Le Stoner Rock n'est certainement pas le genre le plus représenté sur Thrashocore. Nous allons tenter d'y remédier en nous intéressant aujourd'hui à un groupe californien du nom de Kyuss. Formé à la fin des années 80 par trois amis d'enfance (John Garcia, Josh Homme et Brant Bjork) originaire de Palm Desert, le groupe évolue d'abord sous le nom de Katzenjammer avant de rapidement se renommer les Sons Of Kyuss en référence à une créature de Donjons et Dragons. Après avoir écumé de nombreuses "generator parties" (fêtes ayant lieu dans le désert), le groupe sort en 1990 un premier EP suivi l'année d'après (cette fois sous le nom de Kyuss) par un premier album qui sera malheureusement un échec commercial. C'est grâce à l'album suivant, l'excellent
Blues For The Red Sun que Kyuss se voit proposer de grandes opportunités. La première, une tournée en première partie de Metallica. La seconde, une signature sur le label Elektra sur lequel sortiront les albums
Kyuss (Welcome To Sky Valley) en 1994 et
...And The Circus Leaves Town en 1995. Pourtant bien lancé, la carrière du groupe touchera à sa fin quelques mois plus tard suite à de nombreuses divergences entre les membres du groupe. La suite, vous la connaissez à peu près, Josh Homme ira fonder Queens Of The Stone Age, John Garcia s'investira avec Unida, Slo Burn et surtout Hermano alors que Brant Bjork ira grossir temporairement les rangs de Fu Manchu.
Bref, après cette synthèse de ce que l'on peut déjà retrouver sur Wikipedia, venons-en concrètement à ce qui nous intéresse ici, l'album
...And The Circus Leaves Town. Pourquoi s'intéresser à celui-ci en particulier? Tout simplement parce que c'est le premier album du groupe sur lequel j'ai posé mes oreilles, à peu près à l'époque de sa sortie. Phénomène d'attraction/répulsion, je me souviens avoir éprouvé quelques difficultés à me laisser complètement séduire par cet album qui marquait aussi pour moi la découverte du Stoner Rock. Répulsion car à l'époque j'étais jeune et forcément plus enclin à apprécier une musique directe et concise à l'immédiateté évidente plutôt qu'une musique comme celle de Kyuss qui n'hésite pas à tourner autour du pot et à s'étirer sur des formats moins académiques. Attraction car la musique de Kyuss se montre tout de même assez facile d'accès de part son côté rock hyper catchy (mélodie, chant, groove etc...) et pouvait être rapprochée à l'époque d'un autre mouvement majeur des années 90, le Grunge. En fan invétéré d'Alice In Chains, Nirvana, Soundgarden et Pearl Jam, la musique de Kyuss ne manquait pas d'arguments pour me convaincre.
Pourtant,
...And The Circus Leaves Town est probablement l'album le plus immédiat et direct de Kyuss. Pour preuve, cette ouverture sur les chapeaux de roue avec le très incisif "Hurricane" qui, comme beaucoup de choses sur cet album porte définitivement bien son nom. Une déferlante de lourdeur accompagnée d'un groove déjà irrésistible (merci Alfredo Hernandez) et d'une voix de velours. Les riffs de Josh Homme, d'une simplicité déconcertante, ne cessent de faire le yo-yo, montant et descendant sans cesse. La première franche réussite de cet album succède alors à ce premier titre d'une efficacité pourtant exemplaire. Avec "One Inch Man", Kyuss commence son travail d'hypnose, jouant sa musique d'une façon hyper répétitive entrecoupée de quelques soubresauts saturés du meilleur effet. Tout y est parfait, l'ambiance désertique et hallucinatoire, les soli emprunts d'un certain feeling bluesy (1:54 et 2:39), la batterie hypnotique, la basse envoutante, la montée en pression prenant fin à 2:29... Comme déjà lassé de chanter, John Garcia s'éclipse le temps d'un "Thee Ol' Boozeroony" absolument impeccable, sentant l'huile et le sable chaud avant de revenir pour un "Gloria Lewis" tout en retenu qui n'hésite pas à le mettre en arrière plan lorsque celui-ci hausse le ton. Subtil