Salut, ça va ? Je t'ai manqué ? Ouais, je sais, c'est la vie, toutes les bonnes choses ont une fin, et si tu as ressenti ce terrible manque ces derniers mois en venant dans les parages, c'est parce que tu n'as pas eu ta dose de death technique, brutal ou pas. Que veux-tu, c'est la vie, on évolue, et les gens changent de priorités comme de sous-vêtements – la corrélation est vérifiable, regardez les punks à chien. Depuis que j'ai quitté Thrasho j'ai eu tout le loisir de ne pas profiter des nouveautés en matière de death metal, puisque rien ou presque d'un tant soit peu marquant n'est sorti depuis plus d'un an, à peine un Lvcifyre par-ci et un Decaying Purity par là, bref rien de follement brutal ni de follement intéressant. Du coup quand il faut chroniquer le nouvel album de la figure de proue du brutal death technique, qui appelle t-on à la rescousse ? Oui, moi, le héraut du genre et le héros de ton cœur, qui... Ouais, non j'arrête, j'arrive pas à vous tutoyer, et ce mode familier est tellement vulgaire que seul Ikea ose encore l'utiliser. Je sors donc très provisoirement de ma retraite, estimés lecteurs, parce que personne d'autre n'a envie dans cette abondante rédaction thrashocorienne de s'occuper du nouvel album d'Origin. Et pour tout vous dire, maintenant que je l'ai écouté, moi non plus.
Comme tout le monde ou presque, j'ai été salement refroidi par le soporifique « Manifest Desolate », un titre aussi mou du genou que son riffing est inintéressant (non, je suis médisant, y a une montée chromatique au milieu, quelle prise de risque !). Et alors que « The Absurdity Of What I Am » rassurait un peu, j'obtenais le promo en vue de rédiger l'interview que vous pouvez lire en même temps que cette critique. Premier constat : certes « Manifeste Desolate » est bien le plus mauvais titre de l'album, mais « The Absurdity Of What I Am » en est également le meilleur, ce qui laisse à
Omnipresent une marge de manœuvre allant du merdique au tout juste correct. Je ne vais pas vous faire l'affront de rappeler que Origin est souvent considéré comme un des groupes de brutal death les plus rapides et denses du monde, mais quelqu'un aurait dû leur rappeler à eux, avant qu'ils ne pondent cette insulte à leur rang, que l'intérêt du groupe résidait dans son énergie. Et dans ses mélodies personnelles également, mais sur ce point la guerre est définitivement perdue, il n'y a pas plus de deux riffs intéressants ou bien construits sur les même pas trente-cinq minutes des compositions originales de ce sixième essai d'Origin. Non seulement
Omnipresent est quasiment aux deux tiers mid-tempo, mais en plus les parties rapides n'ont pas grand intérêt musical, se contentant de recracher une soupe de graves dont l'agencement importe peu tant que le mur sonore est présent. Certes l'unique riff de « The Absurdity Of What I Am », avec ce bourdonnement ponctuel dans les médiums si caractéristique et une légère modulation au fil des répétitions a tout d'un riff de Origin classique, mais ce n'est qu'un long riff de pas tout à fait trois minutes. Et comme la paresse sera le leitmotiv de ce sixième opus, ce riff fera un morceau, hop, c'est décidé, pourquoi s'embêter à faire plus ? Mais réjouissons-nous, car Paul Ryan s'est souvenu qu'il était un bon guitariste, et il a su livrer sur la première moitié de « Unattainable Zero » un très bon exemple de ce qu'une rythmique caractéristique de
Antithesis couplée à un tapping aux sonorités originales peut offrir comme satisfaction à un fan du groupe. Il y a même les lignes de sweep qui vont avec, ça m'en tirerait presque une larme. Dommage que la seconde partie du titre, faite de la succession la plus débile et simpliste d'accords de quinte que l'on puisse imaginer, vienne complètement ruiner la marche en avant du progrès dans un album qui n'avait de toute façon pas besoin de ça pour paraître complètement moisi même au regard du à peine bon
Entity. Et puisqu'on en est au quart d'heure des qualités, je me dois de l'avouer, comme d'habitude John Longstreth délivre une superbe prestation et apporte le punch et la subtilité qui manquent cruellement aux pistes de guitare et de basse, se permettant même de jouer plus rapidement que Ryan et Flores à certains moments. Sans lui Origin n'aurait strictement plus rien d'un tant soi peu intéressant techniquement à offrir.
