On ne présente plus les Polonais de Behemoth, qui commencent à avoir une discographie plus épaisse que la moustache de Tom Selleck. Et pourtant, un opus que je considère comme majeur dans leur carrière n'a pas encore sa place parmi les chroniques de notre cher webzine. Pas tellement surprenant en fait, tant ce "Zos Kia Cultus", dernier album du groupe avant un
"Demigod" qui le verra entrer dans une nouvelle catégorie et devenir la machine de guerre qu'il est actuellement, est souvent considéré comme un des albums les moins intéressants du groupe. Et pourtant, en tant que chroniqueur assidu et intègre, j'assume ma différence sans ciller. "Zos Kia Cultus" est un des tous meilleurs albums de Behemoth. Voilà, c'est dit. Pourquoi ? Est-il besoin ou possible d'expliquer un avis personnel ? Pas nécessairement, mais ne pouvant conclure cette chronique après ces quelques affirmations bien maigres, je vais quand même tenter le coup.
Replaçons déjà ce disque dans son contexte. Behemoth s'était déjà éloigné de son Black Metal originel depuis quelques temps. Après un
"Satanica" qui en a surpris plus d'un, et un
"Thelema 6" de très bonne facture mais qui se cherchait encore un peu, ce "Zos Kia Cultus" (que nous nommerons désormais "ZKC" parce que je sens que ça va me gonfler de le réécrire à chaque fois) représente l'aboutissement de ce virage vers un gros Death teinté de Black à faire miauler le chien Michel Drucker. C'est gros, c'est gras, c'est burné, mais ça ne manque jamais d'élégance.
Le disque ouvre sur "Horns ov Baphomet" qui donnera le ton de tout ce qui nous attendra au fil des 50 minutes. Ce titre (le meilleur de l'album à mes yeux, si ce n'est le meilleur de Behemoth) déploie sa lourdeur sur un peu plus de trois minutes avant de partir dans des vitesses supersoniques. Le brûlot restera dans cette célérité désinhibée sur les deux plages suivantes, avec notamment l'excellent "Here and Beyond" alternant blasts furieux et envolées mélodiques habiles, avant de calmer le jeu avec le plus lourd "As Above so Below". "Blackest ov the Black" nous rappellera les origines Black Metal du groupe (en même temps, avec un nom pareil…), tandis que le titre éponyme optera pour une rythmique martiale découlant sur un savoureux mid-tempo. L'aspect ésotérique de Behemoth refait surface vers la fin, notamment sur "Typhonian Soul Zodiack" et son intro combinant distorsions grasses et guitares acoustiques aux accents orientaux, ou sur "Heru Ra Ha : Let There Be Might", qui clôturera l'album de brutale manière. Peut-être pas le titre le plus approprié pour mettre un point final à cette œuvre d'ailleurs, malgré sa qualité. M'enfin, je pinaille (qui a dit "pine à l"ail" !?).
La production paraît faible en comparaison de ce qu'ils feront par la suite, mais c'est cet aspect sec et abrasif qui donne tout son charme à ce "ZKC". La voix de Nergal était moins grave est plus écorchée qu'elle ne l'est aujourd'hui. Inferno tabassait déjà ses fûts comme un plombier épileptique, mais le son plus naturel rendait d'avantage justice à la subtilité de son jeu. Mais ce qui caractérise le plus cette œuvre, c'est la qualité et la finesse des ambiances qui sont déployées. Je ne parle pas d'orchestrations ou de nappes atmosphériques. Je parle tout simplement de cette sensation qui émerge à l'écoute de l'album, ce sentiment de voyager, à travers l'espace et le temps (j'en fais des tonnes, je sais). La finesse des arrangements et la diversité des compositions confèrent à ce disque une teinte mystique qui, si elle a toujours fait partie de l'identité de Behemoth, n'a jamais été aussi marquée. Par la suite, le groupe se réfugiera un peu trop dans le tout-blast-à-très-gros-son, dont je suis certes toujours friand, mais force est de constater que l'on a perdu en finesse au passage. Il faudra attendre 2014 et
"The Satanist" pour voir nos amis diversifier à nouveau leur tambouille et réinjecter une dose d'ambiances dans leur musique.
En conclusion, ZKC est probablement l'un des albums les plus variés et audacieux de Behemoth. Le seul tout petit point noir serait qu'il ne contient pas d'hymne à proprement parler, tel un "Decade ov Therion" ou un "Antichristian Phenomenon. "As Above So Below", seul rescapé de ce disque en live, est ce qui s'en rapproche le plus, mais on est loin d'un titre aussi fédérateur que ceux cités plus haut. Mais ce petit regret pèse bien peu face à la majesté de cet album qui, s'il n'est étrangement pas considéré comme une des incontournables du groupe, renferme beaucoup plus de richesses que ce qu'il laisse paraître.
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