Il y a des œuvres qui seront à jamais marquées du sceau de la déception, dont la découverte a été un choc psychologique qu'on donnerait tout pour effacer à jamais, même à coups de pelle. Mais pour que déception il y ait, il faut avoir préalablement fondé un espoir dans ce nouvel essai, et avoir apprécié les précédentes réalisations de l'artiste en question. Certains ayant du mal à comprendre ce concept – et je ne vise pas du tout le petit chauve qui sert de chroniqueur de banalités death metal chez Thrasho – je vais vous citer quelques exemples universels évidents : Alien 3, Terminator 3 et Starship Troopers 2. Bon ok, c'est du cinéma, mais l'analogie est évidente : il n'y a rien de pire que voir ce que l'on a chéri un jour devenir une torture le lendemain. Il y a deux ans, j'évoquais dans ma chronique de
We Are The Nightmare la peur que j'avais à l'écoute de
« We Are The Nightmare », « A Feast For The Liar's Tongue » et « Failure's Conquest » de voir Arsis emprunter cette voie glissante de l'odieuse simplicité et la bassesse de l'accessible, malgré l'évidente qualité de leur troisième album. Le retour de Michael VanDyne derrière les fûts laissait présager d'un retour salvateur au Arsis vivace et aérien des débuts, même si la perte de l'excellent Ryan Knight allait évidemment être difficile à compenser (et puis quitter Arsis pour The Black Dahlia Murder, c'est un peu comme quitter le grand orchestre de Vienne pour la chorale de St Ouen…). C'est dire si j'espérais beaucoup de
Starve For The Devil. Alors quand j'ai entendu pour la première fois ce thrash/death un peu bateau aux guitares appauvries, à mille lieues de ce que j'attendais de la part de Arsis, je me suis dit que James Malone venait de sortir son Mad Max 3.
Si Arsis a toujours eu une base rythmique aux accents thrash jouée par une des deux guitares, l'autre s'est toujours employée à créer une mélodie complexe via les innombrables leads, et même alors la rythmique était souvent évolutive, s'effaçant de temps à autres pour venir broder un merveilleux contrepoint dont les Américains ont le secret. Quiconque a déjà jeté une oreille sur le pur chef d'œuvre qu'est
« A Diamond For Disease » sait de quoi il retourne, et à quel point les compositions à tiroir ultra aériennes de Malone peuvent mettre dans un état second ceux qui comme moi trouvent un solo maîtrisé plus excitant que toutes les Jessica Alba du monde. Et bien
Starve For The Devil piétine allègrement cet héritage, préférant jouer la carte de l'album easy-listening, aux accents plus thrash voire même de temps à autres carrément rock, et délaissant au passage toute la complexité de mélodies qui s'appauvrissent d'autant pour ne guère plus ressembler qu'à un vulgaire pastiche de death mélodique suédois. C'est un peu comme si votre joaillier préféré se reconvertissait du jour au lendemain en garagiste tchécoslovaque spécialiste des carburateurs de Lada : ça fait un choc.
Seuls des titres comme « From Soulless To Shattered (Art In Dying) », « Beyond Forlorn » et « Closer To Cold » surnagent un peu grâce à leur énergie et un refrain suffisamment mélodique pour être accrocheur, mais ils restent tout de même très loin des standards de qualité du groupe. Les autres compositions ne brillent pas vraiment, puisqu'elles consistent généralement en un riff sympa entouré de parties purement bouche-trou parfaitement banales, le plus souvent inspirées du vieux death mélodique suédois. Si vous cherchiez un effort aussi intensément mélodique que les précédents albums du groupe passez votre chemin ! Le seul et unique contrepoint typique de Arsis se trouve sur « Closer To Cold », et il n'est mis en valeur que sur son outro, pendant quelques petites secondes…
Et que dire du break à 2:30 de « Half Past Corpse O'Clock », si ce n'est qu'il est horrible et complètement indigne d'un groupe comme Arsis qui avait jusqu'à présent toujours axé ses compositions sur le duo énergie/mélodie ? « A Pound Of Flesh (For The Hell Of It) », même s'il demeure un titre bonus, est également à compter au rang des essais incompréhensibles qu'effectue le groupe sur ce nouvel album. Et puis, pourquoi, en ayant commandé la version digipack aux USA, me suis-je retrouvé avec ce titre bonus seulement, et pas avec la reprise de « The Lake » du génial King Diamond qui aurait peut être pu sauver à lui seul
Starve For The Devil de mon courroux ?
