Mitochondrion - Parasignosis
Chronique
Mitochondrion Parasignosis
Un bon disque, c’est comme un bon vin : ça se savoure, ça se laisse murir, il faut regarder sa robe, le comparer, le garder un certain temps en bouche avant d’en capter réellement les arômes. Ainsi, à la manière d’un beaujolais nouveau, c’est en cette première moitié d’année 2012 (c’est limite mais ça passe) que je vais vous parler d’un des fruits les plus savoureux que la récolte de l’an passé m’ait révélé. Aux côtés d’un certain The Destroyers Of All, ce deuxième méfait des Canadiens de Mitochondrion a été un des premiers disques de la nouvelle année sur lesquels je me suis penché et à l’instar de son homologue australien, il a admirablement su tenir l’épreuve du temps et aurait à coup sûr eu sa place parmi mes meilleures découvertes de 2011 si j’eusse été un chroniqueur un peu plus rapide à la détente.
Bien que n’ayant pas encore eu l’occasion de poser une oreille sur le précédent essai de la formation, les éléments de comparaison ne manquent pas puisque celle ci évolue dans ce genre de death metal torturé et chaotique que certains se sont déjà lancés à appeler « post death metal », qui s’est lentement mais sûrement marginalisé ses dernières années. Décrié par les uns comme mouvance de hipster, d’autant que le label Profound Lore qui promeut notre trio semble s’être attiré les foudres des plus puristes d’entre nous, il faut toutefois avouer que cette nouvelle tendance apporte un peu d’air frais à un genre qui à souvent tendance à trop regarder vers le passé. Enfin, « air frais » c’est vite dit car la musique de Mitochondrion est aussi aérienne que celle de Silencer peut être euphorique.
Quelque part entre les dissonances et la noirceur de Immolation ou Portal, la granulosité d’un Demilich et rappelant bien souvent ses compatriotes d’Antediluvian s’étant illustrés cette même année, le death metal du trio a incontestablement plus à voir avec la science occulte que la biologie cellulaire. En atteste le premier volet du triptyque "Pestilentiam Intus Vocamus, Voluntatem Absolvimus" qui en plus de porter un sobriquet difficilement mémorisable, attaque sans préambule (les borborygmes ça ne compte pas) et donne d’emblée le ton qui ne changera que rarement de hauteur : bas, très bas, six pieds sous terre même. S’appuyant sur l’équation batteur hyperactif, chant guttural aussi profond qu’un déficit budgétaire et riffs transpirants l’insanité mentale qui frappent de tout les côtés, il faut lire vite pour avoir le temps de connaître le nom du titre complet avant d’être entrainé sans courtoisie dans l’atmosphère tombale et suffocante qui règne sur tout l’opus de nos trois Canadiens.
Bien que découpé en onze morceaux, ce Parasignosis est un monolithe dont il est difficile de tirer un morceau plutôt qu’un autre, le vice à même été poussé par ses protagonistes jusqu’à faire disparaître toute coupure entre deux titres. Il est d’autant plus difficile pour l’auditeur de s’y retrouver que le groupe s’est appliqué à retourner dans tout les sens et complexifier de toutes parts les structures de ses morceaux. Même après des écoutes acharnées, on se perd rapidement dans ce véritable labyrinthe sonore méticuleusement construit et déconstruit. Les plus masochistes (dont je fais à moitié partie) y verront justement tout l’intérêt du disque, car il faut le dire, s’égarer dans ce puits de matière brute opaque et malodorante est un vrai plaisir, mais les autres (dont je fais à moitié partie aussi) regretteront par ailleurs une longueur et un manque de variations qui ont vite fait de rendre la galette rébarbative si l’on décide de se l’enfiler d’une traite. Le groupe se laisse pourtant aller à baisser l’intensité d’un bon cran en fin d’album avec "Kathenotheism" et cette dernière longue plage ambiante non nommée où réverbérations, bandonéon et autres bizarreries sonores sont de sortie, mais après quarante-cinq minutes aussi denses que celles-ci, on a plutôt envie de s’écouter un disque d’Augustus Pablo histoire de compenser que de laisser traîner ses esgourdes sur dix minutes bruitistes qui n’ont au final pas grand intérêt.
Quoi qu’il en soit, s’étirant sur la longueur ou non, le deuxième opus de Mitochondrion est une réussite indéniable, prouvant une fois de plus que niveau noirceur le death metal peut ne rien avoir à envier au black metal lorsqu’on prend la peine d’y insuffler une telle ambiance. Et pour en finir, reprenons le champ lexical œnologique du premier paragraphe et affirmons donc que ce Parasignosis est à compter parmi les plus grands crus de 2011, un millésime qui s’est avéré au final loin d’être si mauvais que ça et qui annonce même quelques beaux jours pour les amateurs de noirceur et d’insanité musicale.
| Squirk 16 Juin 2012 - 2947 lectures |
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