J’imagine que vous connaissez tous l’adage suivant :
"On prend les mêmes et on recommence"? Et bien celui-ci n’a jamais été aussi vrai que pour Disgrace. Après un premier EP sorti en 2012 suivi l’année d’après par un split en compagnie des regrettés Harness, les Californiens reviennent aujourd’hui avec un premier album intitulé
True Enemy. Sans surprise, l’artwork a une fois de plus été confié à Dan Seagrave. Un travail toujours aussi convaincant (bien que j’ai une préférence pour celui de
Songs Of Suffering) qui reprend d’ailleurs des éléments du premier EP, notamment ce crâne brisé monté sur pilotis. Bref, ceux qui étaient là en 2012 savent parfaitement où ils vont mettre les pieds avec ce premier album.
Et effectivement, on ne peut pas dire qu’il y ait tromperie sur la marchandise puisque
True Enemy s’inscrit inévitablement dans la lignée des deux précédentes réalisations du groupe californien. D’ailleurs, on retrouve ici les deux titres figurant initialement sur le split 7" en compagnie d’Harness. Une bonne chose, notamment pour ceux qui comme moi avaient fait l’impasse sur cette sortie disponible uniquement en vinyle. Au final, ce sont donc douze titres dont un interlude instrumental, qui viennent composer ce premier album sorti ce mois-ci sur Closed Casket Activites.
A l’époque de
Songs Of Suffering, Disgrace proposait un Hardcore Metal déjà particulièrement lourdingue. La production était compacte tout en offrant un côté assez sec et naturel, dans un esprit finalement encore assez proche de la scène Hardcore des années 90. Avec
True Enemy, Disgrace franchi un cap. Toujours enregistré au The Pit studios par Taylor Young, ce nouvel album pousse l’exercice de musculation encore un peu plus loin en s’affranchissant cette fois-ci de ce côté plus nerveux que l’on pouvait retrouver sur
Songs Of Suffering. Une évolution inévitable tant on connaît le goût de Taylor Young pour le Death Metal. Cette évolution dans le son s’accompagne également de titres légèrement plus longs. Là où ceux du EP ne dépassaient jamais les deux minutes (à l’exception de "Jesus Ripper" - 2:10), aucun de ceux de
True Enemy n’est en dessous des deux minutes. Bref, cela ne saute pas forcément aux oreilles de prime abord mais atteste bien de cette volonté de rendre la musique de Disgrace encore plus écrasante, entre Beatdown Hardcore et Death Metal, à la manière d’un Xibalba dont l’orientation musicale ne semble plus trop faire de doutes. D’ailleurs, les passages plombés font particulièrement mal au crâne à l’image du redoutable "Slave To The Lead God" et son riff sournois taillé pour briser des nuques et claquer des stomp sur le dancefloor. Mais ce n’est pas le seul dans ce cas,
True Enemy est en effet truffé de ce genre de passages comme l’attestent "Uncreation" à 1:01, "1000 Voices" à 1:26, "Conquered" à 1:30 et 2:06, "The Forgotten Land" à 1:35, l’ultra Death Metal "The Well", "Bootlicker" à 0:42 etc... Bref, attendez-vous à ramasser sur le coin de la figure pendant un petit moment.
Si la musique de Disgrace s’est quelque peu épaissie, elle n’en conserve pas moins certains gènes faisant encore de
True Enemy un disque principalement destiné aux amateurs de Hardcore (enfin seulement ceux qui n’ont pas peur du Metal). Cela se ressent notamment dans le riffing toujours très incisif qui, sans surprendre, se montre extrêmement efficace (il n’y a pour moi rien à jeter) ainsi que dans l’architecture même des compositions où tout est fait pour mosher avec ardeur. Un constat qui rejoint évidemment celui du paragraphe précédent mais qui fait que ce premier album de Disgrace ne devrait une fois encore pas atterrir entre les mains des amateurs de Death Metal. Ces derniers étant bien souvent trop effrayés par le mot "Hardcore" pour oser franchir le pas. Il faut dire qu’avec cette scène Deathcore qui amuse plus qu’elle ne convainc (hormis les adolescents de quinze ans), il faut parfois bien du courage pour se lancer les yeux fermés dans l’écoute d’un album proposant de mélanger Death et Hardcore. En tout état de cause, Disgrace est l’un des meilleurs dans son genre (à moins qu’All Out War ne vienne reprendre sa place de leader qu’il occupait autrefois) et
True Enemy en est la preuve la plus flagrante grâce à des titres courts, allant à l’essentiel sans jamais se perdre en cours de route. Bien entendu, le groupe n’a rien inventé et sa musique est plutôt simple mais derrière cette production massive qui cache trop souvent un certain vide, force est de constater que Taylor Young et ses acolytes ont réussi à accoucher d’un véritable album de Deathcore au sens noble du terme. Enfin, impossible de ne pas évoquer cette reprise de Dmize ("The Dawn"), groupe de New York Hardcore finalement assez peu connu mais qui a notamment vu passer dans ses rangs un certain Hoya parti ensuite rejoindre Madball. Gonflé aux hormones, "The Dawn" prend ici une toute autre dimension même si on reconnait bien évidement la trame principale. Un choix intéressant de la part de Disgrace qui n'a pas choisi ici la facilité, faisant ainsi un petit clin d'oeil à tous ceux qui ont grandi au son de la scène new-yorkaise.
A l’inverse du dernier Twitching Tongues que je trouve toujours un peu bancal, ce premier album de Disgrace est une vraie réussite qui ne souffre d’aucun véritable défaut. Bon, on pourra toujours rétorquer que "Segue" (interlude instrumental) n’a pas grand intérêt mais c’est bien là le seul point pouvant porter à discussion. D’autant que Taylor Young a eu la bonne idée de ne pas charger l’album de séquences en chant clair. Il n’y a ainsi que sur les chœurs de "The Forgotten Land" et le refrain de "Bootlicker" en compagnie de son frangin Colin Young (Twitching Tongues, Sorcerer’s Pledge, God’s Hate) où l’on retrouve ces lignes de chant plus mélodiques qui, amenées ici avec parcimonie, donnent en effet un cachet supplémentaire aux deux compositions. Bref,
True Enemy est un album tout ce qu’il y a de plus bête et méchant qui n’a pas la prétention de prouver quoi que ce soit si ce n’est qu’on peut encore mélanger Hardcore et Death Metal sans y accoler le terme "putassier".
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