En 2012 l’Angleterre nous offrait avec Unfathomable Ruination et son
« Misshapen Congenital Entropy » l’un des tout meilleurs albums de brutal death de l’année. Brutal sans pour autant délaisser les mélodies, finement technique et chaotique sans tomber dans la surenchère, les Anglais avaient visé juste et tapé dans le mille, après une démo prometteuse certes mais pas au point d’imaginer ce qui allait suivre. La suite était donc attendue avec une impatience certaine pour bon nombre de brutasses dont votre serviteur évidemment et même si à mi-chemin nous avions pu nous sustenter de l’excellent (mais trop court !) EP « Idiosyncratic Chaos », l’attente fut longue ! Ce dernier ne laissait présager d’aucun gros revirement de cap musical même s’il nous présentait tout de même le nouveau beugleur en chef, Ben Wright et un second guitariste Rosario Piazza (ex-Cadaver Mutilator). J’avoue avoir été sacrément triste (et un brin inquiet) à l’annonce du départ de l’un des tout meilleurs vocalistes extrêmes actuels, Daniel Neagoe, puis plutôt rassuré de voir la place vacante reprise par l’ex-Fleshrot dont les prestations, notamment sur l’excellent « Traumatic Reconfiguration », lui conféraient le profil idoine. Le groupe ayant en plus le bon goût de ne nous proposer que des titres inédits sans reprendre (comme beaucoup l’auraient fait) aucun des deux titres d’ « Idiosyncratic Chaos », les espoirs placés en lui faisaient de « Finitude » l’un des albums les plus attendus de l’année et un fort prétendant potentiel au podium de fin d’année.
Pourtant malgré des indicateurs tous au vert et une attente ayant bien fait monter la sauce (trop ?), les premières écoutes me laissèrent un petit goût amer en bouche. Roooh, rien de rédhibitoire mais comme un brin de déception qui viendrait tacler des espoirs trop élevés et que seules des dizaines d’écoutes auront permis d’anéantir. Car si le style n’a pas fondamentalement changé, « Finitude » m’a laissé une première impression légèrement plus ‘’convenue’’ (notez bien les guillemets) et d’une plus grande abondance de passages lents et/ou mid-tempo que sur l’énorme
« Misshapen Congenital Entropy ». Cela n’est peut-être qu’une impression (j’attends le premier Asperger qui viendra me contredire, minutage à l’appui) mais elles ont leur importance lorsqu’on découvre un album. Aussi et malgré toutes ses qualités évidentes au premier coup d’oreilles, « Finitude » ne fut pas la claque immédiate que j’espérais.
Il me restait donc l’espoir du fameux déclic. En fait plus qu’un déclic ce sont surtout des dizaines de petits ‘’clics’’ qui opérèrent au fil des écoutes (et Satan sait qu’il y en eu !), tels des grains de sable sautant et libérant les engrenages infernaux d’un album dont la densité ne souffre aucun jugement hâtif. Car s’il est quelque part moins ‘’immédiat’’ (t’as vu les guillemets ?) que son ainé, c’est parce qu’il est probablement plus dense encore, honteusement massif, sadiquement fouillé et qu’il ne s’offrira complètement qu’aux plus téméraires et opiniâtres d’entre nous. Le temps finit donc par faire plus de lumière sur tous ses rouages rythmiques, ce lassis de riffs enchevêtrés portés au summum par une production dantesque à faire trembler les murs de l’immeuble voisin de sa puissance (ces bass drops !) et gardant cet aspect organique permettant de mettre chacun en valeur et ce n’est pas Federico Benini qui s’en plaindra (ni nous non plus d’ailleurs !). Si
« Misshapen Congenital Entropy » souffrait d’un son un peu trop étouffé, je signe immédiatement pour n’avoir que des prods de la qualité affichée ici. Finalement tout était là, sous mes oreilles, dès le départ. Il fallait juste prendre le temps, s'imprégner et la laisser gentiment arriver, cette petite claque.
