On avait un petit peu perdu de vue Heresiarch après la sortie, début 2014, de son deuxième EP intitulé
Wælwulf. Il faut dire que le groupe s’est montré particulièrement discret durant les mois qui ont suivi allant même jusqu’à se faire complètement oublier. Un exercice dans lequel il excelle puisque la formation s’était déjà plongée dans un long hiatus après la sortie de son premier EP fin 2011. Les Néo-Zélandais ont donc naturellement mis à profit cette période de calme afin de préparer à l’abri des regards indiscrets leur nouveau plan d’attaque.
Fin 2016, le groupe annonçait ainsi à la surprise générale son intention de revenir sur le devant de la scène avec un premier album intitulé
Death Ordinance. Après avoir fait appel à Nick Keller pour l’artwork du très bon
Hammer Of Intransigence, Heresiarch est allé solliciter les talents de Chris Kiesling plus connu pour ses travaux sous le nom de Misanthropic-Art (Deathronation, Funebrarum, Goath, Hooded Menace, Destroying Divinity...). Le résultat, s’il fait un peu penser aux diverses réalisations de Paolo Girardi, donne néanmoins le ton de cet album paru il y a seulement quelques jours sur Dark Descent Records.
Derrière ce premier album se cache également un line-up quelque peu revisité avec la présence d’un ex-Diocletian à la basse (déjà présent à la guitare sur les deux premiers enregistrements d’Heresiarch) rejoint à la guitare et à la batterie par deux petits nouveaux identifiés par les initiales suivantes : C.S. et N.O.. Ces trois énergumènes viennent en renfort de N.H. (ex-Vesicant), seul membre original de la formation néo-zélandaise encore en poste aujourd’hui.
A l’image de ce char d’assaut fièrement dressé prêt à abattre ses tonnes d’acier sur les pauvres corps fatigués et meurtris qui pourraient se trouver sur son chemin, Heresiarch entame les hostilités par un titre d’une extrême lourdeur. "Consecrating Fire" va alors donner l’impression d’une entité certes menaçante mais embourbée dans une longue et lente procession, répétant ainsi ses riffs plombés jusqu’à écœurement au son de la mitraille. Souvent placé en guise de conclusion, ce genre de titre apporte ainsi positionné une certaine tension qui, on le sait pertinemment, n’est amenée qu’à exploser dans un déluge de violence inouïe.
Passé cette terrible marche funeste, Heresiarch va alors déchaîner les enfers dans une démonstration de force impitoyable à l’issue irrévocable. Une mise à mort brutale qui va se faire à travers des titres particulièrement furieux et intenses. Une cadence de feu des plus soutenues marquée par les assauts quasi-ininterrompus d’un batteur qui n’a de cesse de matraquer ses fûts à coup de blasts et autres cassures épileptiques à vous rendre complètement fou. A la manière d’un Revenge avec qui on pourrait tracer ici bien d’autres parallèles, la frontière avec le Grindcore semble des plus ténues. Comme toujours, il y a bien quelques points de ruptures ("Harbinger" à 1:29, "Ruination" à 3:43, "The Yoke" judicieusement placé à mi-parcours, les premières mesures d’"Iron Harvest", "Righteous Upsurgence" à 3:03, "Desert Of Ash" et ses mélodies presque mélancoliques) afin de rompre avec cette dynamique de l’extrême mais dans l’ensemble, Heresiarch ne sert qu’une seule idée : annihiler toute forme de résistance dans un fracas brutal et chaotique.
Aidé par une production beaucoup plus équilibrée que la plupart des groupes évoluant dans ce même registre, les Néo-Zélandais donnent à leurs riffs une lisibilité certaine qui rend ainsi le Black/Death punitif d’Heresiarch probablement encore un peu plus efficace ou en tout cas beaucoup plus immédiat. Car bien que ces riffs se caractérisent toujours par une certaine densité ainsi qu’une nature à la répétition symptomatique du sentiment d’aliénation que procure cette musique, l’assimilation de ce premier album n’en est finalement que plus "aisée". Et si le rythme imposé par la batterie de N.O. nourrit une certaine idée du chaos, les solos déglingués de C.S. y participent également grandement. Ainsi, ces fulgurances frénétiques et surtout hyper agressives dans leurs sonorités volontairement aigues viennent, s’il en était encore nécessaire, appuyer cette sensation de tumulte perpétuel qui règne à l’écoute de
Death Ordinance.
Enfin, on appréciera les subtilités du chant de N.H. qui, en plus de s’être épaissi depuis l’excellent
Wælwulf, se fait aussi multiple. S’il est bien le seul à postillonner derrière un micro, il propose grâce aux joies d’une production multipistes, une superposition de plusieurs voix allant du cri arraché et malsain au growl beaucoup plus sombre et profond. Certes, cela demeure relativement discret et sporadique mais ce genre de petits détails reste toujours bienvenu.
Inutile de vous dire que je suis donc particulièrement enthousiaste de ce retour d’Heresiarch. Le groupe qui avait su se faire oublier en dépit de deux sorties des plus convaincantes, revient aujourd’hui en force avec un premier album qui ne bouleversera certainement pas les standards du genre mais saura ravir les amateurs de ce type de formations radicales et jusqu’au-boutiste. Rien de bien nouveau sous le soleil néo-zélandais (difficile en effet de passer après Diocletian et Witchrist) mais pour autant, après deux derniers albums bons mais forcément des plus marquants (notamment en ce qui concerne Witchrist),
Death Ordinance vient rappeler - s’il était encore nécessaire - que ces gens-là ne sont pas de ceux dont on se moquent avec impunité. Heresiarch dresse ici un rappel à l’ordre qui ne risque pas de passer inaperçu.
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