En fin d'année dernière, Profound Lore avait posté, sur sa page Facebook, une liste de groupes dont il produirait les
full-lengths. Alléchante comme on peut l'imaginer, rien qu'en survolant le
roster de l'écurie canadienne. Mon petit cœur de groupie avait manqué un battement en voyant les onze lettres "FULL OF HELL" figurer dans ce pavé. Ces jeunes agités commençaient à me manquer : plus de Grindcore
"orthodoxe" depuis leur fantastique collaboration avec Merzbow (2014), plus de détours expérimentaux depuis la sortie de
"One Day You Will Ache Like I Ache", commis avec leurs compères de The Body l'année dernière - je laisse volontairement de côté l'assez anecdotique split avec Nails. Restait à savoir dans quelle direction Full Of Hell allait partir pour ce nouvel opus. Dans le
"tout-à-la-Noise", comme auraient pu le laisser envisager leurs prestations scéniques les plus récentes (mi-tabassage en règle, mi-cuisine sur table à samples et pédales d'effet), ou dans la plus pure tradition, rappel des plus belles heures d'un
"Rudiments of Mutilation"?
Profound Lore, conscient de l'engouement suscité par ses jeunes poulains, a fait craquer son PEL pour produire et enregistrer
"Trumpeting Ecstasy" : Kurt Ballou en guise de sondier, jugez du peu ! Grand nom, grand curriculum... Dont je n'avais (et n'ai toujours) pas grand chose à faire. Car, voyez-vous, à force d'écouter des cassettes de Black quelconque mixées avec des moufles, je me surprends à préférer la rugosité d'un son approximatif aux productions gonflées aux amphétamines, lisses, sans aspérités. Plus sérieusement, le grain, le sale, le côté buvard d'un
"Rudiments of Mutilation" (qui reste encore aujourd'hui mon Full Of Hell préféré) rendait le propos du groupe encore plus acéré. Les premiers extraits de ce nouveau disque m'avaient ainsi un peu refroidi : relativement génériques (sonnant presque Death clinique), surproduits... Toujours dans la sauvagerie, mais pas dans la fougue, quand j'espérais y retrouver les assauts furieux qui m'ont fait aimer le combo. Alors, verdict ? Ce nouvel opus, à mon sens bien trop
teasé pour une galette d'à peine 24 minutes, tient-il plus de la petite chirurgie en bloc stérile que de l'équarrissage ?
Qu'on se rassure, la production-monolithe assurée par le barbu n'enlève à Full of Hell ni son grain de guitare particulier, ni la qualité et la violence des prestations de David Bland et Dylan Walker, tous deux impériaux, comme d'habitude. Le premier semble toujours à deux doigts de la rupture d'anévrisme lorsqu'il dispense ses blast avec régularité comme durant ses
patterns plus massifs (la fin de "Bound Sphinx"), ou chaque coup de baguette semble être porté avec une force de frappe de centaines de newtons; Le second oscille toujours entre hurlements hystériques, à en faire pâlir les plus endurcis d'entre nous, et
growls malsains, caverneux, se calant avec une aisance déconcertante sur les nombreux breaks casse-nuques et les plans rythmiques quasi-surréalistes (la tête dans le guidon sur "Digital Prison"). On ne crachera pas non plus sur les cordes, toujours aussi tranchantes, piquant à vif les nerfs : de la seconde moitié du fantastique "The Cosmic Vein" et sa brulure à l'acide en guise de riff, jusqu'au motif presque Atheist-o/Cephalic Carnage-
esque de "Fractured Quartz" (montrant que Full of Hell a su varier son régime), le quatuor n'oublie jamais d'écraser la pédale quand il le faut, et ce dès les premières secondes de
"Trumpeting Ecstasy". Frontale et vicieuse, la machine à tuer parfaite.
La composante Noise se fait bien plus discrète, surtout si on la compare aux précédentes sorties de Full of Hell - passer de collaborations avec Merzbow et Full of Hell à ce dernier méfait pourrait surprendre plus d'un
aficionado des nappes grésillantes et des sonorités industrielles. Réduites à de simples interludes tantôt énigmatiques (samples de voix), tantôt franchement bruitistes, le groupe ne cherche même plus à les mélanger à sa tambouille, déjà bien compacte. Jusqu'à ce que le morceau-titre de
"Trumpeting Ecstasy" me donne tort, témoin que le fantastique
"One Day You Will Ache Like I Ache" n'a pas été qu'un simple coup d'éclat. Il est à la fois le meilleur titre de cet album, mais aussi le seul ou l'un des
guests sert réellement à quelque chose. Full of Hell joue sur le contraste de la voix de Nicole Dollanganger, surréaliste par sa teinte très enfantine, à des lambeaux de bruits sourds, des plaintes de pédales d'effets formant une bande-son insupportable, à peine percés par un David Bland qui, malgré toute sa bonne volonté, peine à se faire entendre. Une revisite totalement réussie de
"La Belle et la Bête", saucée au charme vénéneux des films érotiques d'antan et autres
torture-porn modernes les plus déviants.
Malgré tout, j'ai l'impression que Full of Hell n'a pas réussi à trouver de point d'équilibre entre "la Noise à tout prix" et l'absence complète d'éléments expérimentaux. Un ou deux titres supplémentaires, pour peu qu'ils aient été de la trempe de "Trumpeting Ecstasy" auraient été des plus appréciables.Car, loin de faire retomber le soufflé, ce dernier aide l'album tout entier à véhiculer cette ambiance eschatologique, concept même de l'album. Surtout au vu de la manière dont "At The Cauldron's Bottom" clôture péniblement l'album - petite baisse de régime qui permet cependant à l'auditeur de reprendre son souffle.
Ne crachons pas non plus dans la soupe,
"Trumpeting Ecstasy" est à la fois une leçon de Grindcore hystérique et une autre excellente sortie du combo. Toutefois, probablement trop marqué par ses aînés (l'album en compagnie de The Body en tête), je reste à peine déçu par la trop faible place occupée par les bidouillages électroniques que j'apprécie tant chez Full of Hell. Tout comme j'ai la désagréable impression de rester sur ma faim à chaque fois que la galette se termine.
"Ha ? Déjà ?" Un concentré de malaise et de violence, bien trop bref mais d'une efficacité absolument décapante. Malgré tout, j'attends avec impatience leur prochaine venue dans l'Hexagone : à défaut d'avoir accouché d'un sommet au sein de leur discographie, ils sauront sans problème rendre le propos de
"Trumpeting Ecstasy" encore plus
primal sur scène.
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