Car sous ses faux-airs d’un album plus ‘’générique’’ (tu les vois bien les guillemets ?), « Finitude » n’en est qu’un album plus complexe encore, la faute notamment à une section rythmique totalement épileptique accompagnant un riffing schizophrène. Doug Anderson avait bluffé son monde il y a quatre ans, il impressionne à nouveau ici exposant son jeu tout sauf stéréotypé, hallucinant de technicité, de vélocité, enchainant des patterns variés jouissifs. Les cassures rythmiques incessantes (alternant à peu près tout ce qu’il est possible d’imaginer sur un album de brutal death) sont telles qu’on se croirait presque parfois sur le génial « Transcend Into Ferocity ». En un mot comme en mille : chapeau. Pas le temps donc de se reposer une seconde ou vous perdrez le fil des événements. Et si la rythmique ne tient pas en place c’est bien pour suivre un riffing lui aussi complètement fou. Daniel Herrera, maintenant épaulé par Rosario Piazza, étale à nouveau sa patte riffique en gardant tous les éléments qui avaient fait l’intérêt du premier méfait. Une démonstration de force se gavant aussi bien au râtelier technique que mélodique et secouée de cassures émétisantes se laissant de temps à autres embourber dans une fange asphyxiante et épaisse à vous encoller le pharynx. C’est toujours aussi brutal donc (prends-toi ce gravity d’entrée de jeu !) et tu vas en manger du blast sur fond de gros riff de bûcheron enragé ou de tremolo à t’en décoller les ratiches avec un son dégoulinant de saturation qui te laissera un sourire béat malgré les dents manquantes. Et ne compte pas sur Ben Wright pour venir adoucir le supplice car son growl bien gras ne fera qu’appuyer un peu plus là où ça fait déjà très mal. Ça reste aussi sacrément technique sans tape-à-l’œil, celle-ci n’étant pas une fin en soi mais un moyen (de t’en mettre encore plus plein la gueule). Et ça se permet même quelques incartades en territoire plus groovy (« The Ephemeral Equation » à partir de 5’30, « Nihilistic Theorem » à 4’05) ou thrashy (« Pestilential Affinity » à 1’55) tout en gardant une cohérence d’ensemble assez remarquable. Evidemment et bien heureusement tu retrouveras ces petites mélodies insidieuses qui faisaient toute la différence sur
« Misshapen Congenital Entropy » et qui viendront ici aussi enrober le riffing, le rendant plus mémorable encore (« Pestilential Affinity » à 1’00, « The Ephemeral Equation » à 1’16, les excellents gimmick du début de « Neutralizer » et son break à 2’22) et puis quelques leads bien senties pour parfaire le tout (« The Ephemeral Equation » à 4’19). Alors oui effectivement à côté de cela « Finitude » regorge également passages plus mid-tempo (« Thy Venomous Coils » à 24’’, certaines parties de « Neutralizer », « Inhuman Reclamation » à 2’11, le début de « Forge Of Finitude ») ou de breaks biens massifs (« Pestilential Affinity » à 1’35, le début de « The Ephemeral Equation » et de « Inhuman Reclamation ») histoire de mâter toute tentative de résistance mais rien qui ne vienne altérer en quoi que ce soit le propos, la section rythmique ne tenant tellement pas en place qu’il n’y a de toute façon aucun risque de piquer du nez. Et puis vos tympans vibreront bien trop aux assauts vrombissant d’un Federico Benini parfaitement gâté dans le mix pour espérer quoi que ce soit de la part de Morphée.
Finalement Unfathomable Ruination a su, malgré les changements de line-up et une certaine forme de pression inévitable
(« Misshapen Congenital Entropy » ayant reçu un accueil plus que chaleureux à travers le monde), maintenir le cap et accoucher d’une œuvre qui ne souffrira aucunement la comparaison avec la précédente. Moins immédiate certes car plus dense, cette nouvelle offrande n’a pour ainsi dire que les défauts de ses qualités (hormis peut-être une « Pervasive Despoilment » un poil en dessous du reste). Ne franchissant jamais aucune ligne rouge pour donner dans la surenchère stérile, « Finitude » s’avère être une pure tuerie brutal death aux accents technico-chaotiques au moins du niveau de son ainé (je me laisse quelques temps pour pouvoir éventuellement les départager) et s’il m’aura fallu un nombre d’écoute plus élevé que pour un disque lambda c’est bien parce qu’il n’est pas un disque lambda. Ce second opus d’Unfathomable Ruination est comme tout album dense et complexe : il se mérite. Et si sa densité frise parfois l’opacité, si la tournure technico-chaotique peut un temps passer pour nébuleuse voire confuse (trois à quatre pistes de guitare se juxtaposent bien souvent), ce n’est que pour accentuer encore le plaisir de la récompense. Car une fois l’obscurité levée, « Finitude » ne s’en goûtera que mieux et sa saveur ne fera que s’affiner avec les jours.
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