Moonspell fait partie de ces formations qui me sont infiniment chères, celles qui m'ont fait découvrir le metal. Il y a bientôt 20 ans sortait un certain "Sin/Pecado" et encore aujourd'hui, je trépigne d'impatience à l'idée d'entendre ce que nous ont réservé les Portugais. Renouant avec la violence depuis
"The Antidote" (2003), le quintette s'était jusqu'à maintenant efforcé de peaufiner son style, à défaut d'expérimenter ; on sentait d'ailleurs le groupe stagner sur un "Alpha Noir" aussi bon que prévisible, un adjectif qui fait bizarre à entendre dans une chronique d'une de leurs oeuvres. Aux côtés de leur cuvée 2012 se tenait aussi "Omega White" (en hommage à Peter Steele), une autre facette de leur personnalité, plus calme, plus gothique et plus proche de leur période 1997-2001. Cela faisait bien longtemps que l'on n'avait pas entendu ce Moonspell. Cela faisait également bien longtemps que l'on n'avait pas entendu un Moonspell aussi creux, loin de la subversion d'un "Sin/Pecado" ou de la puissance émotionnelle d'un
"Darkness and Hope". Vers quoi allaient-ils se tourner après ce double album inégal aux univers totalement différents ? Je ne m'attendais pas à cette réponse en tous cas.
Tenter autre chose, une évidence pour moi tant "Alpha Noir", malgré ses qualité intrinsèques, sentait le réchauffé ; l'expression brute de sa rage épuisée, Moonspell se devait d'avancer. Habitué aux contre-pied artistiques, on pouvait donc espérer quelque chose de vraiment différent. Mais il semblerait que nos Portugais accusent les années et aient laissé l'audace de la jeunesse derrière eux pour revivre leur passé. Ainsi, ce dixième album (ou onzième si vous comptez
"Under Satanae") pioche dans les différentes composantes de leur discographie pour créer une musique à deux visages, parfois froide et incisive, le plus souvent d'un calme relatif où Fernando peut de nouveau s'exprimer en chant clair. Entre le feeling rock et diffus de
"Darkness and Hope" et la grandiloquence de
"Night Eternal", "Extinct" joue sur les contrastes et les orchestrations pour se donner de l'intérêt. Ces instrumentations justement sont la seule chose qui étonnent sur cet album, par leur omniprésence et leur importance, prenant régulièrement le pas sur les guitares. Faisant autrefois figure d'accompagnement, elles s'imposent ici en tant que véritable pilier de leur style et remplissent entièrement l'espace laissé vide par le reste. Moins frontales et monolithiques, les guitares quant à elles se détachent pour offrir plus de mélodies, de leads et surtout de solos, une composante dans laquelle le groupe a toujours excellé. Ajoutez à cela un Fernando au mieux de sa forme aussi bien en chant clair que dans ses hurlements démoniaques et vous obtenez un tout qui se tient, du moins sur le papier.
Malheureusement, "Extinct" porte bien son nom. Passé un début relativement correct, entre les puissants deux premiers titres et le surprenant "Medusalem" aux sonorités moyen-orientales, il s'embourbe au fil du temps dans un amas de compositions plates, voire ennuyeuses où seules les prouesses guitaristiques parviennent à élever le débat. En écoutant, on espère, on espère encore mais malgré leurs efforts pour varier les exercices, les Portugais ne parviendront jamais à faire décoller leur album. Il faut attendre la conclusion "La Baphomette" pour retrouver un peu d'espoir : Fernando qui chante en français sur un délire théâtral et burlesque, voilà qui réveille les sens. Dommage que les expérimentations s'arrêtent là car j'aurais largement préféré entendre ce Moonspell sortant des sentiers battus (quitte à le détester) plutôt qu'un album qui laisse indifférent. En définitive, ni bon, ni mauvais, "Extinct" ne fera pas date dans une discographie qui commence sérieusement à s’essouffler, à l'image de ce triste artwork d'un Seth en roues libres. Et le plus inquiétant dans tout ça, ce n'est pas tant cette déception, c'est ce sentiment grandissant d'être face à un groupe dont la flamme ne brûle plus, naviguant sans âme ni passion. J'espère que l'avenir me donnera tord.
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