comme la caresse d'un vent chaud sur le visage. Une brise qui se poursuit et tend même à s'intensifier sur l'hypnotique et irrésistible "Phototropic". Un feeling et un groove incroyable! L'invitation au voyage est immédiate et résonne dès que la basse de Scott Reeder se met à dialoguer avec la batterie d'Alfredo Hernández, doublé en arrière plan par la guitare de Josh Homme. Un exercice à vous donner la chair de poule et qui n'est pas sans me rappeler un certain "Planet Caravan" de vous savez qui. Après une première partie instrumentale déjà hallucinante, John Garcia s'invite comme pour sublimer ce titre de sa voix chaude et envoutante. S'en suit un "El Rodeo" efficace et sur lequel je n'ai aucune critique à apporter mais qui, forcément après le titre "Phototropic" paraît légèrement plus fade. Une vue de l'esprit, rien de plus car la qualité ne baisse pourtant pas d'un iota. Vient ensuite le deuxième titre instrumental de l'album, "Jumbo Blimp Jumbo". Plus développé que "Thee Ol' Boozeroony", je le trouve cependant moins intéressant dans l'ensemble. La faute à un groove et à un feeling peut-être moins immédiat. Avec "Tangy Zizzle", Kyuss renoue avec l'efficacité directe et incisive d'un "Hurricane". La rythmique est lourde et plombée, ça joue avec énergie et Garcia s'acquitte probablement de ses plus hautes envolées. Malheureusement la fin de ce titre est aussi subite que le plaisir est immédiat. Dommage, d'autant qu'il laisse la place au morceau le moins bon de cet album, "Size Queen" et sa rythmique cocotte Reggae sur lequel, avouons-le, il ne se passe pas grand chose. Hommage à Yawning Man, groupe influent de la scène Rock de Palm Desert (dans lequel à joué Alfredo Hernández), Kyuss reprend ici le titre "Catamaran". Un soupçon de fraicheur marine et de légèreté avant d'attaquer l'un des meilleurs morceaux de l'album, une pièce maitresse de plus de onze minutes synthétisant assez bien tout ce que représente Kyuss et le Stoner Rock en général. On peut découper ce morceau en trois parties bien distinctes. Une première hyper catchy et pleine de groove allant jusqu'à 3:43 sur laquelle Kyuss se fend d'un premier solo déjà fort enthousiasmant à 2:20. Une deuxième allant jusqu'à 6:08 plus en retenue, plus posée et enfin une troisième partie montant en pression jusqu'à l'explosion orgasmique matérialisé par cet incroyable solo débutant à 8:46 que je pourrais m'enfiler pendant des heures entières tellement je le trouve envoutant. Kyuss à absolument tout compris au rock'n'roll et nous le fait savoir avec une classe et une maîtrise irréprochable. Épique. Et puis le silence. Le silence pendant plusieurs minutes jusqu'à ce titre caché, "Day One", dédicacé à Dave Grohl et Krist Novoselic suite au suicide de Kurt Cobain (je fais ici volontairement l'impasse sur le court "M'deea").
...And The Circus Leaves Town, un album qui porte bien son nom. Le chant du cygne pour un groupe qui avait encore sûrement pas mal de choses à dire mais qui a préféré se séparer pour laisser chacun de ses membres s'attacher à d'autres projets qui, dans leur ensemble se sont tous montrés particulièrement digne d'intérêt. Il est toutefois dommage de constater comment trois amis d'enfance se déchirent maintenant depuis quelques années au sujet des droits relatifs à l'entité qu'était Kyuss. M'enfin, business is business comme ont dit. Toujours est-il que ce dernier album est peut-être le meilleur de leur courte discographie avec
Kyuss (Welcome To The Sky Valley). Un album qui transpire le groove et la maitrise, servit par une production particulièrement lourde et plombante. Un album au feeling envoutant et hypnotique, transportant l'auditeur dans cet imaginaire c'est construit autour du Stoner Rock. Un album chaud, puissant, capable de vous transporter. Bref, un album tout simplement incontournable.
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