Verdun - Astral Sabbath
Chronique
Verdun Astral Sabbath
Il y avait de quoi être inquiet. Avec de nombreux changements de line-up, une attente du successeur de The Eternal Drift’s Canticles qui commençait à durer, ainsi qu’une prestation live avec un nouveau chanteur qui m’avait moins enthousiasmé – euphémisme – que les autres fois où j’ai vu le groupe, l’arrivée subite de ce nouvel album de Verdun avait de quoi faire couler quelques sueurs froides avant de lancer son écoute. Les Montpelliérains allaient-ils parvenir, en dépit des galères, à conserver leurs particularités si charmantes ? Ou alors devrions-nous les enterrer, les voir rejoindre la tripotée de groupes qui, leur premier longue-durée passé, perdent leur spécificité à force de déconvenues ?
Cette blague ! Même en suivant son évolution de loin, on constate que Verdun, malgré les impatiences forcées, malgré les guerres ouvertes, garde toujours son territoire (de quoi comprendre mieux l’origine de son nom – qu’on ne souhaite pas lui enlever même en étant lorrain et un peu chauvin tant il le mérite bien). Mieux, il semble s’en nourrir, puisé dans ses coups durs de quoi frapper fort. Ainsi, il n’est finalement pas étonnant lors de la découverte de Astral Sabbath de se prendre une dégelée directe orchestrée par un guitariste tenant désormais seul la barre ainsi qu’un chanteur revenu après avoir quitté la formation. Car c’est ainsi : sans parler de place à prendre ou à mériter de nouveau, David Sadok et Jay Pinelli sont bien les deux éléments qui convainquent d’entrée le long de ces nouvelles cinquante-trois minutes. La sortie de muscles de « Return Of The Space Martyr », l’incantation à la fois éplorée et prophétique de « L'Enfant Nouveau », le venin de « Venom(s) »... Les deux membres écartèlent, ensemble et de leur manière propre, bien installés pour jouer leurs cantiques à eux.
Mais il serait réducteur de s’arrêter à ces tours de forces, risquant d’envoyer un mauvais message à ceux n’ayant pas encore jeté une oreille sur Astral Sabbath (qu’attendez-vous ?). Verdun reste en effet ce groupe dont la simplicité de surface cache mille nuances, ce groupe qui, au premier abord, n’ébahit pas, tant il déroule son doom avec un naturel ne laissant pas voir tout de suite sa constitution d’extra-terrestre. Il faut un peu de temps pour pénétrer cette ambiance de renouveau dans la souffrance, jusqu’à ce que ce concept d’un astronaute se donnant naissance à lui-même qui guide les paroles de cet album prenne sens. Elle finit par s’ancrer en nous, au point d’y entendre Verdun se donner une nouvelle jouvence, par une fraicheur extrême à jouer son doom mutant, musclé et attendri, élevé et plombant. Une étrangeté qui, pour la face hardcore de leur musique, donne envie de rapprocher les Français d’un Starkweather plus que d’aucun autre, tandis que le cerveau oscillera entre Monarch! et Dirge pour pointer du doigt cette sobriété dans l’irréel qu’est capable d’avoir la bande.
Des noms qui ne sont pas petits et auxquels Verdun se joint comme un acolyte. Cependant, là où The Eternal Drift’s Canticles profitait d’un équilibre constant, gardant ses feux d’artifices pour le grand final de « Jupiter’s Coven », Astral Sabbath se permet de jouer les flambeurs en son milieu, avec un « The Second Sun » qui ébouriffe tant de douleur magnifiée qu’il jette une ombre sur les autres compositions. Il y a pourtant à trouver sans trop chercher ici ! Mais alors que la ténacité de son ainé finissait par emporter, ce deuxième essai se laisse aller à plus de mélodie et un chouïa plus d’inconstance, un titre comme « Darkness Has Called My Name » frôlant le cas d’école, entre moments éclatants et passages plus transparents.
Ainsi, la recherche de Verdun et de son amiral en chef se poursuit, transmet ses hauts et bas, ses états d’âmes qui sont des paysages d’espace douloureux, menaçant, imposant dans leur vide et leur beauté. Astral Sabbath a, en lui et en dehors, un goût doux-amer de victoire prise à l’arrachée, perpétuant ce charme fort qu’ont les Français, dans lequel on trouve de quoi imaginer mais aussi ressentir en son for intérieur, comme lors de la lecture d’une histoire où la fiction fait des ponts avec la réalité. Un album qui enthousiasme malgré quelques instants de flottement... Pour un groupe plus que jamais précieux.
| lkea 17 Novembre 2019 - 1436 lectures |
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