Vous les aviez oubliés, vous ? Pas moi. Impossible, quand on habite dans la même ville que les Montpelliérains de Verdun, de ne pas les suivre de près alors qu'on les voit sur les planches régulièrement, ici avec Rorcal, là avec Yob, et qu'à chaque fois on est soufflé par leurs prestations, toujours un peu différentes des précédentes mais toujours de qualité. Chaque nouvelle rencontre donnait de quoi entretenir l'attente de leur premier album à venir. Et après une longue période de gestation (quatre ans, ce n'est pas tout à fait court) qui m'a même fait croire qu'il ne viendrait jamais, il est là, enfin. Et il est plus qu'à la hauteur.
Tout d'abord, à la hauteur des promesses données par
The Cosmic Escape of Admiral Masuka, EP de 2012 où les Français donnaient déjà à entrevoir le potentiel de leur musique entre doom pur et hardcore lent, l'espace comme dénominateur commun. Quelques remaniements internes et un accouchement qui semble s'être fait dans la douleur plus tard,
The Eternal Drift's Canticles réalise tout ce qu'on pouvait déjà trouver chez eux mais en proportions plus larges, comme si la formation s'était libérée d'entraves qui la gênaient jusqu'à présent. « Maîtrise », « expérience », « assurance », appelez cela comme vous voulez, toujours est-il que ce premier longue-durée donne à croire que rien n'a été laissé au hasard dans ce qui le compose, que chaque coup, chaque prise de parole de Dadoo, ont été réfléchis mûrement.
Alors que, pourtant, j'ai rarement entendu un doom aussi simple, allant de soi. Verdun ne semble jamais forcer ce qui fait son originalité, au point que les premières écoutes se font sereinement, sans se retrouver la gueule tombante, juste pris dans un disque agréable sur tous les plans. Un coup de cœur qui vient petit à petit, jusqu'à prendre pleinement conscience de l'identité forte qui constitue la formation, quelque part entre Yob (mais dans une version où l'espace et sa mystique sont des territoires de surhommes – je ne vais pas en rajouter sur ce point, vous avez des yeux et croyez-moi, il mérite sa pochette) et un Neurosis dans ce qu'il peut avoir de plus hardcore, tourmenté et batailleur. De quoi avoir plus que sa part de grands moments, chaque morceau contenant ce passage qui passe inaperçu et touche au but avec le temps : les finals de « Mankind Seppuku » et « Jupiter's Coven », cette batterie qui vire au tambour de guerre sur « Dark Matter Crisis » ou encore ce chant hargneux, cru et en détresse qui donne à se réjouir pour qui aime son Starkweather autant que son Electric Wizard par exemple. Tout cela, les Français le rappellent à leur manière à eux, bourrue, aussi brute que sensible (une façon de faire qui me laisse penser qu'ils n'ont que Eibon pour seul équivalent dans l'Hexagone), au point que ne pas être ému par
The Eternal Drift's Canticles est pour moi une idée impossible.
C'est que le doom, cette musique d’ascèse, de contrainte personnelle à jouer lent, à appuyer, à endurer, est paradoxalement une musique riche en sentiments complexes, pouvant parfois paraître contradictoires. Verdun évoque cela et parvient, dans la plus grande sobriété, à transmettre ses émotions pleines, où durant cinquante-cinq minutes, différentes lectures sont possibles : cette voix puissante et qui souffre peut faire se croire guerrier du chaos si plein de pouvoir que ça le torture ; elle peut aussi faire imaginer, dans un certain contexte, son propre drame personnel, entre élan vital et fatalité. Ses guitares en mouvement constant, soit lourdes, soit claires, souvent les deux en même temps, pourront faire rêver à quelques religions et combats se passant entre deux planètes ou à ses propres souvenirs d'étrangeté, de décors quotidiens qui, sous leur apparente tranquillité, soudainement nous nouent la gorge. Oui, on parle bien ici de ce type d’œuvre, conceptuelle (les histoires de l'amiral Masuka de l'EP sont une nouvelle fois présentes et ressenties aux travers de samples), au premier abord ailleurs et qui, par son imaginaire propre, donne l'impression de dire des choses à notre sujet. Touchant – touché.
Mais stop. Je ne veux pas vous dégoûter avec une poésie de bas étage. Simplement – c'est vraiment le maître-mot ici – Verdun a accouché d'un bel album avec
The Eternal Drift's Canticles. Un album d'aujourd'hui, loin des écoles et figures obligatoires, et qui pourtant mérite autant le libellé « doom », dans tout ce qu'il peut avoir de sentencieux et de capacité à bouleverser, que « hardcore », dans tout ce qu'il peut contenir de bouillonnement et de pure jouissance. Alors certes, après des écoutes répétées, il apparaît que tout n'est pas parfait ici, quelques riffs un peu lambda, quelques minutes qui passent en attendant les suivantes, où l'ensemble se fait trop humble, alors que l'on sait depuis quelques temps que Verdun est tout sauf commun. Le défaut de ses qualités en somme. Mais franchement, ses atouts sont si grands qu'il est plus que recommandé de passer outre, surtout quand on sait que l'on n'entendra pas de sitôt les hurlements fantastiques de son chanteur, ce dernier n'étant plus dans le groupe. Quel gâchis...
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