Il arrive parfois d’être un peu lassée à l’écoute trop répétée de musique extrême avec cette sensation de suffocation parmi ces myriades de sorties et les éclosions toujours plus nombreuses de nouvelles entités. Mais au milieu de cette masse surgit toujours un obscur groupe ou one-man band – c’est le cas ici – qui va agir telle une douce brise portant en son souffle renouveau et fraîcheur, tel
Murmuüre, dont le nom provient de l’ « Ars Goetia », avec son intemporel album éponyme sorti en 2010 via le label Cold Void Emanations.
Sans même une demo ou un EP cette formation Française, dont le seul maître à bord est F., fait son entrée en scène avec ce premier long format basé sur une improvisation d’une heure à la guitare. Ce touche à tout va donc sélectionner les parties les plus intéressantes et tisser tout un univers autour de cette ossature par l’ajout de batterie programmée et live mais aussi de nombreux samples, sons électroniques ainsi que les vocaux enregistrés à l’aide d’un mini disque enregistreur lors d’une transe cathartique en pleine forêt. Le résultat : une musique très personnelle, racée, spontanée qui offre au lectorat un voyage unique vers de très lointaines contrées à commencer par la poignante « Primo Vere » faisant référence à la fois au Printemps et à la section du même nom des
Carmina Burana de Carl Orff avec notamment le sample faisant office d’ouverture tiré de « Veris Leta Facies ».
Ce titre qui débute de façon lumineuse avec des sonorités très exotiques nous renvoie aux prémices du printemps avec ces couleurs chaudes, rutilantes et chatoyantes. Mais cette vision onirique va rapidement se troubler pour s’estomper complètement par l’apparition de sons plus modernes, froids et dissonants qui vont s’intensifier au fil de ces 4 :58 minutes couplés à des cris inhumains.
Des cris qui se feront rares durant tout le reste de l’opus, les ambiances étant la pierre angulaire de cette œuvre comme en témoigne le morceau suivant « Reincarnate » aux accents très droniens.
Murmuüre est un OVNI dans cette scène Black Metal et il est difficile, voire impossible, de les ranger ou comparer à d’autres formations. Peut-être discernerez-vous un soupçon d’
Agalloch pour le côté nature très présent dans cet album, ainsi qu’une bonne pincée de
Deathspell Omega et
Blut Aus Nord pour la dissonance avec, pour finir, une cuillerée de
Menace Ruine. Toutefois, d’autres influences se font sentir tel le truculent groupe Anglais de Nawak Music
Coil de plus, à l’écoute de ce « Reincarnate » il est difficile de ne pas penser à
Sunn O))).
Concernant les thèmes abordés le cycle des saisons ainsi que plus globalement le cycle de la vie reviendront très souvent au même titre que la Mort. Toutefois F. évite les clichés ne versant pas dans le pathos et offrant une musique variée mais aussi complexe, traversée par moult émotions avec un côté très organique et ritualiste. On ne pourra que saluer le sample issu de la bande originale de ce chef d’œuvre qu’est The Wicker Man sur la cristalline et mystérieuse « Torch Bearer », un titre tout en finesse qui vous bercera et vous transportera loin, très loin vers l’au-delà.
Et « Amethyst » viendra enfoncer le clou avec une montée en puissance qui fera parcourir votre échine de délicieux frissons avant le déferlement de fureur, accompagné de hurlements, qui reste toutefois amoindri par le mid-tempo ainsi que les petites touches électroniques qui viennent adoucir l’ensemble.
Cet opus file à vive allure et vous ne cessez de vous y raccrocher tout comme Alice courant après le lapin blanc, vous espérez saisir les moindres subtilités et connaître le fin mot de l’histoire, mais 29 :03 minutes c’est court, bien trop court même. Vous êtes comme des enfants hébétés et désappointés le regard perdu et suppliant demandant une suite, autre chose. Car vous ne pourrez sortir indemne après l’écoute des deux derniers morceaux de l’album et notamment la pièce maîtresse qu’est « L’Adieu Au Soleil ». La musique est toujours minimaliste mais dense et torturée avec ces petits tintements toujours présents qui vous renvoient à des gouttes d’eau coulant une à une des stalactites et que l’on retrouve aussi sur « Disincarnate ». F. offre ici une palette d’émotions plus large avec ce son de guitare dissonant au possible, tout en fureur ainsi que frustration contenue, un tempo qui va monter crescendo atteignant son apogée vers la deuxième minute avec l’apparition de la batterie qui donnera un semblant de rythme, avant de s’éclipser et laisser de nouveau place aux sonorités électroniques et à la confusion.
Après avoir célébré « L’Adieu Au Soleil » avec un dernier tintement de cloches vient la plus « roots » et féérique « Disincarnate » toujours accompagnée par les bourdonnements d’insectes. Un dernier morceau à la fois éthéré et sibyllin qui agit sur vous tel un enchantement dès les premières notes et ce malgré le côté angoissant qui s’insinue sournoisement au fil du titre. Une belle conclusion pour un fabuleux premier album très homogène, fluide, avant-gardiste et d’une grande classe qui étonne par sa maturité et ce travail d’orfèvre effectué tant sur la forme que sur le fond.
Que peut-on attendre de F. après une telle pépite ? Une suite est-elle envisageable ?
Murmuüre sera-t-il le groupe d’un seul album ? Autant de questions qui restent en suspens…
Et inutile de vous dire qu’avec seulement 100 cassettes, 500 CDs ainsi que 500 vinyles en circulation, et vu l’engouement suscité par la formation à la sortie de cet opus, ils sont tous épuisés ou à des prix exorbitants sur la toile ! Pour l’heure, il ne vous reste plus qu’à aller à cette adresse :
http://murmuure.bandcamp.com/.
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