Voilà, deux titres sympas, deux autres riffs intéressants et un batteur, j'ai fait le tour des qualités de
Omnipresent. Ni brutal, ni rapide, ni intense, ni original, ni inventif, ni intéressant, ce sixième album d'Origin est, on peut le dire, une grosse déception. Si dans ce dégueulis de graves vous arrivez à entendre Mile Flores, dont le jeu ultra léché faisait pourtant une grande partie de la subtilité des compositions sur les précédents albums, alors vous êtes arrivés à tendre l'oreille au bon moment. Oubliez tout ce qui faisait la force du groupe auparavant, il n'en reste quasiment rien. Dans la lignée des mauvaises idées de
Entity, Origin choisit la voie du grind plutôt que du death metal, et laisse toute sa furie et ses velléités démonstratives sur le bord de la route, en préférant un riffing épuré qui se veut efficace sans pourtant avoir le moindre impact tant il est mal pensé. Si Paul Ryan fanfaronne en disant qu'il sait aussi ralentir, l'expérience nous démontre pourtant que s'il ralentit effectivement, il ne sait pas le faire correctement, et se contente d'un travail de compositions aussi simpliste que bâclé. Mais au moins, du point de vue de la lenteur il n'y a pas de tromperie sur la marchandise : les moments les plus rapides se traînent autour de 220 bpm, et atteignent péniblement le 240. Et même si Longstreth est là pour délivrer quelques pointes de vitesse dont il a le secret, notamment sur un « Thrall:Fulcrum:Apex » qui aurait pu être correct sans son pont central neurasthénique, il n'y a strictement plus rien d'impressionnant provenant de Paul Ryan (allez, le palm mute sur « Malthusian Collapse » sauve les meubles) – ni donc de Mike Flores, que de toute façon on n'entend pas. Même quand il ne verse pas dans la mosh-part ou le mid-tempo,
Omnipresent rentre sagement dans le rang du death metal générique sans prise de risque, celui où plus personne ne brille car tout ce que le genre avait à offrir a été offert il y a déjà très longtemps. Origin n'est plus qu'un groupe parmi des milliers d'autres et il n'offre rien de plus pour se démarquer qu'un « Continuum » fort rigolo mais complètement hors de propos. Munissez vous de votre clavier préféré, choisissez le mode Jean-Michel Jarre, composez quelques nappes furieusement kitsch, puis rehaussez le tout d'une ligne de tapping façon guitar hero (oui, ces gens qui préfèrent le « feeling » à la justesse ou la propreté), mais avec un soupçon de delay pour évoquer un Morbid Angel joyeux, ou un Mithras alcoolisé qui ferait n'importe quoi à 5h du matin. Certes c'est surprenant venant de la part d'Origin, mais ça reste cent fois plus écoutable que des daubasses comme « Manifest Desolate » ou « Redistribution Of Filth ».
