Kwade Droes - De Duivel en zijn gore oude kankermoer
Chronique
Kwade Droes De Duivel en zijn gore oude kankermoer
Même si plus discret que ses proches voisins, les Pays-Bas ont sérieusement assis le fait que le black metal bien de chez eux n’était pas à mésestimer. Avec les sorties récentes de Solar Temple et d’Iskandr, le blason batave a déjà de quoi faire plaisir à pas mal d’adeptes. Mais si un nom en particulier brille plus fort que les autres depuis pas mal d’années déjà au pays du gouda, c’est celui d’Urfaust, avec son black metal rituel et intoxiqué. Et bien que le duo d’hallucinés ait dangereusement l’air d’être sur le déclin au vu de ses deux derniers albums (correct sans plus pour l’avant dernier et grosse fumisterie pour le dernier), un groupe de la région de Nimègue, où votre serviteur passe actuellement quelques mois d’exil, a l’air de vouloir reprendre le flambeau du black metal cosmico-transcendantal.
Kwade Droes avait attiré mon attention il y a un an avec un premier EP très bien fichu sorti chez les excellents Van Records qui proposait un black metal complétement onirique, avec des mélodies de guitares presque dansantes, une réverbération omniprésente et surtout une grosse inspiration tirée de leurs maîtres à penser en ce qui concerne le chant et la composition des chansons. Tout l’enjeu était de savoir si le groupe serait capable de se distancier suffisamment d’Urfaust pour s’affirmer tout seul comme un grand. Cet été est sorti le premier longue-durée du groupe, De Duivel en zijn gore oude kankermoer, grosse demi-heure de nouvelles compositions planquées derrière une pochette assez dispensable.
Passons l’introduction au piano, qui me fait invariablement penser dans ses premières notes à une musique de scène mièvre style déclaration d’amour sous la pluie dans un film français quelconque, Kwade Droes nous accueille dans son album avec une grosse mélodie réverbérée toute en dissonances. Mouais. Pas bien convaincant. La piste se perd, s’évapore à droite à gauche en enchaînant les phases portées par des suites d’accords lointains paumés dans le brouillard qui ne semblent pas avoir grand-chose à dire. Alors bien sûr, puisqu’on veut faire croire qu’on est Urfaust, on met des sons de claviers et des divagations vocales derrière, mais ça ne sauve pas le tout, loin de là. On s’ennuie ferme. L’effet hypnotique visiblement recherché n’est pas du tout là, c’est le contraire en fait. Faire se suivre ad nauseam des accords simplistes pour créer quelque chose de spirituel, ce n’est pas à la portée de tout le monde. N’est pas Varg qui veut. Et surtout pas des types qui semblent essayer de composer avec trois grammes dans le sang. On ne me fera pas croire qu’on peut lucidement trouver intéressantes des répétitions d’accords indistincts et disharmoniques enfouies sous des litres de réverbération.
Seconde piste, un tout peu moins ennuyante, mais qui là aussi se remplit de beaucoup de vide. Le même riff à trois notes tourne en boucle sur fond de blast noyé dans la réverb’, puis on casse le rythme pour taper de gros accords pseudo-mystiques … J’ai un peu l’impression d’écouter du vent quand même. D’autant plus que j’ai assez vite compris que Kwade Droes n’avait pas réussi à accomplir quoi que ce soit de concret, ni réussir à devenir un assez bon plagiat d’Urfaust pour retenir l’attention, ni sortir des compositions plus personnelles qui valent la peine d’être écoutées. L’intermède avec un sample en néerlandais accompagné d’un clavier qui fait « wwwuiiiiiuuuu » aurait pu enfoncer définitivement le clou, mais c’était sans compter avec l’introduction du morceau suivant qui s’en charge magnifiquement. Grand moment Disney Channel où le groupe envoie une mélodie de piano toute guillerette qui me fait attendre à chaque fois le moment ou Père Castor va enfin se décider à nous raconter une histoire. Oui, on compte sur lui maintenant parce que bon, Kwade Droes a l’air d’être très occupé à se bourrer la gueule en se pignolant sur des bouquins de Crowley, on ne voudrait pas le déranger.
À la suite de cet interlude gentiment dédié aux 4-6 ans, Kwade Droes se décide enfin à jouer sa carte du mid-tempo hallucinatoire que plus Urfaust que ça tu décèdes d’une mort cosmico-éthylique vraiment très spirituelle. Oui « enfin », parce qu’il était on ne peut plus évident que les néerlandais n’allaient pas soigneusement éviter cette plate-bande où l’herbe est si verte pour aller en aspirer goulûment les gouttes de rosée au goût d’absinthe. Mais attention, comme ton pote qui joue deux fois de suite un « +4 » sadique au Uno pour bien te gonfler et ruiner ton moral, Kwade Droes met bout à bout deux incroyables mid-tempi aussi chiants l’un que l’autre. Je ne vais pas me fatiguer à les commenter, ils sont nazes, et deviennent encore plus lourdingues quand on subit en faisant « pfrfrfrfr » avec la bouche les passages bruitistes à base de lancinances saturées. Ce qui est vraiment insupportable, c’est que les génies ici présents n’ont pas été fichus de se rendre compte que deux pistes bien lentes, on essaye généralement de les espacer sur un album, pour ne pas gonfler l’auditeur déjà très patient en l’occurrence. Tiens, sur Der Freiwillige Bettler de leurs idoles définitivement inaccessibles, les mecs avaient réfléchi, l’ordre des pistes faisait alterner un mid-tempo avec un morceau plus vigoureux. Là non, du coup on s’emmerde encore plus, parce que deux trucs sans intérêt, c’est déjà affligeant, mais si en plus on les colle, on frôle le catatonie.
Bon allez, on arrête d’essayer de creuser, on range les pelles et on va écouter le dernier Sargeist au lieu de s’infliger un ennui pareil. Kwade Droes était parti d’un joli petit EP pour se ramener ensuite avec un album mal composé, sûrement écrit à la va-vite, qui sent méchamment fort la paresse artistique. Ce n’est même plus une tentative de plagiat d’Urfaust, c’est une mauvaise parodie même pas drôle. Tant pis donc, la flamme toxique a l’air mal partie pour se raviver. Album à oublier, sans intérêt, et une belle tâche sur la réputation à peu près sans faute de Van Records.
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