Cela fait plusieurs mois que je traîne désespérément mes chroniques de Life Of Agony sans savoir par où les attaquer, ni par quels bords les prendre, repoussant à chaque fois l’inévitable car trop occupé à parler de sorties plus récentes ou pour lesquelles les mots ou les idées sont déjà là, dans un coin de ma tête. Mais à un moment il faut aussi savoir se lancer et arrêter de se trouver des excuses… C’est donc avec l’idée de faire les choses proprement que j’attaque enfin cette première chronique de Life Of Agony sur Thrashocore. Pour cela, il était hors de question de commencer par la fin (d’ailleurs je ne suis même pas sûr de vous parler un jour des derniers albums du groupe) mais plutôt de m’intéresser à leurs débuts et en particulier à ces deux albums qui ont marqué mon adolescence.
Formé à Brooklyn en 1989 par Keith Caputo (devenu par la suite Mina Caputo), Alan Robert et Joey Z, le groupe va sortir entre 1990 et 1991 trois démos toutes particulièrement bien accueillies par la scène new-yorkaise. Un enthousiasme tel que le premier concert du groupe dans le New-Jersey affichera complet. Pourtant, en dépit de ce succès grandissant, Life Of Agony semble avoir quelques difficultés pour recruter un batteur suffisamment motivé pour rester dans les rangs. Finalement, à la veille de sa signature sur Roadrunner Records, le groupe parviendra à enrôler Sal Abruscato de Type O Negative. Une collaboration qui va alors durer quatre ans.
Intitulé
River Runs Red, le premier album de Life Of Agony voit le jour le 12 octobre 1993. Construit d’une manière relativement originale, il suit une trame narrative développée à travers quelques interludes ("Monday", "Thursday" et "Friday") sur lesquels vont venir s’articuler chacun des dix morceaux de l’album. On plonge alors durant ces quelques moments dans la vie tourmenté d’un adolescent malmené par une mère abusive et tyrannique au sein d’une famille dysfonctionnelle. Et comme si subir continuellement les cris d’une mère hystérique dès qu’il passe le pas de la porte ne suffisait pas, le pauvre enchaîne également les galères personnelles. Après que sa copine ait décidé de le plaquer en lui laissant un simple message sur son répondeur ("Monday"), celui-ci apprend quelques jours plus tard qu’il est viré de son boulot et qu’il a loupé ses derniers examens et donc son année ("Thursday"). Une succession d’emmerdes colossales (surtout quand on est encore qu’un adolescent) qui vont le pousser à commettre l’irréparable en se tailladant les poignets dans la salle de bain ("Friday"). Naturellement, si le suicide de ce personnage et les éléments qui l’y ont conduit constituent le fil conducteur de
River Runs Red, Life Of Agony y aborde également d’autres sujets tels que l’acceptation de soi, l’addiction, les relations humaines…
Si le Hardcore n’a pas attendu Life Of Agony pour s’acoquiner avec le Thrash (Cro-Mags, Leeway, Carnivore, S.O.D., Crumbsuckers…), ce premier album va néanmoins sortir dans un contexte où la scène new-yorkaise commence un petit peu à tourner en rond. Il faut dire que des groupes comme Agnostic Front, Warzone, Judge, Murphy’s Law, Youth Of Today, Gorilla Biscuits, Madball ou encore Sick Of It All sont dans la place depuis déjà quelques années, jouant plus ou moins la même musique (soit du Punk/Hardcore expédié le plus souvent en moins de deux minutes) sur des thèmes plus ou moins récurrents et identiques (critiques sociales, la vie du tiéquart, l’unité et tous ces trucs...). Life Of Agony va alors apporter dans son mélange de Thrash et de Hardcore deux composantes essentielles et relativement nouvelles. La première est une dimension dramatique évidente portée par les thèmes évoqués ci-dessus. La deuxième est la voix versatile, sombre et pourtant mélodique d’un Keith Caputo dont le timbre n’est pas sans rappeler celui d’un certain Glen Danzig. Une voix atypique qui plaît ou ne plaît pas mais qui va véhiculer avec une puissance et une justesse incroyable un large panel d’émotions noires et désabusées. Et Caputo n’a pas eu à chercher bien loin pour trouver l’inspiration. Lui qui dans plusieurs interviews affirmait que cette transformation opérée courant 2011 était quelque chose qu’il avait attendu toute sa vie, on imagine assez aisément toute la frustration, toute la colère et tout le désespoir emmagasinés durant ces longues années passés dans un corps qui n’était pas le bon.
Résolument Hardcore (en dépit de ces solos ultra Metal), la musique de Life Of Agony ne ressemble pourtant à rien que l’on ait déjà pu entendre auparavant. En y ajoutant des sonorités Thrash et Doom relativement évidentes, le groupe a tout de suite réussi à se démarquer, affirmant son identité au sein d’une scène alors en pleine mutation (fini le Crossover, place au Hardcore/Metal pur et dur avec des groupes comme Stigmata, Merauder, Fury Of Five, 25 Ta Life, Bulldoze, Withstand, All Out War...). Alors oui, bien sûr, le parallèle ici avec la musique de Type O Negative reste tout à fait pertinent. Déjà à cause de cette production signée Josh Silver qui rappelle beaucoup celle d’un
Bloody Kisses sorti la même année. Ensuite parce que le groupe fait preuve dans ses compositions d’une lourdeur et d’un état d’esprit relativement similaire (la dérision et le second degré en moins). Enfin parce qu’il n’est pas rare d’entendre ici et là quelques notes de synthétiseur (joué par Keith/Mina Caputo) histoire de renforcer encore un peu plus cette atmosphère totalement fataliste et désabusée. Pour autant, cela ne fait pas de
River Runs Red un disque de Metal à proprement parlé. Entre ce groove typiquement new-yorkais ("This Time" quand arrive ce fameux refrain, les excellents "Underground", "River Runs Red", "My Eyes" ou encore "Respect", l’irrésistible "Through And Through" ainsi que le bien nommé "Method Of Groove" que l’on croirait presque composé par Biohazard) et ces chœurs viriles, certains posés comme des mosh-part, qui ponctuent quasiment chaque titre de l’album et viennent insuffler cette atmosphère urbaine si caractéristique du Hardcore new-yorkais, il n’y a aucun doute possible. Et peu importe ce qu’en dise les rageux et autres pleureuses.
Premier album particulièrement ambitieux, surtout dans une scène si peu habituée à ce genre d’exercice,
River Runs Red a su rapidement bouleverser les standards de l’époque. Mais sous ses airs de disque dur et teigneux, on ne peut qu’être frappé et touché par la charge émotionnelle qui s’en dégage. Une sincérité exacerbée grâce aux capacités vocales d’un Keith/Mina Caputo capable aussi bien de hurler à plein poumons que de chanter avec une voix mélodique d’une justesse incroyable. Amateur de Hardcore, ce disque ne peut pas vous être inconnu. Passer à côté serait vraiment une terrible erreur et surtout un véritable manque de bon sens.
Quant à la suite, celle-ci ne fera malheureusement pas autant l’unanimité. Beaucoup reprocheront à Life Of Agony d’avoir sombré vers quelque chose de beaucoup trop Rock, trop mélodique, peut-être même trop mièvre (c’est un peu vrai avec
Soul Searching Sun). Si j’ai un conseil à vous donner, n’écoutez pas ces gens-là, ils ont tort.
Ugly est certes quelque peu différent mais il reste à mes yeux un véritable joyau dont il me tarde de vous parler.
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