J'aime les dessins animés japonais de mon adolescence,
Gundam Wing et surtout
Neon Genesis Evangelion, leurs batailles épiques et leurs émotions qui le sont tout autant. J'aime un jeu vidéo comme
Nier : Automata, sa planète qui n'est que ruines, sa guerre insensée, son humanité absente, où les robots ont l'âme mélancolique. J'aime Krallice et Gorguts, leurs musiques mariant le grandiose à des images d'espace comme lieu où conquérir et mourir. Et donc, logiquement, j'aime
Infrared Horizon.
Car oui, Artificial Brain m'évoque tout cela sur son second album. Chose normale, tant ces références s'appliquaient déjà à
Labyrinth Constellation, album de 2014 où les mélodies et la technique servaient à décrire une ambiance de science-fiction belliqueuse. Les Ricains avaient toutes les cartes en main dès le départ, même si une certaine marge de manœuvre se faisait sentir. Une envie de les voir aller plus loin sur tous les plans, aussi bien au niveau de la brutalité que du trouble qu'il y a à contempler des illustrations d'exoplanètes tempétueuses et d'armées s'étripant au cœur de la mêlée.
Ce que, d'une certaine façon, fait
Infrared Horizon. Sans forcément changer sa formule – on pense une nouvelle fois à une bagarre entre le Gorguts de
Colored Sands et le Krallice de
Years Past Matter –, Artifical Brain a développé davantage les atouts de sa musique. Fluide, directement accrocheur, n'oubliant jamais l'auditeur dans ses structures et riffs alambiqués, ce deuxième longue-durée éblouit au départ par sa facilité d'approche, volontaire jusqu'à une durée n'excédant pas les cinquante minutes. À ce titre, les quatre premiers morceaux sont exemplaires, l'écoute se déroulant dans une épopée intergalactique aussi éprouvante que fulgurante de « Floating in Delirium » à « Estranged from Orbit » inclus. La bande menée par Will Smith (et son growl toujours aussi impressionnant, tartinant à en faire rougir les amateurs de death metal guttural tout en s'avérant varié dans les sentiments qu'il transmet) appuie d'emblée sur le bouton « décollage », mêlant blasts faisant bomber le torse, dissonances rythmées et mélodies étrangement tristes et aériennes sans discontinuer. Pouah ! Rien que cette entame oblige à conseiller aux fans de death metal technique et atmosphérique de se jeter sur cet album, des compositions comme « Synthesized Instinct » (un véritable tube !) et « Estranged from Orbit » (aussi raffinée que ravageuse) étant des chefs d’œuvres à part entière. Esthétique, violent, narratif, ébouriffant : ce départ équivaut à dix-huit minutes de bonheur intense pour qui n'est pas contre un peu de beauté au milieu du chaos.
Aucun doute : Artificial Brain a perfectionné son art sur
Infrared Horizon. Atteignant souvent les hauteurs, il garde toujours sous le coude des passages où bouger la tête et rêver à ses propres histoires d'androïde cherchant son salut dans le combat. Carnet en main, on constate pourtant que la deuxième partie de l'album est moins constante que cette formidable première moitié. Renouant avec l'éclatement de
Labyrinth Constellation, le morceau éponyme et « Anchored to the Inlayed Arc », bouchers au possible, font moins ressentir cette impression de vivre des montagnes russes dans un paysage d'astéroïdes. Mais c'est surtout un flagrant manque d'équilibre entre ses différentes excursions qui pénalise sur la longueur ce nouvel essai. Ainsi, son histoire – car il y en a une apparemment, même si mon anglais ne me permet pas de bien comprendre un tel niveau de précision similaire à un disque de Carcass écrit par un fan d'Asimov et Linux – peine à offrir un final satisfaisant, « Ash Eclipse » renouant avec la brutalité là où la douce conclusion de « Graveyard of Lightless Planets » paraissait plus indiquée. Enfin,
Infrared Horizon ne se débarrasse pas encore tout à fait de cette envie d'entendre les Ricains moins polis et gentils, bons sous tous rapports envers leurs maîtres. Une frustration déjà présente sur
Labyrinth Constellation, certes moins handicapante ici mais, étant donné les capacités des musiciens – quel batteur ! –, on aimerait les voir s'extirper à coup de bolt de certaines influences trop évidentes (le début de « Vacant Explorer » par exemple, où l'on cherche de quelle œuvre de Krallice il provient).
Il manque peu de choses à Artificial Brain pour devenir un grand nom du (post) death metal. Un peu de personnalité, un peu de maîtrise dans ses effets, peut-être une décision franche entre ses désirs de mélodies et de brutalité technique. Peu de choses, mais que j'espère voir se régler prochainement, tant j'ai envie de le voir grandir encore et me mettre complètement à genoux. Malgré les énormes qualités de
Infrared Horizon, peaufiné jusqu'à sa pochette signée Adam Burke et une production aussi stellaire qu'abrasive, ce sera, me concernant, pour une prochaine fois. Mais attention : il ne serait pas étonnant de voir ce disque illustrer quelques bilans de fin d'année !
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