Beaucoup vous diront que Sacred Reich est le groupe d’un seul et unique album,
Ignorance. Un avis que je ne partage pas vraiment en grande partie parce que j’ai découvert le groupe à la sortie de
Independent en 1993 et que quoi que l’on en dise (et en dépit d’un certain lien affectif), ce disque possède tout de même bien des qualités. Quoi qu’il en soit, après avoir loupé l’occasion de célébrer comme il se doit le trentième anniversaire de ce premier album, l’heure est enfin venue de rendre justice à ce célèbre groupe de Thrash américain dont seul
Heal figure en ces pages.
Formé à Phoenix en 1985, Sacred Reich sort sa première démo intitulée
Draining You Of Life l’année suivante. Envoyée à quelques labels, celle-ci va taper dans l’œil d’un certain Brian Slagel. Ce dernier va alors leur proposer une place sur la compilation
Metal Massacre VIII ainsi qu’un deal pour la sortie d’au moins deux albums sur Metal Blade Records. Comme souvent à cette époque, les choses vont aller extrêmement vite pour Sacred Reich qui sortira en 1987 son tout premier album, l’indispensable
Ignorance à l’artwork si familier pour quiconque à écumé les bacs de la Fnac et des magasins Nuggets dans ses jeunes années. Un artwork qui soit dit en passant rappelle étrangement celui du premier album des Beastie Boys sorti la même année…
Produit et enregistré par Bill Metoyer, un homme de l‘ombre ayant précédemment collaboré avec des groupes tels qu’Armored Saint, Corrosion Of Conformity, Cryptic Slaughter, Dark Angel, Fates Warning, Flotsam And Jetsam, Morbid Angel, Omen ou Slayer, ce premier album va bénéficier de moyens déjà relativement conséquents pour l’époque (Stagg Street Studio, Preferred Sound Studio, Track Record Studio) ainsi que d’un véritable savoir-faire qui vont alors lui permettre d’affronter les affres du temps sans jamais véritablement souffrir de la comparaison avec les générations futures de jeunes Thrashers. Bien entendu, quelques petits ajustements pourraient être fait aujourd’hui mais très franchement, la qualité de la production sur ce
Ignorance est telle qu’il n’y a pas vraiment de sujet (bien équilibré, une basse conquérante, des riffs puissants...). Et puis il faut bien avouer que malgré quelques petits défauts, cela lui donne un certain cachet.
Avec un total de huit titres pour seulement trente-deux minutes et quelques secondes, ce premier album ne s’embarrasse d’aucune fioriture et concentre ses activités sur l’essentiel : du groove, des riffs assassins et des cavalcades à perdre haleine (ce qui à mon sens fait d’un album de Thrash un bon album de Thrash). A ce titre, Sacred Reich va produire avec "Death Squad" l’un des meilleurs "opener" que l’on puisse encore aujourd’hui trouver sur un album de ce genre. Quatre minutes et vingt-quatre secondes absolument jouissives servi par une longue introduction au groove incroyable (ce riff, aïe aïe aïe) à laquelle va venir se succéder une séquence beaucoup plus rapide introduite par un riff tellement bonnard (1:36) que les Allemands de Sodom n’hésiteront pas à le leur piquer trois ans plus tard pour composer l’excellent "Agent Orange". Un plagiat évident à envisager plutôt comme un hommage tant les deux groupes s’apprécient mutuellement.
Sorti en 1987,
Ignorance n’est pas un album qui a particulièrement changé la donne dans le paysage Thrash de l’époque. D’autres groupes sont déjà passés par là avant Sacred Reich et les Américains ne font finalement que suivre la mouvance non sans un certain talent, il est vrai. Pour autant, le groupe ne manquent ni d’atouts ni de personnalité. Je ne vais donc pas perdre mon temps à vous décrire en détails ces riffs, ces accélérations et autres mosh-part à vous rompre les cervicales, mais plutôt m’intéresser à ce qui différencie Sacred Reich des autres formations de l’époque.
Pour commencer il y a déjà la voix tout à fait particulière de Phil Rind. Un chant bien moins agressif que celui de ses contemporains, particulièrement intelligible (un détail qui a toute son importance dans le cas des Américains), au débit relativement modéré et à la diction plutôt marquée. Bien sur, celui-ci n’hésite jamais à suivre la cadence imposée par la section rythmique mais c’est un peu comme si la voix donnait elle aussi la mesure à suivre tout au long de cette petite demi-heure.
Et si cette voix se veut parfaitement compréhensible c’est parce qu’elle porte des messages forts que Phil Rind veut entendre résonner avec force et panache. En tant que groupe de Thrash digne de ce nom, Sacred Reich aborde en effet de nombreux sujets de société et n’hésite pas par ailleurs à être particulièrement critique envers son propre pays, notamment en matière de religion. Voilà un petit florilège de ces paroles qui ne manquent pas de saveurs
Taken by force. Controlled by fear. Death squad police of the right. Must stamp out subversion. Dissension, unrest. Those who oppose will meet death ("Death Squad"),
Our atmosphere clouded with poison. We're killing ourselves to live. Filling the world with hate and dissension. We'll have only our lives to give. What we do now is the key to the future. We'll only have ourselves to blame. For arming the world with the tools of destruction. Our ignorance means death ("Ignorance"),
The Bible is a lie. I defy the lying priest. God doesn't control my life. I choose my own destiny. Religion is for the weak. Your soul will die forever. Get up off your knees. There's no God in heaven ("No Believers") ou bien encore
Comformity training center. Seas of mindless brain dead kids. Wandering lost forever. What an education is. Don't speak out, don't make waves. You get an education free. Just play along with our games. This system just ain't right for me ("Administrative Decisions")... Bref, le père Phil n’est pas là que pour gueuler dans un micro. Ce qu’il dit lui tient particulièrement à cœur.
Doté de ce feeling si particulier qui lui confère un délicieux capital nostalgie (ah ce "Layed To Rest" instrumental tout en mélodie typique de cette décennie),
Ignorance est le genre de pépite qu’il est impossible de passer sous silence si l’on apprécie un tant soit peu le Thrash dans sa forme la plus classique (riffs nerveux et solo de guitar hero, batterie haletante, accélérations à perdre haleine, mosh part de déglingo et groove de débile mental). Je peux concevoir que le reste de la discographie de Sacred Reich puisse ne pas convaincre (même si franchement,
American Way et
Surf Nicaragua sont pour moi deux disques qui valent le détour) mais
Ignorance est probablement l’un des meilleurs disques du genre sorti à l’époque. Court et efficace de bout en bout, voilà un disque qui risque bien, encore trente ans plus tard, de vous faire transpirer à grosses goutes.
4 COMMENTAIRE(S)
30/01/2018 17:58
22/01/2018 12:00
20/01/2018 08:15
20/01/2018 07:42
J'ai beau avoir essayé encore et encore, Sacred Reich ne me touche absolument pas : facteur générationnel ? Non vu que d'autres qui sont venus après la guerre sont archi-fans.
Facteur culturel, alors ? C'est vrai que je n'ai pas la culture du Thrash des 80's que certains réactivent.
Quand j'écoute du Sacred Reich, j'ai direct envie de me mettre le "How will I laugh..." des ST : ce que je vais faire illico