le précédent opus des Polonais ne partageront toujours pas mon point de vue, mais au moins s'ils ont encore un peu de goût, ils sauront reconnaître à cette nouvelle offrande une plus grande variété dans la composition, plus de brutalité et plus de mélodie. Le cru Behemoth 2009 a au moins le mérite d'atténuer une partie des défauts de son prédécesseur, mais certains problèmes demeurent au niveau des parties de guitare, de la production surfaite, et de cette sale impression d'écouter un death metal en plastique, artificiel de A à Z et à la personnalité peu prononcée. Trois bons morceaux n'arrivent malheureusement pas à contrebalancer trois autres anecdotiques et deux mid-tempos insupportables, et
Evangelion, s'il dépasse largement la qualité de
The Apostasy, n'arrive à la cheville d'aucune des précédentes réalisations du groupe. Sans même évoquer l'époque bénie du death polonais où Behemoth jouait tout seul dans la cour du black/death avec d'excellents albums comme
Pandemonic Incantations,
Satanica ou
Thelema.6, je me dois de rappeler que le créneau dans lequel évolue Behemoth depuis trois albums a déjà été occupé avec infiniment plus de brio par Lost Soul, et
Demigod, pourtant le dernier bon album de Behemoth en date, faisait déjà pâle figure à sa sortie par rapport à
Chaostream...
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