Le succès démesuré remporté à sa sortie par “The End Complete”, troisième full length des pères la lourdeur John et Donald Tardy, résume à lui seul l'incroyable engouement suscité par le death metal au début des années quatre vingt dix : 250 000 exemplaires vendus à travers le monde pour ce qui ne restera au final qu'un bon album des floridiens, ça calme ! Et la question à deux chicots trois vertèbres qui s'en suit logiquement, pourquoi celui là et pas les intrinsèquement supérieurs
« Slowly We Rot » et
« Cause Of Death » ? La réponse tient peut être dans le très grand classicisme de cet opus, qui a permis au groupe d'affirmer définitivement son style auprès d'un public qui n'en demandait probablement pas plus. Il n'y avait qu'à voir la tronche, deux ans plus tard, de ceux qui ont découvert l'orientation tribale de
« World Demise » pour s'en convaincre !
C'est pas mal, mais c'est pas du OBITUARY était le reproche le plus souvent adressé par les aficionados en des temps où le vent commençait pourtant sérieusement à tourner, le marché se trouvant vite à saturation, submergé par pléthore de formations indignes de hisser aussi haut l'étendard de la cause death.
C'est pas mal, mais c'est du OBITUARY pur jus pourrait-on répliquer à ceux qui se sont jeté à l'époque sur « The End Complete », comme des goules décérébrées en quête de chair fraîche. En choisissant d'affiner la formule déjà bien rôdée sur un
« Cause Of Death » musicalement plus ambitieux, James Murphy oblige, les frères Tardy livrent donc un mètre étalon dont ils useront abusivement par la suite, notamment après une reformation pas des plus heureuse. « The End Complete » ? Basiquement, du death thrash bien sec qui frappe aux articulations (la production aride signée Scott Burns), dont la course en avant se trouve régulièrement entravée par des tourbières putrides sentant fort la déférence à CELTIC FROST, influence déclarée des américains. La réintégration réussie d'Allen West –
soyons clairs, il sauve presque à lui tout seul « The End Complete » de la monotonie – ne fait pas oublier les prouesses lead de son prédécesseur mais bizarrement, j'ai toujours trouvé son jeu bien plus adapté à OBITUARY que celui de Murphy. Ses interventions tour à tour concises, lumineuses et nerveuses, les hurlements proférés par une six cordes traversant l'espace comme un rapace fauché en plein vol sont caractéristiques du style OBITUARY et tous les Ralph Santolla du monde, aussi talentueux soient-ils, n'y pourront jamais rien !
A l'honneur sur tous les passages rapides de l'opus, West fait même des merveilles sur un titre comme « Dead Silence », dont la montée en puissance malsaine reste un modèle du genre. Pourquoi diable n'interprètent-ils jamais pareille pièce maîtresse sur scène alors qu'ils calquent toutes leurs compos sur le même canevas, en nettement moins bien depuis huit ans ? Plus ou moins du même niveau, la première moitié de « The End Complete » s'avère tout de même très satisfaisante, de la désespérée « In The End Of Life » à cette gorge nouée par la peur de se faire dépecer dans un coin sombre de la Louisiane qu'est « I'm In Pain ». Le jeu très percutant de Donald Tardy y participe grandement, à grand renfort de frappes très sèches -
en football, on parlerait volontiers d'attaques placées tellement le futur batteur d'ANDREW WK ( !!!) lance idéalement chaque offensive meurtrière – qui transforment « Sickness » en abattoir pour cervicales. La suite, à compter de la lourdingue « Corrosive », traîne considérablement en longueur malgré la courte durée des débats. Ralentissement du tempo, redondance de plans et inévitable sensation de redite, même s'il ne s'agit que du troisième méfait d'un groupe qui fera bien pire avec l'interminable
« Darkest Days ». La prestation de John Tardy, elle, est loin d'être transcendante, le chanteur semblant régulièrement gagné par le manque de puissance de la production. Pour autant, « The End Complete » est loin d'être mauvais (réécoutez donc un peu « Back To One » pour voir !) et l'incapacité prolongée des américains à retrouver leur niveau d'antan éclaire d'un jour moins sombre ce petit classique dont on a encore du mal à expliquer le carton qu'il a fait à l'époque.
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