Mais le pire à l'écoute de
Omnipresent c'est qu'on n'a pas l'impression que Origin ait voulu changer de style ou jouer la carte de la lourdeur, car on retrouve régulièrement le riffing du groupe entre deux ralentissements sans intérêt. L'impression tenace, c'est plutôt que Paul Ryan n'a réussi qu'à composer six ou sept riffs dignes du Origin d'antan, et que par dépit il les a raccordé comme il pouvait à des assemblages d'accords génériques qui n'ont même pas la prétention d'être corrects. Non seulement l'album est mou, mais il est également mal construit : l'intensité culmine dès le cinquième titre et ne remontera jamais, faisant de son écoute un chemin de croix où à peine huit ou neufs minutes valent le détour, quasiment toutes réparties entre « All Things Dead » et « The Absurdity Of What I Am » qui sont les seuls titres à être irréprochables, et plus ponctuellement « Source Of Icon O » et « Malthusian Collapse » qui ne sont pas sans défauts. Et encore, je ne parle là que des titres à peu près construits correctement, parce que presque la moitié d'entre eux n'atteint même pas les trois minutes trente, quand ils ne plafonnent pas à une minute ! Manque d'inspiration, disais-je ? Ou peut être simple paresse d'écrire des transitions correctes... Pour le coup la reprise de S.O.D. ne choque même pas parmi ces titres insipides et creux, c'est même l'un des rares moments où Paul Ryan se permet d'y appliquer quelques fantaisies (avec de légères dissonances) et où l'on entend Mike Flores ! Dommage, ça reste globalement soporifique – hé, on parle quand même de S.O.D. !
Je me demandais ce que Origin faisait sur la prochaine tournée européenne d'Aborted avec Exhumed et Miasmal, mais désormais je sais que le groupe ne fera pas tache sur une affiche de death générique. Et je ne dis même pas ça péjorativement, car Origin ne sera ni le groupe le plus brutal, ni le plus ambitieux de l'affiche, et bordel ça me fait mal à dire venant du combo qui a conçu les chefs d’œuvre que sont
Echoes Of Decimation et
Antithesis. Mal produit, mal construit, mal composé mais bien joué, c'est ainsi qu'on pourrait résumer
Omnipresent.
Voilà tout ce qui demeure d'un des groupes les plus emblématiques du brutal death des années 2000. Quand je me dis que le prochain Omnihility, dont l'inspiration principale est clairement Origin, a de fortes chances de proposer un album cent fois plus intéressant que ça, c'est qu'il y a clairement un problème. Et je me rends compte que je n'ai pas évoqué Jason Keyser, dont la prestation tout à fait honorable ne parvient pas à faire oublier James Lee, mais qui est bien un rare motif de satisfaction dans ce grand marasme.Tous ceux qui aimaient les petits gars du Kansas pour le mélange de brutalité super-sonique et de mélodies vicieuses peuvent passer leur chemin, il n'y a pas l'ombre d'un « Portal », « Debased Humanity » ou « Finite » sur
Omnipresent. Origin est volontairement rentré dans le rang du death metal actuel, qui se contente de resservir la même soupe que tout le monde sans jamais chercher à surprendre. Mais pourquoi nos trois musiciens s'emmerderaient-ils à essayer d'innover quand 90% des amateurs de death metal trouvent leur compte dans le dernier Cannibal Corpse ou le dernier Carcass ? Réjouissez-vous mongoloïdes et handicapés musicaux de tous horizons, Origin est enfin à votre portée ! Vous comprendrez enfin ce qui passe entre deux gravity blasts et de trop rares lignes de sweep, le groupe a bien fait attention à baliser le sentier pour que personne ne se perde. La comparaison avec le déjà décevant
Entity serait facile, mais il demeure infiniment meilleur que ce nouvel album, qui ne comporte rien de comparable à un « Saligia ». Ceux qui se languissaient déjà à l'époque du Origin inventif de
Informis Infinitas Inhumanitas,
Echoes Of Decimation et
Antithesis ne devraient même pas acheter
Omnipresent et attendre sagement que Omnhility comble le vide laissé dans leur cœur par cette inattendue défection – ceux avec du goût et de l'esprit attendrons même Sarpanitum et Mithras pour avoir leur dose de blasts et d'originalité. Comme je le disais en me jetant des fleurs (désolé, c'est un réflexe conditionné), toutes les bonnes choses ont une fin, et celle d'Origin est arrivée il y a déjà quelques années sans même que l'on s'en rende compte.
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