Il existe un conte populaire décrivant un diner composé de convives et auquel, sans que les autres le sachent, Satan et Jésus participent. L'objectif est d'acquérir les âmes des invités en les charmant et sans dévoiler son identité, afin de savoir si l'être humain a un penchant pour le vice ou la sainteté. Jésus est affable, arborant un sourire serein en toutes circonstances. Satan déclame, gesticule, se moque de son adversaire et s'arme d'un rire si tonitruant, cynique et communicatif, que le reste de la table se joint à lui et s'amuse. L'enfer sort vainqueur du repas.
Katharsis est ce rire. Sur
VVorld VVithout End, les allemands ont allié le black/thrash de leur premier album à l'hystérie de
Kruzifixxion pour un rendu excessif et ignoble. On est loin de l'esthétisme qui a le vent en poupe dans la scène « orthodoxe » : la production est raw, le chant enterre les autres instruments, tout est dégueulasse, moche et joué sans retenue. Le but n'est pas d'exprimer par des chœurs lancinants ou une beauté sombre une religiosité déformée mais de porter au pilori l'inverse de ce qui est considéré comme harmonieux et saint. Les musiciens mettent alors leur savoir au service d'une figuration des flammes (les brûlots « Eden Belovv », « Krossfyre » et « Ascent From Goulgotha ») et des chaines lourdes qui s'accrochent aux poignets des traîtres (l'hypnose « VVytchdance »).
Et pourtant, on se rend vite compte ça joue bien et même très bien, une fois la couche de suie essuyée. On se dit même que cette spontanéité relève d'un travail constant d'orfèvre du malsain qui salit le diamant et fait entrer l'imperfection dans ses calculs. La batterie possède un jeu varié, alternant blasts et mid-tempos sauvages, et les guitares proposent des plans construits et changeants, entre salves maudites et accords thrash survoltés et entêtants (le morceau éponyme et raaaah la conclusion de « VVytchdance » !). La fin de « Ascent From Goulgotha » offre par exemple une superposition batterie massive/tremolos de guitare et de basse d'une intensité si divine qu'elle fait ouvrir les mains et tendre les paumes vers l'extérieur. L'ardeur extatique se retourne lors d'un « Kosmic Sakrifice », morceau furieux joué à l'envers, montrant que tu as été trompé et que tes yeux révulsés ne regardent pas Dieu mais son fils rebelle.
Et il y a cette voix, cette voix qui dit « Retourne chanter ton gospel dans les champs de coton Arioch. Je domine. ». Sans elle,
VVorld VVithout End ne serait qu'un très bon album de black/thrash sulfureux (et instrumental, aussi). Les cordes vocales sont tellement martyrisées, les paroles tellement mâchées, qu'elle semble sortir de partout et de nulle part, tel un irrésistible hurlement sadique. Un sourire en coin et un regard fixe décorent ton visage à son écoute, tant Drakh se fait jouissif, bestial, transcendé, un état de grâce naissant de la laideur que l'on retrouve pleinement lors du morceau éponyme où Katharsis est plus progressif, sans altérer la frénésie qui parcourt cet album. La violence est alors décuplée à en être sublime, la preuve avec ce final où les prédications d'un prêtre se mêlent à des tremolos épiques pour un résultat fiévreux, antireligieux. Car c'est un disque difficile, aussi puissant qu'épuisant, qui demande un grand investissement pour assimiler, et à terme devenir, ce blasphème viscéral, autrement beau.
Tout le paradoxe est là. En crachant sur le céleste, en valorisant l'affreux et le diabolique, Katharsis véhicule une émotion plus vive que la foi solaire, une lumière noire qui nous irradie. Il est une adoration et l'écouter prêcher revient à communier en lui. Alors riez mes frères, RIEZ !
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