Ayant fêté l’an dernier son quart de siècle d’existence, le fer de lance du Black-Metal d’outre Quiévrain est un modèle de persévérance et de motivation, car dans son style rares sont les formations aussi anciennes à n’avoir jamais fait de pause plus ou moins longue. Un véritable exploit quand on connait la carrière chaotique des belges où les nombreux changements de labels ont cohabité avec des mouvements de personnel incessants, qui ont fini par aboutir à une discographie assez inégale où l’excellence côtoie le ratage total. Si le satanisme primaire de l’ère Sabathan s’est effacé au profit d’ambiances plus atmosphériques en vigueur depuis le très bon
« Tetra Karcist » (et l’arrivée au chant de Nornagest), cela n’avait pas eu d’impact sur la productivité de l’ancien quatuor (devenu aujourd’hui quintet) qui offrait de façon régulière un nouveau long-format. Pourtant ce dernier-né (le onzième au total) aura mis du temps à arriver car pas moins de cinq années se sont écoulées depuis l’excellent « Sovereigns », un record ! Certes il y’a eu de nombreux concerts un peu partout en Europe comme sur le continent américain, mais aussi une signature chez Season Of Mist et enfin les classiques départs de membres (Phorgath et ZarZax remplacés par Norgaath et Shagãl), tout ceci expliquant sans doute cela.
Si le précédent opus conservait la trame actuelle du combo il voyait cependant un léger retour en arrière, via une certaine sobriété technique générale et des riffs qui renvoyaient tout droit aux années 90, et à l’époque bénie de
« Towards The Skullthrone Of Satan ». Point de cela ici car au contraire avec ce « Cold Black Suns » il pousse son cheminement et questionnement occulte à son paroxysme, bien plus loin que sur le mitigé
« Pentagrammaton » et son successeur plus convaincant (l’agréable « Obsidium »), pour offrir du coup l’album le plus ambitieux et synthétique de toute son histoire. Un choix qui ne va pas manquer de faire causer tant les fans de la première heure ont progressivement décroché du groupe, et ça n’est pas avec ce cru 2019 qu’ils vont y revenir, celui-ci semblant vouloir tourner définitivement la page de son premier chanteur (les morceaux de cette période ne sont pratiquement plus joués sur scène) pour mieux se projeter dans le présent et l’avenir. Ce qui est également certain c’est que cette nouvelle galette va demander beaucoup de temps et d’écoutes pour être totalement appréhendée, plus que les précédentes en tout cas, et que cette accroche moins immédiate est aussi une de ses faiblesses.
Cependant les mecs n’ont pas totalement renié les compos très courtes et bas du front, à l’instar du très bon et primal « Hosanna Satana » (qui n’est pas sans rappeler « Behemiron » sortie en 2010) où ça joue vite et fort sans se perdre dans des fioritures inutiles. Si le varié et réussi « Silent Redemption » reprend là-aussi des éléments directs et à l’ancienne il voit aussi une plus grande variété des rythmes où le tabassage se mélange à du mid-tempo qui donne envie de remuer la tête, et y intègre des nappes brumeuses et mystiques que l’on va retrouver tout du long par la suite, mais qui ici sont suffisamment discrètes pour ne pas effacer la violence qui y est présente. Si ce titre joue ici sur les deux tableaux avec subtilité, le reste va partir assez loin dans le religieux où claviers et samples vont s’en donner à cœur joie, tout en n’hésitant pas à s’étirer au maximum. Cela apparaît avec le sympathique « Oneiros » qui joue sur l’alternance sans pour autant tomber dans la violence brute mais dont la durée globale finit par faire retomber l’accroche comme un soufflé, ce qui va hélas aller en s’amplifiant tout comme la fâcheuse tendance d’ajouter de nombreux breaks qui n’amènent pas grand-chose hormis casser l’entrain général. Si « Vapula Omega » n’est pas d’un niveau exorbitant il a au moins le mérite d’accélérer et de jouer de façon rapide sur fond de guitares agréables dépouillées et froides, même si cela disparaît sur la partie centrale où le monastique prend les dessus et entraîne de fait un ralentissement généralisé. Mais si malgré ses défauts cette première partie tenait la route l’intérêt pour la seconde va lui progressivement décliner, d’ailleurs l’interlude « Aghoria » n’amène absolument rien de plus malgré des voix ténébreuses et théologiques qui essaient d’accrocher désespérément l’auditeur. Et ça n’est pas le correct « Beyond Humane Greed » qui changera la donne car ici on a la sensation que ça s’exprime et frappe dans le vide, sans folie ni passion avec des rythmiques basiques au possible, et dont les voiles nuageux superposés sont trop légers pour amener un supplément d’âme. Et avec la doublette de fin cette donne conceptuelle va encore être poussée à son maximum, que ce soit au niveau du temps effectif comme du son qui se montre de plus en plus spatial et trafiqué. C’est le cas d’abord de « Smoking Mirror » qui manque de naturel et offre surtout des blasts à n’en plus finir, mais ce qui est une bonne idée au départ va finalement se retourner contre ses créateurs, tant on a la sensation que ça tabasse dans le néant en pilotage automatique. Quant au côté cybernétique et artificiel il a eu raison de l’envie humaine de conserver une certaine chaleur et fraîcheur, ce qui fait que ça manque d’âme et laisse l’intérêt sur le bord de la route, tout comme avec le beaucoup trop long « Son Of Man » et ces presque neuf minutes au compteur. Si la voix parlée qui harangue la foule est convaincante la suite reprend les mêmes défauts que cité auparavant, et même quand ça veut repartir sur des bonnes bases les cassures nombreuses affaiblissent un ensemble déjà fragilisé qui n’arrive pas à retrouver sa vitesse de croisière, pour être finalement oublié dès qu’il s’est terminé.
Car une fois venu au bout des presque cinquante minutes on ne peut que constater qu’on ne retient pas grand-chose de cette sortie vu qu’au final peu de choses se détachent, aucune compo ou presque ne se démarquant de la masse qui reprend majoritairement les mêmes éléments ou presque. S’il y’a des chances que ce disque s’apprécie progressivement et différemment avec le temps il faudra quand même être patient et tenace pour l’appréhender complètement et arriver à le pénétrer sans décrocher en route, car les gars ont sans doute visé un peu trop haut et cela ne se fait pas sans dommages. Si leurs réalisations de cette décennie sont assez inégales elles ont au moins l’avantage d’aller à l’essentiel et de conserver un certain naturel, cependant ici l’obscurité est quasiment impénétrable et se situe plutôt dans une espèce de faille spatio-temporelle d’où il est difficile d’émerger, et donc de la digérer. Sans être un loupé total comme a pu l’être « Armoured Bestial Hell » en 2001 ce nouveau volet des aventures d’ENTHRONED se situera dans la moyenne, même s’il est possible que ce point de vue change avec le temps. Ce qui est certain en revanche c’est qu’il n’atteindra pas la qualité des classiques qui passent encore aujourd’hui allègrement l’épreuve de la scène quel que soit le contexte, chose qui sera probablement plus compliquée avec cet actuel chapitre même si on n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise.
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