Si vous avez lu mes chroniques de
Busse Woods et
III, vous connaissez l'attachement que j'ai pour Acid King. Il faut dire que la troupe menée par Lori S. a marqué ma découverte du stoner à l'époque, montrant que ce style si cliché pouvait transmettre ses envies de désert avec une sensibilité presque charnelle, toute en caresse et tranquillité. Pourtant, c'est avec une moue dubitative que j'ai accueilli l'annonce du retour de la formation sur disque, me demandant si, dix ans après leur précèdent longue-durée, celle-ci n'allait pas effectuer le pas de trop pour moi, à la fois gavé par la multitude de nouveaux-venus dans la scène stoner et un classicisme que je ne voulais pas voir réapparaître après un
III parfait dans son rôle de chant du cygne de ce groove chaleureux que savent jouer les Ricains.
Et bien que les écoutes de
Middle of Nowhere, Center of Everywhere se soient répétées ces derniers mois, ces sentiments n'ont pas disparus. Ce quatrième album est tellement marqué par son caractère classique (« référencé » pourrait-on dire, tant la musique d'Acid King est restée immuable malgré les années) que j'ai du mal à m'enthousiasmer outre-mesure pour ces nouvelles cinquante-cinq minutes. Tout est là, de ce chant incantatoire, serein et enjôleur à ces guitares moelleuses égrenant avec délicatesse leurs allitérations, faisant du stoner du shoegaze pour motard. Mais ces rappels ne sonnent que comme des rappels, à la fois à la discographie du groupe (
Zoroaster et
III principalement, dont on retrouve ici les leads corrosives du premier et la langueur du second) et à ce temps où j'ai rencontré le trio. Une madeleine de Proust, jusqu'à ce capital sympathie qui fait partie du plaisir qu'offrent les Ricains.
C'est que
Middle of Nowhere, Center of Everywhere possède les défauts de ses qualités : sans prétention autre que de reprendre là où les choses sont restées avec
III, il profite de sa simplicité dans une période où le stoner est devenu chose si commune et déblatérée que son psychédélisme tape-à-l’œil fait moins mouche qu'autrefois. Sans vouloir changer la roue, Acid King joue du Acid King tablant essentiellement sur une nostalgie marquée par les années 90, à la manière de cette production de Billy Anderson donnant une allure passéiste aux instruments, bourdonnants et cependant organiques comme à l'époque. Mais à force de coups de coude évocateurs, ce disque me fait le même effet qu'une retrouvaille avec un vieil ami perdu de vue, constatant dans un mélange de tendresse et d'amertume que si lui est resté le même malgré quelques rides, j'ai changé avec les années jusqu'à ne plus retrouver cette connexion que l'on avait ensemble.
J'ai beau m'être lavé les yeux après avoir vu sa pochette (moche : il n'y a pas d'autres mots) et les oreilles après m'être demandé si, à l'écoute de ses riffs à l'évidence charmante, le problème ne venait pas de moi plutôt que de lui,
Middle of Nowhere, Center of Everywhere continue de me laisser entre joie de voir Acid King toujours actif et sentiment d'inutilité. Que cela n'empêche pas les amateurs de tenter l'expérience (si ce n'est pas déjà fait) car il y a clairement de quoi les contenter ici. Pour ma part, j'en reste à l'idée qu'il y a des groupes que l'on ne veut plus écouter mais qu'on est heureux de voir continuer, envers et malgré tout. Considérez que, pour moi, Acid King fait désormais partie de ceux-là.
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