Si “Bonded By Blood” continue d'être reconnu plus de 25 ans après sa sortie comme étant le seul intouchable du gang de Frisco, il y a forcément une raison ; Paul Baloff, son éphémère premier chanteur décédé en février 2002 mais revenu dans le giron du groupe le temps d'un live exceptionnel (« Another Lesson In Violence », 1997) ? Vu l'abattage fourni par ses successeurs Souza et Dukes, le doute est plus que permis. Plus sûrement, on mettra cette obsession sur le compte d'un enchaînement non stop de titres thrash particulièrement féroces et directs comme le groupe en a certes composé par la suite, mais sans faire preuve de la même constance dans l'effort. On touche là le cœur du problème qui a valu à EXODUS une carrière moins glorieuse que certains compagnons d'armes de la première heure, pas forcément mieux armés techniquement mais au final signataires de skeuds plus mémorables qu'un
« Pleasures Of The Flesh » relativement costaud, mais auquel il manque deux ou trois classiques absolus pour se rappeler à la mémoire des fans autrement qu'au détour d'un extrait live ou d'une lecture aléatoire du dossier thrash eighties de leur ordinateur.
Or, sans être au dessus de tous soupçons, « Fabulous Disaster » peut au moins se targuer de les avoir dans sa besace, ces trois incontournables ! Malgré un retard à l'allumage sous forme de spoken words qui commence à devenir une sale habitude chez les américains (seconde incartade après « Deranged » sur l'album précédent), « The Last Act Of Defiance » a tout de l'opening track idéal pour lancer ce troisième full length sur des bases très élevées : riffs sentencieux concoctés avec amour sur un étal de boucher, rythmiques up tempo enfin sous contrôle d'un Tom Hunting plus en place que sur un « Pleasures » limite catastrophique à ce niveau, lignes de chant on ne peut plus agressives d'un Souza électrique soutenu par des backing vocals aussi efficaces que les punchlines d'un John McClane en rupture de Nakatomi Plaza … sans oublier l'indispensable furia lead à mi parcours d'une paire de guitar héros en pleine possession de leurs moyens malgré la quantité de poudre qui traînait dans les studios d'enregistrement à l'époque. A ce titre, l'enchainement de solis sur ce prodigieux titre introductif fait partie de ce que la paire Holt/Hunolt a fait de mieux avec un
« Impact Is Imminent » dont la gémélité avec « The Last Act Of Defiance » est on ne peut plus criante. Du EXODUS premier choix comme en témoigne ce title track d'exception qui n'est jamais sorti de la setlist du groupe (quel refrain d'anthologie!) ou presque lors de prestations scéniques transformées en séance de headbanging sauvage sur le break ultra jouissif de la meilleure incursion d'EXODUS en territoire mid tempo ; « The Toxic Waltz », qui eut droit aux honneurs d'un clip à l'époque, surpasse donc aisément « Brain Dead », « And Then There Were None » et autres « Blacklist » pour électrocuter l'assistance le temps d'une tirade à vous coller la chair de poule :
Get up on your feet
Don't look so obsolete
And thrash like an athlete!
Don't sit there on your ass
Don't look like you
Got too much class
You'll be harassed!
Outre ces trois indispensables du back catalogue, on trouve pas mal de bonnes choses sur « Fabulous Disaster », malgré un gros coup de mou à mi parcours qui lui vaudra d'être recalé à l'oral des grands classiques du genre. Signalons entre autre le démarrage southern sur fond d'harmonica d'une « Cajun Hell » qui souffre surtout d'un placement hasardeux dans le tracklisting, les prouesses vocales d'un Steve Souza découvrant le haut débit avant tout le monde sur l'entraînante « Verbal Razors » et l'excellente relance passé deux minutes sur une « Open Season » pourtant partie sur d'assez mauvaises bases. Pour le reste, si « Corruption » est dans la moyenne acceptable de ce que le groupe est capable d'offrir en matière de thrash véloce à connotation heavy, on sera plus circonspects devant le titre à rallonge de l'album, la dérangeante et interminable « Like Father, Like Son » (EXODUS a fait bien mieux depuis avec « Changing Off The Guard », « Forward March » ou encore la récente « Beyond The Pale ») et bien plus encore à l'égard des deux reprises dispensables (la lourdingue « Low Rider » de WAR et une cover à peine moins pénible d'AC/DC, « Overdose ») qui plombent le déroulement d'un scénario thrash ne tenant dès lors qu'une partie de ses promesses. Inégal mais parfois brillant, « Fabulous Disaster » a également pour lui une production des plus décente pour l'époque (il existe une version remasterisée très recommandable, bonifiée par des bonus tracks live de bonne facture) qui lui vaudra longtemps de figurer parmi les meilleures productions du groupe. A l'instar d'un
« Tempo Of The Damned » dont il reste très proche en termes de traditionalisme et d'efficacité thrash, on conseillera particulièrement cet album à ceux qui ne goûtent guère les compositions à tiroirs dont Gary Holt s'est fait une spécialité sur « Exhibit A & B », formes de thrash plus modernes et brutales toujours plus louables qu'une relecture indigne d'un
« Bonded By Blood » toujours aussi inoxydable.
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04/08/2010 20:10