Pourtant l'identité d'Arsis est toujours présente dans certaines progressions, dans la façon de ponctuer les riffs par une courte montée en tapping/legato, dans les solos ou le phrasé de James Malone. Autant de points qui viennent nous rappeler avec bonheur que les Virginiens forment un groupe définitivement à part, propulsé par leur talent de techniciens hors normes et un sens de la composition qui, s'il s'est un peu perdu en chemin cette fois-ci, arrive quand même à sauver
Starve For The Devil du naufrage total. Même la production, franchement bonne, ne trahit pas l'identité sonore du groupe. Et c'est ce qui me pousse à être encore plus sévère que je ne le devrais avec cet album, puisque Arsis ne livre pas un plantage total mais juste un nouvel opus facile, sans prise de risque, qui se veut volontairement plus accessible et n'en est au final que plus anecdotique, quand il n'est pas soporifique.
Si un autre groupe avait enfanté ce
Starve For The Devil, bien entendu, je m'enthousiasmerais devant les trouvailles mélodiques qui ponctuent certains titres, devant l'énergie de ces riffs qui mélangent habilement le thrash/death à une pointe de death technique, et je m'émerveillerais devant la qualité des solos. Manque de bol, on parle ici du Arsis qui a sorti trois albums dont la maîtrise mélodique, l'énergie et l'intensité sont absolument uniques, qui a enfanté un style à la frontière du death technique, du death mélodique et du thrash/death en épurant ces influences de quasiment tout défaut, un groupe totalement hors normes. Alors voir les Virginiens rentrer dans cette norme assez tiède, c'est la dernière des choses que je voulais entendre. Vivement le prochain album, qui devrait avoir un line-up quasi-identique à
A Celebration Of Guilt et
United In Regret puisque si Michael VanDyne est déjà de retour, c'est l'excellent bassiste Noah Martin qui vient de reprendre le poste qu'il avait quitté tout de suite après la sortie de
We Are The Nightmare. Si ce
Starve For The Devil n'est qu'un faux pas dans la carrière de Arsis on sera tout à fait enclin à oublier cet égarement dans la facilité et la monotonie, et à redonner sa chance à ces talentueux Américains dans un futur proche . Sinon, c'est le début de la fin d'un groupe qui a activement participé au nouvel essor du death technique, et la confirmation ultime que décidément, 2010 aura été une année vraiment pourrie pour la scène death technique à travers le monde…
8 COMMENTAIRE(S)
29/01/2011 18:43
26/01/2011 10:16
26/01/2011 07:42
Déçu vraiment....On est à des années lumières de We are the Nightmare.
26/01/2011 00:47
En espérant qu'Arsis corrige le tir au plus vite, je retourne écouter ses trois excellents premiers albums.
25/01/2011 18:27
25/01/2011 18:19
Je te rejoins sur la plupart des points (moins technique, plus "death mélo" et pourtant moins mélodique, plus rock'n'roll...etc..).
En revanche, un dernier point que tu as oubliais joue énormément aussi selon moi:
La Batterie!!! Que tu adules VanDyne..ok! Il a fait d'énormes boulots sur les précédents opus sur lesquels il a joué, certes...
Mais sur ce dernier album...il aurait mieux fait de pas revenir. Il a un jeu bateau, énergique mais cent fois moins technique et surtout INSPIRÉ/ORIGINAL que Cesca!!
Il participe beaucoup a cette ambiance Rock'n'roll pas terrible..
Bref on se retrouve au prochain
25/01/2011 17:06
25/01/2011 17:00
http://www.youtube.com/watch?v=8jYnXBwjG7k