Et dire que le même jour, vous aviez fait main basse sur trois pierres angulaires du death metal pour une poignée de francs. Clovis ? Les grandes invasions ? Oui, c’était avant que l’euro ne débarque dans nos portefeuilles. Une ère lointaine où les achats à l’aveugle étaient monnaie courante, où le disquaire itinérant qui vous faisait sécher les cours de géo du vendredi avait des actions chez Earache . CARCASS et son « Necroticism » à la pochette aguicheuse. « Human » de DEATH ? Hésitation avec « The IV Crusade » de BOLT THROWER mais comme vous étiez à dix centimes près, Chuck Schuldiner avait emporté le bout de gras. Quant à OBITUARY et son « Cause Of Death », dans la mesure où vous aviez croisé dix personnes affublées du même logo rouge sanguinolent au bahut, ça fleurait bon la valeur sûre.
« Hé mec ! Tu savais que la cover de Michael Whelan a failli servir pour illustrer le troisième SEPULTURA, « Beneath The Remains » ? » avait relancé le forain en rangeant ses vinyles de DESTRUCTION. Ah le margoulin ! Prêt à tout pour refourguer de la bonne came, mais les accents tribaux de « Chaos A.D. » vous avaient quelque peu refroidi. C’est qu’à l’époque, vous vouliez du vieux son, du old school. Estampillé Scott Burns, de préférence. Ça tombait bien puisqu’après un premier full length vengeur aux accents thrash bien prononcés, les floridiens allaient remettre le couvert avec le producteur de « From Beyond » et « World Downfall ». Du changement dans la continuité ? Pas qu’un peu, puisqu’au-delà des premiers soubresauts de line-up, ce monument du death de la première heure allait propulser OBITUARY du rang de suiveurs deuxième génération à celui de patrons. Exit le bassiste Daniel Tucker et ce bon vieux branleur d’Allen West, qui aurait l’occasion de nous resservir dès
« The End Complete » le sempiternel solo de gratte, à deux notes près. Frank Watkins et surtout James Murphy (ex-DEATH, actuel CANCER et futur TESTAMENT) rejoignent donc les rangs d’un combo délaissant la fougue des années Xecutioner pour payer son tribut à CELTIC FROST. La reprise de « Circle Of The Tyrant », à laquelle un certain OPETH se frottera par la suite, n’a donc rien d’anecdotique. Au-delà de l’excellence de leur réinterprétation, les Américains vont s’engouffrer dans la brèche d’un death metal faisant la part belle aux ralentissements doom, caractéristique d’un style qu’ils se plairont à perpétrer jusqu’à l’écœurement (la saucisse
« Darkest Day », entre autres mets faisandés).
Mais trêve de projections sur l’évolution peu glorieuse du groupe des frères Tardy. Vous n’avez pas encore votre Bac et Internet n’est encore qu’un concept abscons, qui vous vaut d’écouter au moins cent cinquante fois chaque album acheté. Oui, même l’éponyme de JACKYL et ses absurdes solis de tronçonneuse. Alors dès les premières mesures de la rampante « Infected », vous vous prosternez. A genoux devant John Tardy, définitivement passé de l’autre côté après les accès de démence déjà bien sévères de
« Slowly We Rot ». Délicieusement vomitives, aussi joyeusement repoussantes que l’atroce patchwork de « Symphonies Of Sickness », ses interventions n’ont pas fini de faire frémir dans les chaumières (William Friedkin likes this !), dans un jeu de contraste subjuguant avec les parties lumineuses de James Murphy. Des leads vénéneuses à souhait, qui élèvent à elles seules un très solide album de death metal au panthéon des meilleurs représentants du genre (raaah, cette séquence de tapping démoniaque à 3 :35 sur « Turned Inside Out » !). Car au-delà de l’insolente maîtrise de leur intérimaire de luxe, les morceaux de bravoure s’enchaînent tout au long de ces 41 minutes de déliquescence métallique : plus posées, moins frénétiques que celles de
« Slowly We Rot », les huit nouvelles compositions font la part belle aux ambiances lugubres et se parent d’une vraie gueule d’atmosphère (les deux sombres extrémités de l’opening track, le break central de « Dying », petite perle de noirceur à la limite de l'instrumental). Le tempo ralentit au rythme des battements de cœur de l’encocooné de la pochette, saisi et pas qu’à moitié (faut vraiment vous refaire les premières mesures mythiques de « Chopped In Half » ?) par les nombreuses accélérations en forme de chausse-trappes : avec « Find The Arise » (paye ton attaque cardiaque au démarrage !) et « Body Bag », il y a largement de quoi noircir les feuillets de la presse internationale, rubrique nécrologie
of course. Pour le reste, la simplicité du fond de jeu de la section rythmique n’empêche pas Donald de dérouler un confortable tapis (rouge) de double pédale et son compère Trevor Peres (CATASTROPHIC) d’enchaîner les riffs de première main (« Cause Of Death », « Body Bag », « Turned Inside Out »).
Magnifié par un six-cordiste en état de grâce, « Cause Of Death » reste le seul skeud d’OBITUARY dont on n’ait toujours pas fait le tour plus de vingt ans après. La raison ? Des titres à la durée générique mais qui en paraissent facilement le double, vu l’incroyable lourdeur de certaines séquences. Conséquence appréciable, on a beau avoir remis le couvert 666 fois, toujours pas moyen d’anticiper certaines parties de chute libre (« Memories Remain », qui donne envie de tenter le coma artificiel) ou solis surgissant des ténèbres sans crier gare. Régulièrement massacrés en live (un peu comme SEPULTURA avec les morceaux de « Arise »), les meilleurs extraits de « Cause Of Death » témoignent d’une dimension progressive totalement absente du reste de leur catalogue.Tout l’inverse, au fond, d’un
« The End Complete » efficace mais on ne peut plus prévisible, qui verra le groupe s’enferrer dans une logique d’épure de ses fondamentaux. Plus proche définition sonore que l’on puisse faire d’un cauchemar éveillé, « Cause Of Death » trouve donc une place à part dans la discographie des floridiens, au point que même les allergiques au death mid tempo basique des opus suivants
(« World Demise » mis à part) seraient bien inspirés de tenter l’aventure.
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