Le blanc et le noir, l'Alpha et l'Omega... Bien plus explicite dans son titre que le couple "Deliverance / Damnation" d'Opeth, "Alpha Noir / Omega White" reprend un principe similaire à leurs confrères suédois, à savoir la séparation de deux facettes de leur style. Le neuvième album studio de Moonspell est donc un double album et un pari osé, ô combien périlleux : proposer un disque tourné uniquement sur l'aspect extrême de sa musique et un autre uniquement sur son côté calme. Suivant le chemin tracé par son dark metal depuis
"The Antidote" (2003), il faut dire que le groupe n'a pas énormément évolué ces dernières années, ce qui ne lui ressemblait guère. Pas étonnant donc de voir les Portugais se lancer un défi, histoire de ne pas s'encrouter. Une démarche artistique qu'on ne peut que saluer, même si le résultat n'est pas à la hauteur des espérances.
Partie I - Alpha Noir
C'est avec ce qu'il a de plus sombre et violent que Moonspell ouvre le bal. Des deux parties, "Alpha Noir" est la moins surprenante dans la mesure où elle s'inscrit dans la continuité de
"Night Eternal". Légèrement moins gothique et grandiloquent, leur style a conservé toute la puissance et l'agressivité qui faisait le charme de son prédécesseur, avec notamment un Fernando Ribeiro totalement possédé derrière son micro. Ici, le groupe va droit à l'essentiel : les compositions sont simples et courtes, construites autour de deux ou trois gros riffs démoniaques qui vous retournent les cervicales ("Lickanthrope", "Opera Carne", "Axis Mundi", "Grandstand") et qui reposent principalement sur le chant et les murs de guitares. La production également très brute appuie la dureté du propos ; seuls les quelques claviers et arrangements électroniques apportent un peu de liant à l'ensemble, et renforcent la densité sonore et l'impact de certains passages. Dans les ambiances et les mélodies de cette première partie, on retrouve également la touche *latine* des Portugais qui s'effaçait peu à peu depuis
"Memorial". Leur musique reprend alors des couleurs : moins terne, moins froide, c'est sous un soleil écrasant et étouffant que vous passerez ces 40 premières minutes.
Si "Alpha Noir" s'ouvre sur deux pavés ("Axis Mundi" et "Lickanthrope"), le soufflet retombe légèrement par la suite tout en restant correct. Pas de faux pas à signaler, le quintette nous délivre 8 bons titres directs et efficaces (l'instrumentale "Sine Missione" n'ayant que peu d'intérêt). C'est plus par excès de classicisme que les Portugais pèchent ici : on aurait pu espérer plus d'audace, plus de prises de risque, voire pourquoi pas quelques surprises. Quoiqu'il en soit, il serait dommage de bouder le plaisir que procure "Alpha Noir" : du Moonspell pur jus certes, mais de qualité.
Note : 7.5/10
Partie II - Omega White
Aussi étrange que cela puisse paraître, c'est d'"Omega White", leur visage gothique que viendra la surprise. Contrairement au classique "Alpha Noir", cette partie s'apparente à un véritablement bouleversement de leur style plus *soft*. Evolution ? Régression ? Je vous laisserai choisir le terme approprié ; en ce qui me concerne, la découverte de ces 8 titres fut une véritable douche froide. Après toutes ces années, toutes ces expérimentations, je n'aurais jamais pu imaginer que Moonspell en viendrait à nous délivrer un vulgaire metal gothique de seconde zone comme la scène allemande sait en produire. Rythmiques bateaux, refrains miteux, coeurs féminins ultra clichés, on prend cher sur la moitié de cette partie : qu'est-ce qui a bien pu leur passer par la tête en composant "White Skies", "New Tears Eve", "Herodisiac" ou "Incantatrix" ? Est-ce une commande de leur nouveau label Napalm Records ? Cela me semble l'explication la plus rationnelle tant les Portugais parviennent parfois à s'aligner sur les pires production de la firme autrichienne.
Depuis 10 ans, Moonspell n'est plus ce groupe subversif et irrévérencieux qu'il était autrefois. Pourtant il y avait de l'idée dans l'ensemble et l'ouverture "White Omega" portait plein de promesses. La naïveté des mélodies, du chant de Fernando, et le travail des guitares acoustiques ont quelque chose de séduisant qui fonctionne bien dans ce contexte, même sur un titre aussi niais que "Fireseason". On ne peut que regretter ce retour à un style plus consensuel mais il reste encore beaucoup de grâce dans leur musique qui pourrait faire la différence à l'avenir, si le groupe décide de continuer dans la direction d'un "White Omega", "Fireseason" ou "Sacrificial". La conclusion de toute beauté "A Greater Darkness", en est l'illustration parfaite, dans un registre plus doom atmosphérique que n'auraient pas reniés les italiens de The Foreshadowing.
Note : 5.5/10
Au final, l'idée était bonne mais je doute qu'elle aurait pu aboutir à un résultat satisfaisant. On aime souvent une formation pour la pluralité de son style et non pour une seule de ces caractéristiques. Ainsi, vouloir séparer le jaune de son blanc nous donne une préparation soit trop salée, soit trop fade. Au lieu d'une pièce aboutie comme
"Night Eternal", on se retrouve avec deux albums auxquels il manque un petit quelque chose pour que la sauce prenne, 80 minutes de musique dont on aurait pu extraire uniquement les 50 meilleures. Moonspell a peut-être été un peu trop gourmand sur ce coup-ci. Dommage.
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