Après avoir participé à des projets bien différents, il semblerait que Rune Eriksen se soit en grande partie trouvé dans cette formation d'origine portugaise, laissant de côté le black metal (pour un temps du moins). On pourrait presque regretter son départ de Mayhem dont il faisait partie des principaux compositeurs... si son inspiration n'était pas aussi florissante pour le doom/gothique d'Ava Inferi. En à peine plus de 5 ans, le groupe sort déjà son quatrième album, prolongeant son voyage à travers les paysages torturés d'une musique sans cesse peaufinée, nous montrant à chaque évolution une nouvelle facette de son identité. Et dans cette nouvelle variation sur le thème du désespoir, les portugais excellent une fois de plus.
Sur la forme, peu de changements sont à noter : les bases de leur style restent inchangées, faisant la part belle au chant lyrique de Carmen Simões, toujours aussi impressionnant de puissance et de maturité, ainsi qu'aux guitares écrasantes de Rune Eriksen qui proposent cette fois-ci d'excellents solos. Fidèles à leur héritage, les compositions prennent le temps de distiller leur atmosphère, elles multiplient les oscillations entre douceur et violence sans s'écarter du down-tempo, mais n'en demeurent pas redondantes pour autant. Le travail d'écriture est d'ailleurs impressionnant de richesse et de personnalité ; les mélodies et les lignes de chant possèdent cette singularité qui ne trompe pas. Quant à la production, elle sert à merveille les morceaux, claire et froide à l'image de ce tout... Et on se laisse rapidement prendre au jeu, l'album s'ouvrant sur 3 morceaux absolument magnifiques où Rune pousse même la chansonnette aux côtés de Carmen sur le superbe "The Living End".
La force d'Ava Inferi a toujours résidé dans sa capacité à faire du neuf avec du vieux et à se renouveler sans changer grand chose (ce qui pourrait sembler assez paradoxal, je vous l'accorde). "Onyx" ne sera pas l'exception à la règle puisqu'il apporte autant de renouveau à
"Blood Of Bacchus" que ce dernier apportait à
"The Silhouette". Ce nouvel album continue dans la lignée du précédent, plus varié et plus hétérogène qu'à leur débuts, tout en s'enfonçant plus profondément dans les méandres du doom au détriment du gothique (et ça personne ne s'en plaindra). L'atmosphère s'en ressent dès les premières minutes : sombre, froide, pesante, elle accompagnera l'album presque jusqu'à son dénouement, ne relâchant la pression qu'à partir de l'avant dernier morceau "By Candlelight & Mirrors". Les images que renvoient leur musique ne portent plus le même visage. "Onyx" possède un côté onirique qu'on ne leur connaissait pas, une part d'irréalité parfois cauchemardesque qui tranche radicalement avec les peintures plus naturelles que dessinaient leurs précédentes productions. Difficile de trouver quoique ce soit à reprocher à cette nouvelle offrande. Excepté le fait qu'elle ne fasse qu'amener leur style un peu plus loin (rien de révolutionnaire c'est un fait), tout y est tellement pensé et si bien amené que chaque écoute est une redécouverte. Je n'y ai trouvé aucune faute de goût, aucun temps mort, aucune baisse de régime...
Sans se soucier de ce qui l'entoure, Ava Inferi trace sa route, seul, et signe une fois de plus une oeuvre riche et personnelle, belle et touchante qui vous transportera de bout en bout pour peu que vous vous y abandonniez. Désormais plus doom que gothique, les portugais prennent une direction qui pourrait leur ouvrir les portes d'un public autrefois peut-être gêné par un chant féminin trop typé. Quant à moi, même si l'effet de surprise de
"Blood Of Bacchus" n'est plus, je ne peux m'empêcher d'y revenir depuis qu'il erre à côté de mes platines. Une des meilleures sorties du genre pour l'année en cours, sans aucun doute.
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