Et donc, c’est officiel : Dirge n’est plus.
Forcément, après une telle annonce, un retour sur la discographie des Français s’est imposé à moi. Un besoin d’accompagner le deuil avec ses nombreuses productions, approchées avec un regard neuf. Car je dois bien m’y résoudre : je fais partie de ceux qui n’ont pas donné à Dirge l’attention qu’il méritait. Accueillant ses œuvres avec enthousiasme, je considérais les réalisations du groupe comme acquises, des créations toujours abouties, aux atmosphères travaillées, mais dont je ne parvenais pas toujours à voir la spécificité. Fanatique du groupe, je me penchais sur lui au-delà de ses albums, me disant bêtement « voilà un nouvel album de Dirge », comme si cela suffisait.
Mais Dirge n’est plus, et un changement de perception s’est opéré en moi suite à cette décision. Ainsi,
Elysian Magnetic Fields a été longtemps pour moi l’album de Dirge sur lequel je trouvais que les Français se reposaient trop sur leurs lauriers. Toujours ébahis par eux, leur univers particulier, leur musique qui semble, en surface, tout devoir à Neurosis alors qu’elle évolue dans des sphères inédites, j’ai cependant trouvé ce longue-durée trop ronronnant à l’époque, m’arrêtant aux marqueurs habituels : artwork de rouille, présence de Nicolas Dick, longues plages de guitares en lévitation, voix déclamatives et brutes, microclimat au sujet duquel je pensais avoir les parapluies adaptés. Passionné par le groupe, j’abordais ce disque sans passion.
Grossière erreur. Car les œuvres du projet trouvent aussi leur sens dans leur versatilité, leur capacité à marquer différemment selon les états d’esprits. Leur capacité à époustoufler puis s’inscrire sans forcer dans une quotidienneté. Devenir une musique de compagnie, en somme. Et
Elysian Magnetic Fields n’échappe pas à cela. Des années après cette petite déception se cachant derrière un énorme respect, une nouvelle tentative m’a alors fait voir ces soixante-six minutes sous une autre lumière. C’est simple : ci-gît ce que Dirge a probablement sorti de plus essoufflé, vitreux, amer, triste. Bam.
Comment ai-je pu passer à côté de… ça ?
Elysian Magnetic Fields, près de huit ans après sa sortie, me fait m’imaginer citoyen lambda d’une planète Mars colonisée, écrasé de fatigue à parcourir les routes tubulaires d’un réseau mécanisé. Des nuits passées dans les véhicules, mouvements constants dans un futur sans avenir, où les hommes s’affaissent écrasés par un système productiviste à la machinerie totalitaire. C’est ce que me renvoient ces entrelacs de notes, ces delays qui délavent, rendent translucides une musique où sourde la douleur d’une voix rageuse, cherchant les haut-parleurs pour éveiller ses frères humains au sursaut. Un monde imaginaire aux ennemis invisibles, prenant leur pouvoir dans la structuration d’une vie normale placée sous le joug de l’esclavage technologique.
Cette fatalité particulière coule dans chaque composition, indifférente, aux merveilles semblant lointaines. Dirge reste un groupe beau sans trop l’appuyer, mais donne ici un air inatteignable à ses chants vaporeux, ses mélodies étourdissantes, le rythme immuable sur lequel il inscrit sa mélancolie spatiale. Avec, car rien n’est simple ici, une chaleur qui veut sortir sous cette tristesse, donne un visage profondément humain à cette science-fiction faite de terre rouge et de labyrinthes de verre.
Tu m’étonnes que
Hyperion et
Lost Empyrean ont montré un Dirge plongeant dans l’espace et ses lumières ! Ce qu’il voit à ses pieds appelle décidément à regarder en l’air, l’évasion comme seule porte de sortie. Si
Elysian Magnetic Fields ne chamboule pas le favoritisme que j’applique à
And Shall the Sky Descend, il m’a chamboulé, passant de déception à l’époque à coup de cœur actuel. Dirge n’est plus, mais fort heureusement, je n’en ai pas fini de faire le tour.
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