Si depuis la sortie de son premier album en 2013, Demonomancy n’est pas resté totalement inactif, on ne peut pas dire qu’il ait non plus fait beaucoup parlé de lui. Il y a bien eu un split en 2016 en compagnie des Finlandais de Witchcraft (fort sympathique au demeurant) ainsi qu’une compilation de ses premiers enregistrements éditée l’année dernière par le label Nuclear War Now ! mais au final on sait tous que ces formats n’intéressent pas grand monde si ce n’est quelques die-hard encore prêts à se ruer sur ce genre d’objets.
L’une des raisons principales à ce manque d’entrain est à rechercher du côté du line-up. Entre 2015 et 2016, Demonomancy aura en effet vu les départs successifs de deux de ses trois membres d’origine laissant alors le dénommé Witches Whipping seul maître à bord. Bien décidé à ne pas en rester là, celui-ci s’est adjoint les services de deux nouveaux mercenaires histoire d’apporter enfin une suite au très bon
Throne Of Demonic Proselytism.
Intitulé
Poisoned Atonement, ce nouvel album marque la fin d’une longue collaboration entre le groupe et le label californien de Yosuke Konishi. Libre de toute obligation, Demonomancy va alors porter son choix sur Invictus Productions, label irlandais toujours très friand de ce genre de Black/Death occulte et impitoyable (Crurifragium, Ululatum Tollunt, Diocletian...). Pour illustrer cette collaboration, les Italiens ont fait appel à l’un de leurs compatriotes. Un certain Raoul Mazzero connu pour ses travaux sous le nom de View From The Coffin (Cryptic Slaughter, Ekpyrosis, Fuoco Fatuo, Hellish God...). Il livre ici une œuvre tourmentée qui donne une idée assez claire de ce que l’on peut trouver sur ce
Poisoned Atonement.
Pour autant, Demonomancy ne figure pas parmi les groupes les plus bas du front que le genre ait porté. Il est même plutôt l’un des seuls à préférer évoluer dans les eaux troubles d’un Black/Death oscillant entre mid-tempo boueux et séquences beaucoup plus musclées (à base notamment de blasts, de tchouka-tchouka endiablés et de soli chaotico-mélodique). Un choix que je trouve relativement intéressant dans la mesure où cela apporte quelque chose que beaucoup d’autres groupes du même genre n’ont pas nécessairement, du groove (à quelques exceptions près comme Archgoat ou Blasphemy par exemple). Vous savez le genre de groove toujours aussi bienvenu, celui taillé pour briser des nuques juste après une bonne séquence menée le couteau entre les dents et la bave aux lèvres. A l’aide d’une production moderne et compacte totalement à contre-pied de ce qui est fait aujourd’hui dans le style (sauf peut-être Archgoat encore une fois), les Italiens vont s’imposer grâce à des compositions parfaitement intelligibles et mémorisables. Des riffs de guitare à la batterie en passant par cette basse qui rappelons-le, n’est pas un instrument facultatif, sans oublier le chant et bien tout y est, de manière parfaitement équilibrée. Certes, le rendu est dans son ensemble très propre (probablement même trop pour certain) et donc moins propice à l’instauration d’atmosphères cryptiques mais du coup, l’efficacité n’en est peut-être que plus immédiate. Pas besoin de trente-six écoutes pour adhérer au propos de Demonomancy qui s’impose par la force des choses dès les premières minutes.
Si vous avez déjà posé vos oreilles sur
Throne Of Demonic Proselytism, vous ne serez donc absolument pas dépaysé. Toutefois, il y a fort à parier que vous viendrez à tiquer sur un détail en particulier : le chant. Tout à fait adaptée à la situation, la voix de Witches Whipping ne souffrait jusque-là d’aucun défaut particulier si ce n’est celui de couvrir un seul spectre. Avec l’arrivée de Herald Of The Outer Realm et Cutthroat dans la formation, Demonomancy a fait le choix de multiplier les possibilités. Et pour le coup c’est particulièrement bien vu tant les trois hommes se complètent ici à la perfection. Si cela ne change pas fondamentalement le contenu, la couleur de certains passages voir même de certaines atmosphères s’en trouve quelque peu modifié. Qui s’attendait à retrouver cette courte montée dans les aigus digne d’un King Diamond sur "Fiery Herald Unbound (The Victorious Predator)" ? Ou bien ces chants quasi religieux présentés sous la forme d’échanges entre un prêtre des Enfers et ses quelques disciples sur l’excellent "The Day Of The Lord" ? Personne et je suis moi-même le premier surpris ! Et finalement, l’album est truffé de petits moments de ce genre durant lesquelles les trois musiciens semblent clairement se répondre les uns les autres tout en offrant bien davantage à entendre à commencer par ce chant incantatoire beaucoup moins profond et démoniaque revêtant des atours nettement plus lumineux et possédés ("The Day Of The Lord", "The Last Hym To Eschaton" ou "Fathomless Region Of Total Eclipse", "Nefarious Spawn Of Methodical Chaos"...). Pour ma part, cette vois n’est pas sans me rappeler celle des Belges de Saqra’s Cult ce qui est plutôt un très bon point.
Finalement, ce que la musique de Demonomancy semble avoir perdu en atmosphères suite à ce choix d’une production plus moderne et compacte, elle le compense par un trio de voix assez redoutable qui va amener une aura sulfureuse et démoniaque à l’ensemble. Une fois de plus, Demonomancy n’invente rien mais il est clair que ses remaniements de line-up lui ont été bénéfique tant sa formule s’en trouve aujourd’hui encore un peu plus savoureuse et personnelle. Certains trouveront sûrement le moyen de râler, mettant en cause ces mid-tempos ou bien encore cette production mais quoi qu’ils puissent dire, sachez qu’ils ont tort. Tout simplement. Car oui, il n’y a que du bon à voir changer un peu la donne dans un registre assez peu enclin à toutes idées changement ou de nouveauté.
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