Il a sans doute toujours été compliqué de faire des pronostics en musique, en particulier sur quel groupe sera « The next big thing ». Cela semble encore plus difficile aujourd'hui, tout n'étant que sous-genres, niches, et finalement, malgré une tendance à l'ouverture d'esprit à laquelle Internet n'est pas étranger, peut-être plus cloisonné et compliqué qu'auparavant. Offre constante, communication inexistante, volonté des formations de rester obscures, problèmes de tournée, mauvaise presse... Les éléments pouvant aller à l'encontre d'un gain en popularité sont nombreux, même si cela n'empêche pas les surprises (si on m'avait dit à l'époque de ma chronique de
Opus Eponymous que Ghost allait devenir la machine qu'il est actuellement, je ne l'aurais probablement pas cru par exemple).
Pourtant, je ne vois pas ce qui empêchera Subrosa de devenir, un jour, un de ces noms que les festivals écrivent plus gros que les autres sur leurs affiches. Certes, on me signalera justement que c'est déjà le cas,
No Help for the Mighty Ones et surtout
More Constant than the Gods ayant reçu des critiques élogieuses faisant que la bande de Salt Lake City n'est plus une inconnue au sein de la scène doom metal, allant jusqu'à rallier à elle des personnes peu intéressées par le genre. Mais en dépit d'apparitions sur le territoire européen plus prononcées, il y a encore un peu de chemin à parcourir avant de pouvoir dire qu'elle est appréciée à sa juste valeur par chez nous.
Sans faire durer inutilement le suspense, il est clair qu'on pourra compter sur
For This We Fought the Battle of Ages pour donner encore plus d'ampleur au succès de Subrosa tant ce dernier enfonce le clou, cela dès une pochette marquante tout en étant cohérente par rapport à celles des deux albums précédents et jusqu'à une source d'inspiration étonnante. En effet, comme le stipule le livret de ce nouveau longue-durée, la musique, les paroles et l'artwork ont été influencés par l'auteur russe Ievgueni Zamiatine et son roman de science-fiction
Nous, les autres, une dystopie critiquant en filigrane le régime soviétique en peignant une société totalitaire, promettant un faux paradis par une surveillance constante de ses habitants. Des thèmes aux accents politiques que le groupe s'approprie de belle manière, des ponts avec l'actualité et ses dérives sécuritaires étant même symboliquement possibles à l'image de ce passage de « Wound of the Warden », où les lignes « Not one misstep, not one mistake / All Calculated for our sake / Like children we'll step into the fire » sont chantées.
Cependant, cela ne veut pas dire que Subrosa a changé du tout au tout, loin de là. Le groupe reste cette entité unique, telle qu'on l'a connu avec la révélation
No Help for the Mighty Ones. Cette ambiance de conte propre aux Ricains est toujours présente, faisant imaginer des temps immémoriaux où Neurosis et Amber Asylum seraient respectivement roi et reine, donnant naissance à cette femme tour-à-tour sauvage, féerique, séduisante et maternelle. Sur la forme et le fond, peu de changements à signaler sur ce nouvel essai : au-delà une plongée plus poussée dans des terres atmosphériques (les guitares ayant plus qu'autrefois un rôle d'appui) et des cris à mettre presque aux abonnés absents, l'amateur ne sera pas désarçonné par ces soixante-quatre minutes, ces dernières se composant même d'un intermède aux allures traditionnelles (« Il Cappio ») comme on en a déjà eu l'habitude. Non, il entrera dans ce disque comme en des lieux déjà visités, charmé d'y retourner. Si
More Constant than the Gods était la conquête finale,
For This We Fought the Battle of Ages montre une formation sûre d'elle sortant sur le balcon de son palais pour rappeler à son peuple pourquoi elle est à cette place.
Et je ne vois pas qui pourrait la lui contester. Sans faire de track-by-track pénible, l'album donne la même impression que
More Constant than the Gods, à savoir d'empiler les grands moments. Dès « Despair is a Siren » et ses allitérations aussi multiples qu'enivrantes, « épique » est clairement le maître-mot ici, le trio Rebecca Vernon / Sarah Pendleton / Kim Pack menant une nouvelle fois la danse. Violons électriques hantés, vocalises dynamiques flirtant plus d'une fois avec la pop la plus mythologique (« Troubled Cells » est, à ce sujet et même tout court, peut-être le meilleur morceau de Subrosa), guitares aux mélodies descendantes, âpres, ascendantes, chaudes, « neurosiennes » : on pourra certes de nouveau critiquer cette simplicité avec laquelle aiment jouer les Ricains, usant souvent des mêmes méthodes au sein de leurs compositions, elle est pourtant ce qui fait la force d'une œuvre comme
For This We Fought the Battle of Ages, offrant des émotions d'une rare puissance, dans lesquelles on ne peut que se noyer. L'élémentaire dans ce qu'il peut avoir de plus nu, ancestral, porté par la beauté universelle des histoires énigmatiques et faisant cependant résonner une part de nous-mêmes.
Au final, tout va bien : Subrosa est toujours cette femme dont on ne sait pas si elle est mère, sainte, déesse ou être humain comme vous et moi et pour laquelle nous sommes prêts à laisser de côté les questions de toutes sortes, pour mieux se lover en elle et s'assoupir, soulagé d'un poids dont on n'avait pas conscience avant de la recontrer. Déplorer le manque de prise de risque sur ce nouveau recueil de merveilles ? Pourquoi ?
For This We Fought the Battle of Ages brille tout autant que son prédécesseur, s'avère rapidement aussi essentiel que lui et ne donne envie que de se blottir en son sein quand le soir s'éveille. Ce qui, me semble-t-il, est une chose assez précieuse pour ne pas trouver à y redire. En attendant, ceux n'ayant pas encore tenté l'expérience trouveront largement de quoi rattraper leur retard ici. Subrosa est définitivement un grand groupe et il n'est qu'une question de temps avant que le reste du monde s'en rende compte.
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