1993, époque bénite où Best Of Trash (ou ce qui en était alors les prémices car je n’arrive pas à trouver la date exacte à laquelle cette émission a véritablement débuté) était diffusée à pas d’heure sur M6, obligeant le collégien que j’étais à enregistrer religieusement sur VHS ces émissions hebdomadaires dans l’espoir d’y découvrir le lendemain des groupes qu’à treize ans on trouvait forcément incroyables. Si dans le lot il y avait pourtant quelques trucs à jeter, j’ai néanmoins fait pas mal de découvertes pendant ces quelques années. Découvertes qui d’ailleurs sont aujourd’hui toujours sur mes étagères. D’Acid Bath à Orange 9mm en passant par 59 Times The Pain, Beastie Boys ou Refused, le gamin que j’étais a ainsi bâti un bout de sa culture musicale grâce à ces quelques clips. Alors pourquoi évoquer plus particulièrement l’année 1993 en guise de préambule ? Tout simplement parce que c’est à cette époque j’ai découvert Sacred Reich avec le clip d’"Independent", seul single de ce troisième album sorti non pas sur Metal Blade Records mais sur Hollywood Records.
Mais ce changement n’est pas le seul à marquer la sortie de ce troisième album. En effet, les Américains ont également dû faire face au départ de Greg Hall, batteur historique du groupe en place depuis 1985, remplacé ici par ce qui n’était alors qu’un illustre inconnu du nom de Dave McClain (avant que celui-ci aille rejoindre Machine Head cinq ans plus tard). Sacred Reich va également choisir de se passer des services du producteur Bill Metoyer avec qui il collaborait depuis ses débuts sur Metal Blade au profit de Dave Jerden connu pour son travail avec Alice In Chains, Anthrax, Spinal Tap, The Rolling Stones ou bien encore David Bowie. Forcément, quand vous avez derrière vous un label qui appartient à Disney Music Group, on vous donne généralement les moyens de réussir. Et il est vrai que l’un des atouts premiers d’
Independent est très certainement sa production puissante et incisive qui va donner un sérieux coup de fouet aux compositions des Américains qui jusque-là n’avaient pourtant pas spécialement à rougir du travail effectué sur leurs différents albums. Un travail soigné qui, encore aujourd’hui, reste des plus pertinents. Pas mal pour un album qui a célébré cette année ses vingt-cinq ans.
Amorcé depuis la sortie de
The American Way trois ans plus tôt, le virage Power/Thrash opéré par Sacred Reich se confirme bel et bien ici, laissant définitivement sur le carreau certains fans de la première heure peu ouverts à ce genre de transition qu’ils considérent en quelque sorte comme une trahison. Il est vrai qu’en choisissant de privilégier le groove à la vitesse et d’apporter autant d’attention à la nature plus mélodique de leurs compositions (quitte à nous gratifier de quelques balades à l’image de l’instrumental "If Only" ou "I Never Said Goodbye", titre un peu plus musclé mais au coeur tendre), les Américains s’inscrivent dans une démarche relativement similaire à celle de groupes tels que Metallica sur son album éponyme, Megadeth sur
Countdown To Extinction, Anthrax sur
Sound Of White Noise ou Exodus sur
Force Of Habit pour ne citer que les plus connus parmi tous ces groupes de Thrash (Testatment, Kreator, Demolition Hammer, Epidemic...) ayant décidé de mettre un peu (voir beaucoup pour certains) d’eau dans leur vin à l’orée des années 90. Une fatalité qui n’en est pas forcément une dans le cas présent (l’album conserve à mes yeux une certaine sympathie dû mon histoire avec lui) mais qui, encore une fois, aura entériné pour une partie de leurs auditeurs cette scission entamée depuis
The American Way.
Si les riffs de la paire Wiley Arnett/Jason Rainey conservent évidement de leur mordant (il suffit d’écouter les attaques sur ces quelques titres incisifs rappelant les débuts des Américains que sont "Independent", "Supremacy", "Pressure", "Do It" ou encore la toute dernière partie de "Free" pour s’en rendre compte), si la voix si particulière de Phil Rind n’a pas changé d’un pouce malgré les années et si les sujets abordés par le groupe restent les mêmes à savoir des sujets de sociétés (liberté de parole, de penser, place de l’individu dans le monde d’aujourd’hui), il est clair que Sacred Reich a pourtant revu sa copie, distillant désormais de gros riffs rythmiquement bien plus marqués sur fond de mid-tempo taillés la plupart du temps pour briser des nuques ("Just Like That", "Crawling" et ses accointances Stoner Rock dont les riffs bien lourds pourraient avoir été composés par Down ou Corrosion Of Conformity, le très Pantera "Product" pour rester dans les comparaisons impliquant Phil Anselmo...). Sur ces séquences mid-tempo, le chant de Phil Rind s’il conserve ce grain et cette intonation si particulière va malgré tout prendre une tournure plus mélodique, presque Heavy Metal avec quelques montées dans les aiguës et surtout une cadence naturellement moins soutenue.
Mais bien que cet album conserve à mes yeux un très fort capital sympathie, cela ne l’empêche pas d’avoir quelques défauts, notamment face à ses prédécesseurs. Car en dépit de leur efficacité incontestable, je trouve tout de même les morceaux les plus Thrash un poil anecdotiques. Le groupe nous balance des riffs Punk ultra simples joués à toute berzingue sur une rythmique menée la tête dans le guidon mais sans réelle profondeur ou moment véritablement marquant... De même, la fin de l’album tend dans l’ensemble à s’essouffler (notamment à partir de "I Never Said Goodbye") et n’apporte au final pas grand-chose si ce n’est la sensation de remplir pour remplir.
Rétrospectivement, je ne suis pas certain que si j’avais découvert
Independant aujourd’hui je lui trouverais beaucoup de charmes. Certes, l’ensemble est bien fichu, il n’y a pas de moments vraiment gênants ou de morceaux mal composés mais à la différence de ses prédécesseurs, l’album ne brille en rien, à aucune occasion. Entre Thrash et Power/Thrash typiquement US, ce troisième album s’inscrit dans ce qui se faisait à l’époque sans avoir pour lui la capacité de se distinguer véritablement de la masse. Certes il y a la voix de Phil Rind, toujours aussi remarquable mais en toute honnêteté, l’ensemble n’est pas aussi mémorable qu’un
The American Way et surtout qu’un
Ignorance qui est probablement l’un des plus efficaces albums de Thrash de la fin des années 80. Un album à conseiller aux nostalgiques de cette époque, rien d’autre.
3 COMMENTAIRE(S)
03/07/2018 13:55
03/07/2018 08:13
C'était un peu mon cas également mais au final, je le trouve justement moins bons que dans mes souvenirs et il ne tient pas aussi bien la comparaison face aux précédentes sorties du groupe. Maintenant que cette chronique est bouclée, je sais que je n'y retournerai pas tout de suite...
03/07/2018 06:34